Parmi toutes les addictions qu’elle a pu avoir, la cigarette est la seule qu’elle a conservé. La seule qui a résisté au centre de désintoxication dans lequel le gouvernement l’avait envoyé. Et là voilà face à la devanture d’un magasin de vapoteuses sans connaître les véritables raisons de ce qui a fait qu’elle a accepté cette option. Cette nouvelle amitié comme seule justification. Ne sachant pas vraiment si elle peut d’ailleurs la qualifier d’amitié, cette relation.

Nerveuse, d’un mouvement de pouce elle déverrouille l’écran de son téléphone afin d’accéder en deux clics sur leur discussion, dans le seul but de vérifier si elle se trouve bien face au magasin qu’il lui a indiqué. Une fois cela fait, elle troque son téléphone contre son paquet de cigarettes. Elle en sort une, la porte à sa bouche et l’allume dans la foulée. Elle aspire longuement la nicotine, les minutes s’accumulant dans le brouhaha ambiant. Ses prunelles à la recherche de l’ossature de Sheng au milieu des passants.

Et quand elle le voit enfin approcher, elle lève sa main en sa direction pour le saluer, et termine son mouvement en reportant la clope à sa bouche. Si bien qu’elle patiente qu’il soit à proximité pour articuler dans l’espoir de se disculper ; « La dernière, histoire de faire mon deuil. » comme si elle était réellement en train de culpabiliser. Tirant une bouffée sur le cylindre, elle suppose en recracher la fumée, « J’imagine que pour la cartouche c’est loupé. » le cadeau qu’il lui avait annoncé, qu’elle ne risque pas d’avoir étant donné que c’est une électrique qu’ils sont venus acheter. Une dépense, au vu de son budget, qui n’a pas vraiment de sens… Mais elle s’essaie à jouer celle qui a des facilités, une existence pas compliquée. Que ce soit Ellie ou Ophélia, elle déteste être autant brisée, n’est-ce pas ?

Elle n’a pas vraiment besoin qu’il approuve ses dires, c’était une phrase rhétorique à ne pas en douter, mais un sourire se glisse sur les commissures de ses lèvres lorsqu’il hoche le visage, acquiesce le fait que pour ce fameux cadeau, c’est raté. Alors elle ne réagit pas forcément, se contente de dodeliner de la tête et de ramener sa cigarette à sa bouche dans l’espoir de s’en délecter… La dernière, elle peine encore à le réaliser, s’interroge sur le pourquoi elle a accepté. Pour une envie d’amitié. « Tu comptes la finir ? » C’était l’idée, mais il semblerait que ça lui déplaît. Alors elle plisse les paupières, jauge sa façon de se comporter, peut-être qu’elle est encore un peu trop accroc à côté de lui qui paraît prêt à envoyer valser la nicotine et ses différents maux.


Du coup, elle tire dessus une énième fois, pour lui montrer qu’elle veut bien accélérer, faire preuve d’un semblant de docilité, tout en recrachant la fumée ; tandis que les prunelles masculines se perdent sur la floppée de vapoteuse, et autres contenants de saveurs mélangées. « J'parie que tu vas prendre un truc fruité, » une œillade lui est décochée ainsi qu’une moue rieuse… Lui soufflant en même temps qu’une autre bouffée, « Parce que les filles aiment la douceur des goûts fruités ? » Si c’est le cas, Ellie choisira forcément un fruit aux tendances acidulés. D'ailleurs ce sera le cas, quelque soit sa personnalité. Celle de l’ancienne putain ou celle de la fille bien.

Arrivant au niveau du filtre de sa clope, elle craque son expression d'une grimace, voilà, elle y est... La dernière est terminée et faute de cette expédition dans ce magasin... Elle n'en a même pas profité. C'est stupide comme pensée, elle le sait. Faisant non de la tête pour marquer son dépit, elle la fait rouler finalement entre son index et son pouce, amusée à reposer son regard sur lui afin de l'apostropher, « Et toi t’as une idée ? » du goût qui va gagner son intérêt, et tout en jetant le mégot d’une chiquenaude habilement réalisée. Un soupir s’échappe de sa bouche carmine, d’avance nostalgique, et au moment de se décider à pousser la porte de la boutique, « T’as déjà essayé d’arrêter ? » Elle n’est pas sans savoir que le sevrage peut être compliqué.

Pourtant elle était d’accord, si elle est venue jusqu’ici, c’est de son plein grès, alors pourquoi maintenant qu’ils sont tous les deux-là, elle traîne autant des pieds pour entrer ? Le truc c’est que pour gagner le droit de vivre à Boston, elle en a abandonné des tas d’addictions. Alors elle peine à se mettre en tête qu’elle vient de fumer sa dernière cigarette. « En générale. » En ce qui concerne les femmes, amusée, Ellie hoche le visage par la positive, elle acquiesce quand elle n’y croit pas. Elle garde en elle le tempérament de feu d’Ophélia. Elle préfère se concentrer sur Sheng et son futur choix. « Mentholé Kiwi. J'encourage les mélanges exotiques, » il en craque un sourire, de fait elle en déduit que vraiment des saveurs qui lui plaisent, cependant elle, elle ne voit pas la métaphore, ne reste concentrée que sur ce mélange qui lui paraît vomitif à souhait. Qui pourrait aimer le kiwi mentholé ?

Une fois à l’intérieur, elle le questionne, leur étrange amitié – connexion – la brune petit à petit l’étoffe. « Jamais » Pourquoi maintenant dans ce cas ? Si c’est un jamais qui s’accole à cette idée ? Pourquoi vouloir changer une association qui a toujours fonctionné ? « Mais il va bien falloir. » Les sourcils froncés sans comprendre cette notion de devoir. « Et si je m'plante, je te tiendrais pour responsable. » Il lui offre à la suite de ses paroles un sourire sincère, si bien qu’elle secoue la tête par opposition, « Absolument pas. » ça n’a aucun rapport avec elle, « On ne se connait pas assez pour que je sois coupable de ça. » elle n’a pas de véritable impact sur son quotidien, elle réplique l’air de rien, arquant elle aussi ses lèvres, étrangement plus détendue, le regard malin. Continuant sur le chemin de la décontraction, peut-être un peu trop intrusive à aller faussement pincer son biceps à proximité, « Un grand gaillard comme toi… » Pourtant, elle est plutôt sérieuse la question qui traîne dans sa tête et qu’elle s’aventure à lui poser. « T’as des soucis de santé ? » C’est une des raisons possibles à son obligation d’arrêter.