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Fallen Angel
Opales rivées sur la fenêtre enneigée, tu observes mère nature faire des siennes. Le vent se lève, bouscule la neige et fait trembler la carcasse des arbres dénudés de feuilles. Tu as la tête ailleurs, mélancolie greffée à l’âme depuis l’annonce de la mort de ta mère. Ça t’attriste, mais pas au point de te laisser crever. Tu la connaissais à peine, au travers des mots échangés sur du papier et quelques billets de vingt dollars laissés au hasard. Ce qui te choque le plus est sans conteste d’apprendre que tu as un frère, ici même à Boston. Le professeur parle toujours, mais ton instinct est plus fort. Sans plus attendre, tu fermes tes bouquins et quitte l'amphithéâtre tel un spectre dans la nuit. Sac sur l’épaule, tu te diriges vers ton casier pour attraper manteau et écharpe avant de déambuler dans le couloir jusqu’à la porte de sortie. L’hyperactive s’est assoupie pour laisser place à la mélancolique, mais l’envie d’aventure subsiste, elle est plus forte encore. Tu balances tes effets côté passager et grimpe derrière le volant, direction nulle part. Botte enfoncée sur l’accélérateur, tu grilles quelques feux rouges, prête nullement attention à ce qui t’entoure, à cette route enneigée et partiellement glacée. Tu quittes la ville, traverse quelques villages jusqu’à atteindre une plaine entièrement recouverte d'arbres et de neige. Tu fous ta caisse sur l’accotement, capot enfoncé dans un banc de neige laissant croire à un accident et tu disparais au travers branches et arbustes. Tu t’enfonces dans la forêt, merde blanche qui t’bouffe les rotules. T’as du mal à voir devant, le blizzard se lève. Le vent s’acharne sur tes cheveux noués, libérant l’étreinte les étouffant, laissant ainsi tes mèches brunes faire l’amour à cette brise glaciale. Tu avances sans point de repère, guidée par un rayon de soleil qui tente de percer l’adversité. Celui-ci te mène à un lac assoupi, tableau d’une beauté troublante. Avec le redoux des derniers temps, tu peux entendre le courant se fracasser contre la glace fragilisée et sur le point de céder. Lutte acharnée entre la mort et la vie, l’hiver et le printemps. Le soleil plombe sur ton faciès d’ange tandis que l’ombre semble vouloir t’engloutir entièrement. Et tu respires enfin.
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