La doyenne l’avait mandaté sur le campus en ce début d’après-midi alors qu’il lui avait formellement stipulé avoir plusieurs taches à accomplir dans la journée. Mais elle n’avait eu rien d’autre à dire que de lui rappeler ses engagements envers la ville, un poste pris depuis début septembre dernier et qui le contraignait aussi à se soucier des étudiants. A cette époque il n’avait pas vu les choses ainsi, à chaque berger ses propres brebis mais effectivement, même eux sont citoyens de cette ville.
Après la démission de la mairesse certaines choses ont dû être modifiées en commençant par la sécurité sur le campus. Son domaine. Alors il arpente l’enceinte en décomposant les systèmes, les barrières et les sas codés. Il n’y a rien de plus à faire, le maximum a déjà été fait et le reste ne dépend que de l’engagement des universitaires à respecter le règlement intérieur, une variable de l’équation qu’il ne peut pas contrôler.

Il a presque fini le tour du propriétaire, satisfait quand même d’avoir relevé plusieurs problèmes mineurs lorsqu’il rejoint le parking où il est stationné. Mais une curieuse scène se déroule un peu plus loin alors qu’il avait sa main sur la poignée. Le mastodonte observe sans bouger, priant silencieusement pour que les choses se règlent d’elles-mêmes sans qu’il n’ait besoin d’intervenir. Mais à défaut de voir les deux hommes s’excuser, l’un des deux s’impose à la jeune femme d’une manière qui n’a rien d’exemplaire, la contraignant même par la force à se rapprocher.

Alors à contre cœur il claque sa portière conducteur pour se diriger vers eux, caressant l’arête de son nez afin de ne pas être dévisagé. Les mots de la jeune femme se font de plus en plus clairs à mesure que la distance est bouffée et le temps presse avant qu’il n’ait sur elle un geste déplacé. A bonne hauteur il lui choppe l’un des poignets sans s’annoncer, sert comme s’il souhaitait écraser une trachée. « T’as entendu la dame. » A trois dans la danse maintenant, le second ivrogne ne réalise que bien trop tard les faits, pas assez lucide pour venir aider son ami… D’autant plus lorsqu’il regarde de plus près la scène qui se déroule à quelques mètres de lui. L’étau sur l’articulation de l’agresseur se resserre puisqu’il n’a toujours pas lâché prise, jusqu’à l’entendre gémir soudainement, libérant l’inconnue pour se reculer et toiser celui qui vient de s’interposer. La différence de taille est flagrante, même pour un esprit grisé, alors il se recule encore légèrement en souriant pour amorcer sa fuite, quitte à se prendre le capot de la voiture en se retournant pour détaller. Le second ne trouve rien de mieux que de le couvrir en jetant sa bouteille mais enivré lui aussi, c’est sur le pare-brise de la mini qu’elle vient s’exploser. Les deux ont détallé sans demander leur reste et dans ce contexte le dark rise se retourne vers celle qu’il vient d’aider. « Ca va ? » Puis il s’approche de la Cooper, à la fois dépité et contrarié par ce que ce monde peut engendrer.  « Heureusement pour vous, il y a de bons carrossiers en ville. »

Un instant durant il se permet de contempler les dégâts mais il n’y a pas de quoi s’alarmer, ce n’est que du matériel et à ses yeux le pire a pu être évité. Elle n’a rien si ce n’est peut-être une frayeur qu’elle aura tôt fait d’oublier. " Bah pas trop non, ma voiture ... " Certes, le mastodonte hoche de la tête par la positive en dévisageant les bris de verres se mariant au par brise fissuré. Pas évident d’y voir clair pour l’amener au premier garage, c’est presque mission suicide surtout avec le trafic routier qui sera bientôt à son paroxysme, certaines routes étant clairement à éviter. "Merci de m'avoir aidé... Je suis désolé de ne pas l'avoir dit avant qu'elle mal poli, je fais." Pas grave puisqu’à force de travailler pour le haut standing de cette société, les notions de respect et d’humilité sont deux choses qu’il a appris à foutre de côté, levant sa paume pour accepter l’excuse formulée. "Oui, je la ramènerais, j'ai eu la peur de ma vie ... " Mais un petit détail attire son attention alors qu’il se détourne de la carrosserie malmenée pour faire face à celle qui semble souffrir d’un mal inconnu. Elle lui a pourtant dit que l’ivrogne n’avait pas réussi à la blesser mais il semblerait qu’elle en ait un peu sous-estimer la force de l’impact. « Vous devriez porter plainte. » Ce n’est qu’un conseil, ne serait-ce déjà que pour une question d’assurance et si jamais ils revenaient tous deux se venger plus tard… Mais face à cette brillante idée, le mercenaire se reprend, « Et faire un tour à l’hôpital. » Dans un hochement de tête derechef il pointe son habitude à se maintenir le ventre. « Visiblement ça vous a un peu secouée. »