Je sais bien que proposer à Victoria de quitter son quotidien à l'hôpital de Boston pour venir à ma clinique n'est pas forcément le move parfait, mais nous étions censé nous retrouver ce soir après nos shifts our boire un verre et j'ai été pris dans quelques dossiers compliqués, me poussant donc à envoyer un message à la jeune femme pour lui proposer de passer à la clinique rapidement histoire que je finisse avant que nous puissions bouger ailleurs. Lorsque la réceptionniste me fait savoir qu'elle est là, je lui demande d'accompagner Victoria jusqu'à mon bureau, accueillant la belle blonde en la prenant dans mes bras dans une étreinte pour la saluer avant de retourner derrière mon bureau. "Désolé, promis, je me dépêche", que je dis en fermant un dossier, soupirant en disant, "Vraiment le côté administratif de gérer une clinique, c'est pas mon kiffe du tout", que je dis avant de rire un peu, m'appuyant sur le dossier de ma chaise en la regardant. "Alors, t'as passé un bon été ? Tu vas vraiment te prendre quelques vacances ?", que je lui demande avant d'ouvrir un nouveau dossier tout en checkant quelques infos sur mon ordinateur, mon oreille attentive à ce qu'elle me répond. Je sais qu'on dit que les hommes ne savent pas faire plusieurs choses à la fois mais j'aime penser que je suis une petite exception dans cette histoire.

Cela fait des semaines, si ce n’est des mois, que nous sommes censés aller prendre un verre avec Jude, sans parvenir à fixer un rendez-vous. Entre ses horaires et les miens, ainsi que le comité qui me prenait une bonne partie de mon temps libre cet été, c’était mission impossible. Lorsque je vois son nom apparaître sur l’écran du téléphone, je saute à la conclusion qu’il a un empêchement avant même de lire son message. Heureusement, ce n’est pas tout-à-fait le cas, je vais seulement devoir le rejoindre à la clinique qu’il dirige. Afin de lui laisser un plus long délai, je prends le temps de passer par l’appartement pour prendre une douche rapide et nourrir Leïa, avant de me rendre à Rylon. On m’indique qu’il est toujours dans son bureau, dans lequel on me conduit. Je l'étreins rapidement et fais quelques pas dans le bureau, que je découvre pour la première fois. Pas de souci. Je ne compte pas le nombre de rendez-vous manqués dû au boulot, je suis bien la dernière personne à pouvoir lui faire un reproche. Tu n’as personne qui peut gérer ça pour toi ? J’imagine que certains papiers nécessitent obligatoirement sa signature mais un PA ne lui ferait pas de tort ! C’était un peu long, surtout après le TD… j’ai l’impression que je n’ai pas eu le temps de reprendre mon souffle depuis. Mais pour répondre à ta question, oui, je vais partir et tu devrais en faire autant. Je dis sur un ton qu’un professeur pourrait utiliser avec un élève. C’est loin d’être facile entre sa vie de père et la clinique, je n’en doute pas, mais c’est vital de prendre le temps de se reposer ou on fini par craquer.

Ce qui me plait dans le fait d'avoir des amis médecins eux aussi, c'est qu'ils comprennent. Le fait que je bosse beaucoup ou même que je sois fatigué à l'idée de sortir après une journée entière passée à la clinique à voir des patients et gérer tout ce que je dois gérer avec mon rôle de directeur de clinique. Des fois, je me dis que je devrais déléguer, parce que c'est ce que je vais faire avec la clinique jumelle de la mienne qui va ouvrir dans un mois à New York. Je suis tout de même content de ne pas annuler notre rendez-vous de ce soir, parce que j'ai l'impression de ne pas avoir vu Victoria depuis une éternité et quand j'y pense, il en est de même pour William, que je n'ai pas vu depuis la fête du 4 juillet. Alors que la belle blonde entre dans mon bureau, je ne peux m'empêcher de sourire à sa remarque, "Je t'avoue que j'y pense de plus en plus", que je dis en grimaçant. "Je sais pas si je t'avais dit mais on va ouvrir une autre clinique à New York le mois prochain, alors je vais probablement apprendre à déléguer et à le faire ici aussi" Surtout tout ce qui est administratif, je déteste vraiment ça. Je regarde parfois Victoria qui fait le tour de mon bureau alors que je continue d'aller à travers mes dossiers pour vérifier que tout a bien été mis à jours dans le serveur interne de la clinique. "Tu pars quelque part ?", que je lui demande avant d'ajouter. "J'ai posé mes deux premières semaines d'Octobre, rien que glander chez moi à rien faire ça devrait me faire du bien", que je dis en riant avant de clôturer mon dernier dossier. "Ah mais c'est la première fois que tu viens ici ?", que je demande, réalisant qu'elle n'a pas encore eu l'occasion de venir. Elle fait son internat en chirurgie générale alors je ne suis pas sûr qu'elle viendra un jour bosser ici, mais si jamais elle veut se reconvertir en pédiatrie, elle serait bien évidemment la bienvenue.

Jude mentionne sa nouvelle clinique à New-York et j’ai un large sourire aux lèvres. Je suis vraiment heureuse pour lui et fière de le compter parmi mes amis. Il essaye d'apporter son aide à ceux qui en ont besoin, donne de sa personne pour les autres et c’est admirable. Oui, tu m’en avais parlé vite fait. C’est dans un coin de ma tête si je décide que la grosse pomme me manque trop un jour ou l’autre. Je tapote ma tempe de l’index pour appuyer mes dires. En vérité, je suis à présent à Boston depuis quinze ans, je ne sais pas si je serais capable de repartir à New-York. Mes parents s’y trouvent toujours mais mes amis et ma vie sont ici, tout comme mon petit-ami. Comment ça avance là-bas ? Cela fait tellement longtemps qu’on ne s’est pas vus que je n’en ai eu que de brèves informations à travers quelques messages. Je n’ai encore rien réservé, j’attends de savoir si une amie peut se joindre à moi et quels jours elle peut poser. Mais j’ai besoin de soleil, je ne vais définitivement pas rester ici. Honnêtement, je m’en voudrai de poser des jours pour rester à la maison et ne rien faire, aussi reposant que ça puisse être. Tu ne comptes même pas partir quelques jours ? Tu vas tourner en rond chez toi, non ? C’est difficile pour des gens comme nous, toujours en mouvement, de soudainement s’arrêter et occuper des journées complètes. J’imagine que c’est plus facile pour lui s’il a ses enfants cette semaine là mais pour moi, ça veut dire télévision et jouer avec le chat et si j’ai apprécié le faire durant ma “pause-carrière”, je deviendrais folle à l’heure actuelle. Non je suis venue pour parler à la RH il y a un peu plus d’un an mais je n’avais jamais vu ton bureau. Finalement, il n’avait pas été possible de continuer ma résidence en chirurgie générale ici mais j’ai réalisé qu’il est encore trop tôt pour moi bosser toute la journée avec des enfants quoi qu’il en soit. On peut se faire livrer un truc ici si c’est plus facile pour toi. Je propose, bien que je pense que ça lui fera du bien de sortir de la clinique et changer un peu de décor.

Je ne peux m'empêcher de sourire lorsqu'elle me dit que New York est dans un coin de sa tête si jamais elle veut retourner vivre là-bas. Il me semble qu'elle est native de la Grosse Pomme, mais j'imagine qu'après être partie aussi longtemps dans une autre ville, il doit être compliqué de faire machine arrière. Pourtant, je me demande si on se sent vraiment chez soit quand on part loin de sa vile natale. Moi qui ai toujours rêvé d'aller vivre ailleurs, je me demande aussi si Boston me manquerait, si je venais à partir. Mais je sais que New York ne sera jamais une option : trop grand, trop bruyant. Pour moi, New York est la version Hollywoodienne du fameux rêve Américain ; une version beaucoup moins sympathique de Boston. "Tu penses qu'elle te manquera un jour ? Tu te vois vivre là-bas ?", que je lui demande, sincèrement intéressé par la réponse qu'elle aurait à me donner. "Ça avance très bien, normalement ils devraient avoir fini à temps et je sais que les RH ont déjà quasiment embauché tout le personnel, on cherche juste une personne de confiance pour diriger la clinique, je dois y aller la semaine prochaine pour rencontrer quelques candidats potentiels" C'est compliqué, de donner une mission aussi important à un ou une parfait·e inconnu·e, mais je n'ai pas vraiment le choix. Je l'écoute me parler de ses vacances et j'hoche la tête, "Et vous voudriez aller où exactement ?", que je demande. Si elle veut du soleil à cette période de l'année, il va falloir aller loin, je pense." Je grimace à sa remarque, parce qu'elle comme moi, on sait qu'elle a raison. "Partir tout seul, c'est pas super fun. J'ai une amie qui va me donner quelques leçons de moto, j'aimerais bien passer le permis", que je dis en haussant les épaules. C'est vrai que Victoria était déjà venue pour parler à la RH - au final, mon bureau n'a rien d'exceptionnel. Une bibliothèque avec beaucoup de livres, pas mal de paperasse et mes fesses posées bien trop souvent sur cette chaise. Un long soupire et je ferme mon ordinateur en secouant la tête, "Non non, faut que j'arrête parce qu'en vrai, je pourrais rester ici toute la nuit", que je dis en riant avant de me lever. "Dégageons d'ici" Je retire ma blouse que je vais pendre sur le porte manteaux et je récupère ma veste que j'enfile, remettant correctement le col de cette dernière en regardant la blonde. "T'as envie de quoi ?" Perso, je meurs de faim, alors tout m'ira à ce stade, je suis pas très difficile quand il s'agit de la bouffe.

Je hoche la tête positivement, sans aucune hésitation, lorsque mon ami me demande si New-York me manquera un jour. Ça me manque tous les jours. J’étais dans le New Jersey, juste à la frontière, ce qui me permettait d’avoir le côté familial, loin des touristes, mais aussi tout ce qui rend NY aussi exceptionnel. Plus jeune, j’ai toujours clamé que je m’installerais à Brooklyn heights une fois diplômée mais je n’ai au final jamais plié bagages pour rentrer “ à la maison “ une fois que mes études se sont terminées. Mais je pense que Boston me manquerait encore plus si je venais à rentrer. Je me retrouverais entourée de mes parents mais sans le moindre ami, ayant perdu contact avec 99% d’entre eux. Oui j’imagine que c’est mieux que tu donnes ton avis à ce sujet là mais aucun doute que tu vas trouver. C’est un poste à hautes responsabilités dont je ne voudrais absolument pas - parce que c’est un scalpel en main que je m'épanoui - mais je suis certaine que Jude n’aura aucun mal à trouver la personne parfaite pour le rôle. Les Bahamas peut-être ? Cuba. Le Mexique. Je ne suis pas difficile. Pour tant est que j’ai du soleil et moins de dix heures de vol, ce qui nous laisse un large panel de destinations. Je serai heureuse avec 25 degrés, je n’ai pas besoin de plus. Il n’est pas question de me retrouver sous 35°, je veux juste un ciel bleu et de belles températures, loin de Boston et de tous les petits tracas de l’année. C’est pas faux. On aurait dû en parler plus tôt et se faire des vacances tous les deux. Tu peux toujours te joindre à nous, je suis certaine que ça ne gênera pas Daisy et c’est moins dangereux que des cours de moto! Ça ne sera plus vraiment des vacances entre filles mais ce n’est pas bien grave. Je déteste les deux roues et n’aime pas l’idée de le savoir sur l’engin mais ce n’est pas comme si ça me concernait d’une manière ou d’une autre, j'espère juste qu’il saura se montrer extrêmement prudent. J’ai des doigts de fée mais assure-toi quand même que je n’ai pas à te recoudre. Je refuse catégoriquement de le voir passer la porte des urgences après un accident. Bonne réponse, faut que tu prennes l’air. Même si nous allons passer d’un endroit à un autre, ce n’est pas sain pour Jude de passer tout son temps enfermé entre ces quatres murs. Je remets rapidement la veste que j’avais pliée sur l’avant-bras et replace mes cheveux correctement par-dessus avant de prendre la direction de la sortie. Un peu de tout, j’ai l’impression de n’avoir mangé que des plats tout préparés cette semaine. J’en ai l’habitude mais ce n’est pas de la cuisine cinq étoiles. Mexicain ? Un bon burrito accompagné d’une Margarita ? Soit rien de sain mais on l’a bien mérité.