Les maux qui emmêlent l’esprit, le besoin de s’évader a effleuré ses plaies. Lui qui a pour habitude des virées en solitaire quand la tête est trop pleine, ce soir elle ne le sera pas. En compagnie de la mauvaise compagnie, celle qui est prohibée par sa sœur mais qui lui offre un peu de légèreté quand l’esprit est lourd d’angoisses. Le point de rencontre décidé, Roméo prend les commandes de sa moto, sillonne la route en direction du salon d’esthétique de Milana et y arrive en quelques poignées de minutes. Machine marque une pause et s’immobilise en bordure du trottoir, là où Milana l’attend. D'un geste assuré, il soulève la visière protectrice de son casque et descend de l’engin. ﹙ C’est bon ? T’es prête pour ta première fois ?   Sourire bienveillant éclaire ses mots. Il se dirige à l’arrière de sa moto, récupère le second casque dans le top case de la moto puis se rapproche de Milana. ﹙ Tu veux que je t'aide à le mettre ou ça va aller ?   Il lui tend le casque.

humeur morose qui t'habites ces derniers jours. les paroles de ta mère qui résonne toujours dans ton esprit. plaie encore béante de cette mésentente permanente. l'espoir que les choses s'arrangent un jour n'est plus nourri depuis des lustres. et pourtant, elle réussit sans cesse à blesser l'estime si bien bâtie. prendre l'air, c'est ce qu'il te réussit le mieux pour que ta tête se vide et que sa voix crillarde finissent par s'oublier. des messages échangés, un point de rendez-vous donné et voilà la culpabilité en personne qui débarque. lèvres qui s'étirent. — non. mais il y a des premières fois qui se passent mieux qu'on ne le prévoit.. alors j'espère que celle là en fera partie! t'es complètement flippée à l'idée de monter là dessus. il n'y a que peu de personne en qui tu as confiance dans la conduite de n'importe quel engin à moteur. est-ce les paroles de ta mère, qui te pousser à te sortir de ta zone de confort ? peut-être. regard perçant, secoue la tête à la négative, tes cheveux qui volent à cette secousse. — j'peux me débrouiller. fierté toujours présente, malgré les coups. tu regroupes tes cheveux pour qu'il ne te gêne pas et enfile le casque. tu te tournes vers lui, descends la visière de son casque pour te regarder dedans. droite, gauche, parfait. — canon dis-tu en laissant un rire transparaître. t'essayes de te détendre comme tu peux. t'enjambes la moto, les bras s'accrochent à son étreinte. les paupières closes, les mains moites, le coeur qui bat à dix milles, prête à affronter une de tes plus grandes peur.

Milana aurait très bien pu refuser cette petite escapade  au vu de sa peur pour les engins à moteur depuis son accident, alors il salue l’effort. Pour la peine, il a décidé de ne pas faire le mariole et de se montrer bienveillant. Il n’a pas envie de la traumatiser, ni d’écoper d’une gifle à l’arrivée : ﹙ Y’a pas de raison pour qu’elle n’en fasse pas partie.   mots se veulent rassurants. Il lui file le casque de moto, débrouillardise suscite un léger sourire en coin. Ses cheveux bruns virevoltant autour de son visage l'enivre brièvement. Il remonte sur la bécane, laisse la brune entourer sa taille, sa main gantée de cuir noir resserre les doigts délicats de la brune contre son ventre. Mains sur les guidons, moteur actionné, son pied se libère du sol et la machine se met en route, trace sa trajectoire en respectant les limites de vitesses pour une fois. Premier feu rouge atteint, Roméo prend la peine de tourner la tête, pouce qui se lève pour demander à Milana si tout est ok parce qu’il a pu sentir son myocarde bondir contre son dos avant le démarrage. Il espère que cette virée la réconciliera avec son traumatisme. Feu annonce le vert, la route reprend, dépasse les voitures, se faufile habilement à travers la circulation, esquivant les voitures avec agilité. Direction Carson Beach. Quelques minutes de périples et le point d’arrivée est atteint. Roméo stationne la moto puis coupe le contact. Le parfum de l'eau marine flotte délicatement dans l'atmosphère. L’étudiant ôte son casque, dévoile ses boucles en désordre sur sa tête. ﹙ Ça va, Mila ? Toujours vivante ?   Le ton teinté de légèreté. ﹙ J’ai décidé de garder la gifle pour plus tard. Il se lève, récupère le casque de Mila et retourne les ranger dans le top case, là où il sort une bouteille deux cannettes de bière﹙ J’ai pensé à tout. Vantard à la lèvre fendue. Il lui tend une bière, visage qui fait face au sien, il espère qu’elle fera abstraction de la balafre qui divise sa joue droite en deux. Il se met en marche en direction de la plage : ﹙ Tu veux en parler ? … De l’accident ? l'interroge avec une curiosité piquée.

il est certain qu'une mouche t'ai piqué pour que tu acceptes de monter avec un presque inconnue sur une moto. il y a encore quelques jours, jamais tu n'aurais sauté le pas. l'envie de te lancer un défi, de ressentir l'adréaline monter à cette prise de risque mais surtout le besoin de respirer. et quelle meilleure compagnie que de respirer avec l'interdit. tu brises tes propres barrières et t'en es pas peu fière. le casque que tu portes fièrement, le corps tremble de stress et tu te laisses porter par les ronronnements du deux roues. les premières minutes te paraissent des heures. l'arrêt au feu rouge te laisse souffler, hoche simplement la tête pour répondre au pouce levé de roméo. impossible de te décrocher de son corps alors que le moteur tourne encore. à l'arrivée, aucun mal à descendre illico de l'engin, rassurée pourtant que tout se soit bien passé. casque ôté, qu'il range dans le top case alors que tu reprends tes esprits. — je préfère oublier ce qu'il vient de se passer. et tu es très sérieuse. il te faudra sûrement du temps avant d'apprécier ce genre de virée. ce n'était pas insurmontable mais pas agréable non plus. — la gifle vaut pour toutes les fois où je serai amenée a monter la dessus ! ce n'est pas une menace unique, si il faut que tu lui mettes un jour parce qu'il a dépassé les bornes, tu n'hésiteras pas le moins du monde. tes cheveux volent au tempo du vent, brise fraiche mais pas déplaisante. exactement ce que vous êtes venu chercher non ? un endroit paisible où l'air pourrait apaiser les maux. ton regard suit ses mouvements, deux cannettes de bières qu'il brandit fièrement. tes pas se calent aux siens, pour une fois tu as troqué tes éternelles paires de talons contre une paire de basket et tu as bien fait. le sable amoindri votre vitesse et tu te décides à t'installer à un endroit. — si je te raconte, je suis pas certaine que tu veuilles boire ta bière.. ce soir là, les effluves de l'alcool avaient été fatales. ta main approche doucement sa joue et ton index vient tracer avec délicatesse, la plaie qui scinde sa joue. — je te raconte, si tu me racontes ta voix est douce, d'une tendresse même sous estimée. le pouce qui effleure cette fameuse lèvre fendue, injectée d'un sang qui s'est résorbé.

Bien qu’il ait pris toutes les précautions possibles, il se doute bien que Milana ne résoudra pas son traumatisme en une virée, aussi douce soit - elle. Il la sentait déjà bien tendue, installée derrière lui, le myocarde qui tambourine contre son dos. La conduite a été exemplaire, ce soir uniquement parce que Roméo est de ceux qui vivent d’adrénaline. Ni chaud, ni froid quand il imagine que la mort puisse l’attendre au tournant. Il arque les sourcils avec étonnement en l’écoutant mais finit par acquiescer. ﹙ J’te demande pas comment c’était alors … compatis et hausse les épaules. le traumatisme encore trop présent, il décide de ne pas la brusquer en se montrant trop insistant. L’éclat de rire retentit à sa menace : ﹙ Putain, je devrais te faire marcher derrière moi pendant que je conduis. Ça te fera les pieds et je garderai ma joue intacte. La pique avec les mots, l’étincelle taquine éclaire son visage. La curiosité qui le titille trop fort, balance sa question alors qu’il s’enfonce dans le sable avec Milana. Il s’installe à côté d’elle, vue prenante sur la mer et les vagues qui viennent se briser doucement sur le sable. Roméo fait craquer l'anneau métallique de sa canette, laissant échapper le léger sifflement : ﹙ Mh, je suis prêt à prendre l’risque. Prend une gorgée ambrée, s’interrompt et demeure presque en suspension lorsque le doigt délicat de la brune effleure doucement la cicatrice sur sa joue et glisse sur sa lèvre fendue. Un léger frisson le parcourt quand il se souvient d’une douceur dont il a oublié toutes les sensations : ﹙ … ça me va, tu commences.   dents qui pincent la lèvre inférieure, les orbes qui la contemplent.

tu n'as aucun mal à imaginer la fougue qu'il peut avoir sur la route lorsqu'il est seul. en un coup d'oeil, tu discernes qu'il aime le risque et que l'adrénaline le fait vibrer. t'es soulagée de voir qu'il n'a pas usé de ce que sa moto peut offrir comme puissance, pour te terroriser. et s'il l'avait fait, il aurait certainement attiré tes foudres et dû récolter les fruits de ta frayeur. tête secoué à la négative, tu n'avoueras pas tout de suite qu'au fond, t'as ressenti une sensation de liberté incroyable. peut être que dans quelques virées, tu arriveras à le ressentir vraiment à cent pour cent et à le dire. — t'oserais pas faire ça, ce serait vachement cruel ! dis-tu en t'esclaffant de rire. ta main vient toper son bras d'une petite tape amicale. t'aurais l'air débile à courir derrière une moto et tu le détesterai de te faire subir ça. installés sur le sable refroidit par la nuit, seul vos voix retentissent sur l'immensité de la plage. les pupilles seulement suivent ses gestes qui s'affairent à ouvrir la cannette de bière. tes doigts qui effleurent sa peau semblent le mettre en suspens. tes lèvres s'étirent. tu attrapes la deuxième canette pour copier son geste et faire remonter les bulles de la boisson. contact rompu entre vous. tu soupires et bois une gorgée de la pétillante. gorgée savourée, comme une dose de courage pour te lancer dans un récit peu palpitant à ton goût. — il n'y a rien d'original à cette histoire le schéma tout ce qu'il y a de plus classique d'une bande d'adolescent. — c'était après une soirée, tout le monde avait picolé et le conducteur aussi. à cette époque je fréquentai un mec et on s'était embrouillés. au lieu de rentrer avec lui, qui n'avait pas bu, je suis rentrée avec mon pote. on s'est plantés quelques mètres plus loin.. rares sont les fois où tu t'attardes sur ce sujet et leurs conséquences. l'arrêt brutal d'un avenir sportif, des mois de rééducations, et une peur viscérale de monter avec des inconnus, voilà ce que tu as tiré de cette soirée.

Goût amer qui persiste dans la gorge, il n’est pas dans le mood de rire ce soir, cumule les mauvaises décisions, pourtant il a du mal à regretter celle - là. Pas quand elle réussit à lui arracher un sourire ou deux alors que la douleur de l'esprit est vive.  ﹙ T’as oublié mes superbes cornes… Note d’amusement dans la voix, Il se dérobe légèrement lorsque la paume de la brune assène une tape sur son bras. Loin d’être un saint, mais loin d’être le connard qui lui infligerait des kilomètres à pied. Apaisement presque retrouvé au cœur du tumulte des vagues. Le marché conclu, Roméo se tient prêt à écouter le récit de la jeune femme. Il porte de nouveau la canette à ses lèvres, savoure l’alcool avec lenteur. La gorgée avalé, le regard attentif se porte sur Milana :  ﹙ Et ton pote s’en est sorti ? Question lancée avec hésitation… Son tact lui demande de se taire mais il n’en a que faire :   ﹙ T’as été gravement blessée ? Besoin de détails, de combler sa curiosité.

les yeux se plissent et ton nez se retrousse légèrement à l'élargissement de tes lèvres. large sourire qui s'installe et rend ton expression plus douce. — laisse tes cornes en dehors de ça ! tu le trouves bien moins démoniaque que tu avais pu le dire. un air de taquinerie qui fait du bien, apaise la douleur des jours précédents. bière que tu portes à tes lèvres, imitant son geste. l'histoire est sortie et alors qu'il cherche plus de détails, tu n'es pas vraiment surprise. plutôt à l'aise à revenir sur cet épisode de ta vie, pas comme les fois précédentes où tu peux appréhender d'en faire part. — c'est plus mon pote. et oui, il s'en est sorti. obligé de préciser que cet accident n'a pas brisé que vos corps mais aussi vos relations. l'épuisement du traumatisme aura épuisé votre amitié. les yeux se baissent, n'affrontent plus son regard mais se tournent vers l'horizon noirci par la nuit. — oui soupire de regret, l'amertume prenante. — des mois de rééducation, j'ai arrêté le sport et ça a un peu niqué ma vie. du moins, ça t'as fait prendre un tournant tout autre que ceux pour quoi tu te prédestinais.

L’une de ses mains repose sur le sable, les doigts s’y enfoncent tandis que son autre main tient fermement sa canette de bière. Persistant dans son écoute attentive, l’esprit s’immerge des tourments que cet accident à probablement provoqué en elle. Bien qu’elle ait survécu au drame, il s’imagine qu’elle ne s’en soit pas totalement sortie indemne, qu’elle en garde encore des séquelles aujourd’hui.  ﹙ ﹙Je comprends que t’aies jamais réussi à le lui pardonner …   dents qui pincent machinalement sa pulpe inférieure avant d’embrasser de nouveau le métal de la canette, reprends du nectar ambrée. Orbes curieuses ﹙ ﹙T’étais une sportive avant ? Tu faisais quoi ? Je t’imagine pas cheer’ …   Même s’il imagine que l’uniforme lui irait très bien.  ﹙ ﹙Je dirais… un sport de combat, l’genre de sport où tu peux coller des beignes.   rire léger  s’échappe d’entre ses pulpes, tente de dénouer doucement l’atmosphère.

le regard figé dans la pénombre peut difficilement repérer la mer. seule la lune peine se refléter dedans et éclairer la nuit. histoire livrée par fragments. tu portes la canette à tes lèvres dans cette recherche de courage, de réassurance. — c'est pas lui que j'ai pas pardonné il faudrait un jour que tu te délivres de ces rancoeurs que tu portes depuis trop longtemps. de la culpabilité de cette soirée dont tu ne te détaches plus. ton regard se détourne de l'horizon pour se braquer à nouveau sur lui. le sourire qui étire de nouveau tes lèvres. — tu me vois vraiment comme ça ? j'suis pas une brute ! tu te surprends à rire, malgré cette discussion pas simple pour toi. —je faisais du patinage artistique. à assez haut niveau.. tu soupires, repensant à cet espoir déchiré de faire carrière dans ce domaine. tu lèves les yeux au ciel avant de prendre une nouvelle gorgée de bière. — vraiment pas la meilleure que j'ai bu ! si changer de sujet était prévisible, tu n'étais pas la meilleure dans le domaine. — alors, cette joue? autant aller droit au but et l'aiguiller sur le sujet qui t'intéressais bien plus que le goût de la bière.