L'avantage quand on gagnait le séjour tous frais payés à une tombola, c'est qu'on pouvait se permettre des petits extras. En l'occurrence, même si tu ne pouvais pas claquer la thune que tu n'avais pas dans des goodies inutiles, tu pouvais au moins t'offrir le billet d'entrée pour les deux parcs. Les autres frais, tels que le transport et l'hébergement seront partagés entre Chelsea et toi de façon équitable. Comme tu l'avais dit par messages avant de partir, ça ne pouvait que te faire du bien de passer un peu de temps avec ton acolyte de toujours. Tu avais l'impression d'avoir été un ami en carton ces derniers temps alors tu voulais te rattraper. Sans te donner des excuses pour autant, ces dernières semaines - mois? - ont été extrêmement mouvementées pour toi et tu sortais à peine la tête de l'eau. Tu avais été trop pris dans la toile de tes problèmes et de tes déboires amoureux pour prêter attention à ce qui se passait autour de toi. Tu avais été particulièrement égoïste et imbuvable avec tout le monde et ça ne te ressemblait pas. D'accord, tu n'avais pas toujours un caractère facile et tu pouvais même être un véritable chieur par moments, mais tu n'étais pas égoïste pour autant. Tu ne pouvais pas non plus avoir tous les défauts, ceux que tu avais étaient amplement suffisants. Vous aviez donc pris la route dans la matinée, après avoir pris un solide petit-déjeuner à vôtre hôtel. Tu t'étais goinfré, à plus forte raison que tu observais la période de jeûne prescrite par le carême, tu savais donc que tu ne mangeras pas avant la collation de ce soir. Tu t'en félicitais car cela te fera faire des économies sur les repas, dans ce genre de parc les restaurants coûtaient toujours la peau des fesses. Tu avais tout de même pris des sandwichs au fromage au cas où, pour éviter de faire un malaise à cause de la chaleur et de la faim. Vous voilà sur la route après ces quelques préparatifs. Tu conduisais la voiture de location avec prudence, à plus forte raison que tes médicaments pouvaient provoquer une légère somnolence. Ne voulant pas créer d'autres accidents - celui à moto avec Zaian t'avait suffi - tu avais accepté d'alterner avec Chelsea toutes les heures. Ainsi, vous vous êtes arrêtés à une station-service sur la route tant pour mettre de l'essence dans le véhicule que pour vous dégourdir les jambes. Après une pause technique, tu attendais dehors, la clope au bec et une bouteille d'eau à la main. Tu avais considérablement réduit la cigarette depuis le début du carême mais c'était une habitude dont tu avais vraiment du mal à te débarrasser. Tu avais presque fini ta cigarette quand tu aperçus enfin ton ami. "C'est bon, on peut repartir?" Tu lui demandas alors, abandonnant le mégot dans le cendrier prévu à cet effet. "C'était à qui de conduire?" D'après google maps, vous étiez à mi chemin et le soleil était déjà haut dans le ciel. Tu commençais à trouver le trajet vraiment long tant tu étais impatient d'arriver aux parcs.  

Dans cette aventure aux allures de road-trip, tu comptais bien t'échapper de la réalité, oublier momentanément tout ce qui n'allait pas dans ta vie ces derniers temps. Tu ne voulais plus penser à ton cœur en morceaux, à ton karma qui semblait s'acharner. Tu n'avais pas l'air d'être au meilleur de ta forme et pourtant tu faisais comme si tout allait bien. Tu gardais ton masque de fer et tu t'efforçais d'avancer, de profiter un peu de tes vacances. Te concentrer sur la route, sur votre objectif de ces deux prochains jours aidait un peu. Tant que tu te concentrais sur ta conduite, tu ne pensais pas à autre chose. Parfois, tu regardais en direction de Chelsea, qui, contrairement à ses habitudes ne pipait mot. Tu n'étais pas aveugle non plus, ni complètement hermétique aux autres, tu voyais bien que quelque chose n'allait pas, mais, conformément à l'accord tacite entre vous, tu ne voulais pas mettre les sujets qui fâchent sur le tapis. Il n'empêche que tu avais mauvaise conscience, Landon, parce que tu avais vaguement la sensation que tu étais à l'origine du malaise qui s'était installé entre vous. Pour autant tu ne pouvais pas remonter le temps et t'empêcher de commettre ce geste désespéré, il fallait donc vivre avec et continuer à avancer, se concentrer sur les plaisirs simples de la vie et échafauder des projets. Il n'y avait nul besoin de présenter un plan qui s'étalera sur les vingt prochaines années, planifier un week-end suffisait. Il faudra du temps pour que tu puisses rêver à nouveau, espérer, retrouver goût à la vie. Occupé à fumer à l'extérieur de la station-service, tu attendais le retour de ton acolyte. Cette pause s'était avérée bénéfique, puisque Chelsea avait retrouvé son entrain habituel et ce constat te fit légèrement sourire. C'était largement mieux que le silence pesant qui menaçait de s'installer entre vous pendant la première partie du trajet. Tu sentis qu'un poids s'était ôté de tes épaules et tu te sentais respirer à nouveau. "T'es sûr que tu vas savoir rester en place si c'est moi qui conduis? " Tu taquinas, gentiment moqueur. "Tu ne vas pas me demander toutes les cinq minutes si on arrive bientôt?" Évidemment, vous n'aviez plus l'âge pour avoir ce comportement enfantin, mais l'impatience était bel et bien présente et difficile à ignorer. Quand bien même, tu n'avais pas envie de jouer les rabat-joie, aussi tu souris sincèrement quand Chelsea te remercia d'avoir pensé à lui pour cet escapade. "Tu me prends pour qui?" Tu dis alors, faussement indigné, alors que tu reprenais place derrière le volant. "C'est Zaian qui nous a lâchés pour y aller avec sa meuf, depuis qu'il ne jure que par Pia, nous, on n'existe plus." C'était probablement le lot de toutes les personnes en couple, les amoureux transis étaient dans leur bulle et le monde autour n'avait plus vraiment d'importance. Tu te forças à sourire, malgré le pincement au cœur que tu ressentis en réalisant que tout ça, c'était fini pour toi. "Je suis content pour lui, s'il peut être heureux avec la fille de ses rêves, qui suis-je pour juger?" Ce n'était pas parce que tu étais malheureux comme les pierres depuis ta rupture que tout le monde devait subir le même sort. Ce serait bien triste, si le reste du monde était à ton image, aigri et cynique. D'ailleurs, tu t'étais bien gardé de préciser que tu en avais parlé à Jinx de cette envie que tu avais de faire les parcs, tu lui avais même demandé si ça pouvait l'intéresser de venir, mais tu t'étais aussitôt rétracté parce que tu avais bien senti que la seule perspective de se retrouver avec toi lui était insupportable et ça n'avait jamais été ton genre de t'imposer là où on ne voulait pas de toi, ni de courir après les gens, d'ailleurs, Jinx comprise.