Mariée. Ca sonne aussi bien que ça l’est. J’ai la bague, le nom, et même l’air idiotement heureuse ; toute la panoplie de la jeune mariée. Le voyage de noces à trois s’était déroulé de façon idyllique, et c’est prise d’une motivation nouvelle que j’abordais cette nouvelle rentrée. La page semblait neuve, blanche, intacte ; j’aimais le début du livre, mais j’avais désormais hâte d’en découvrir les chapitres suivants, d’en rédiger quelques lignes, les rayer, refaire. Voir ce que me réserve la suite. De quatre, nous étions passés à trois. Trois, pour un seul nom. Regardez un peu en arrière ; est-ce que seulement une seule personne aurait parié sur ce métal entourant mon annulaire ? J’le fais tourner trop souvent, comme pour m’assurer qu’il est toujours là. J’l’enlève seulement pour boxer ; le sang aura tout sali, sauf ça. Mais mon morceau de bonheur, tu vois, j’veux t’en filer un bout. J’ai essayé d’être présente, entre les préparatifs, entre mes crises, mes doutes, mes replis. J’sais pas si je l’ai été suffisamment. Alors je me rattrape. Et aujourd’hui, j’me rattrape avec des haches. Y a la cause qui va bien, et le défoulement aussi. J’nous ai réservé une cible, anticipé le service de deux bières, et des nachos. J’t’ai juste filé l’adresse, et j’t’ai évidemment demandé de venir avec une chemise à carreaux. Un peu comme la mienne, noire et rouge. On sera deux clichés ambulants.

Je suis bien évidemment fier d'Alexis et de tout ce qu'elle a accompli cette année. Que ça soit la naissance de Joy, sa manière de gérer le départ de sa mère biologique qui devait pourtant rester avec eux ou encore son mariage. Mariage. Ça me parait tellement dingue de me dire que ma meilleure amie est mariée. Mais ça lui va bien, la bague autour du doigt. Pas seulement parce que ça habille sa main d'un délicat diamant, mais aussi parce que la lueur de bonheur dans ses yeux fait chaud au coeur. Surtout quand on sait à quel point elle en a chié, Lexie. Je suis surpris quand je vois où elle m'a donné rendez-vous, mais comme elle l'a demandé, j'ai enfilé ma plus belle chemise à carreau, la trouvant déjà présente avec deux bières bien fraiches posées sur la table. "Le but c'était de me faire voyager au Canada ?", que je demande à la brune alors que j'arrive à sa hauteur, me penchant pour al prendre dans mes bras dans une étreinte de salutation. "Par contre, deux bières.. t'exagères, tu comptes boire les deux en même temps ?", que je demande dans une tentative d'humour bien pourrie, parce que je sais très bien que ces deux bières, elles sont pour nous et pas que pour elle. Je m'assoie à côté d'elle et je prends la bière, regard la cible face à nous. Cible qu'elle a du réserver. "Du coup on est censé lancer une hache là-dessus ?", que je demande en cognant ma pinte à la sienne avant d'en boire une gorgée.

J’crois que j’aime bien cet endroit. Probablement parce que j’vais pouvoir jeter une hache comme une bourrine dans une cible, et qu’il s’agit d’une excellente occasion de porter une chemise à carreaux. Spoiler alert, les chemises à carreaux me vont très bien. J’en réajuste le nœud contre mon ventre, quand tu décides de te pointer, Jude Montgomery. Un sourire radieux sur les lèvres, les tiennes et les miennes, de te voir, et aussi de te voir dans cette tenue. “Ca te va troooop bien !” Compte sur moi pour un futur relooking, on va se pencher sur cette nouvelle idée. L’étreinte est brève, surtout parce que j’parle beaucoup trop, et que j’ai hâte de commencer. “Me tente pas.” Pour les bières. Je m’assagie, mais ma descente est toujours largement acceptable. Je prends position à tes côtés, les verres qui s’entrechoquent. La soirée peut enfin commencer. Ca me fait plaisir d’avoir quelques heures à tes côtés, et ça se voit. Pour un être des ténèbres, je crois que je me plais à rayonner. Un léger rire se perd sur ma bouche. “Je préfèrerai que tu vises la cible, ouais.” J’aimerais bien vivre encore quelques années de femme mariée, au moins pour dire que j’ai vécu l’expérience. Une gorgée de bière, puis le sourcil se hausse. “Quoi, ça te plait pas ?” De joie ou de rage, lancer un truc sur quelque chose, ça fait toujours du bien. C’est très primaire, mais je persiste à penser qu’on a tous au fond de nous ces désirs de destruction, chacun à son échelle. Une cible, ça ne fait de mal à personne.