Si Milo avait toujours aimé être en charge du choix des lieux de ses rendez-vous, cette fois-ci, il se contentait de conduire à la découverte de ce nouveau restaurant. Tout résidait dans le contrôle, dans le familier. S'il était dans un environnement qui n'avait pas de surprise pour lui, tout jouait en sa faveur pour charmer les clients. Cette fois-ci, il n'était pas question de ça. Déjeuner entre deux anciens étudiants, étiquette qu'il ne saurait poser sur le type de relation qu'ils avaient. D'anciens amis certes, mais qu'en était-il aujourd'hui ? C'est ce qu'il était venu chercher. « J'y ai pensé. Puis je me suis dit que le sermon à venir n'en valait pas la chandelle. » Est-ce qu'il souhaitait vraiment recevoir une nouvelle leçon de vie sur l'intégrité et le respect ? Pas vraiment, c'était un moment désagréable qu'il souhaitait à tout prix esquiver. Bien installé sur son fauteuil, le confort de celui-ci lui confirmait bel et bien la qualité de l'établissement. « Qui aurait cru que tu fréquenterais ce type d'endroit, quelques années en arrière. » Sourire amusé qui se dessinait sur ses lèvres, prêt à attraper le menu pour y jeter un coup d'oeil à son tour. C'est qu'elle avait toujours été simple, Leandra. Force était de constater que ça n'était plus vraiment le cas.

Je le sais, et il le sait. Il sait ce qu'il fait. Le retard, c'est certainement quelque chose qu'il a prévu, planifié, même. « J'y ai pensé. Puis je me suis dit que le sermon à venir n'en valait pas la chandelle. » Hausse les épaules, J'pense que de toute façon c'est trop tard maintenant, ça aurait dû être fait dans ton éducation... il y a des choses qu'on en change pas, ou du moins, plus. Que Dieu me garde, j'espère ne pas faire la même erreur avec mes enfants et leur faire profiter d'une belle éducation dès maintenant. Pas qu'ils finissent comme toi. « Qui aurait cru que tu fréquenterais ce type d'endroit, quelques années en arrière. » On aurait pu le prévoir. Je me destinais à être juge, députée, j'avais une carrière qui s'affichait, je suivais un plan. Il a quelque peu été revu, mais être avocate ne me suffisait pas, déjà alors que je faisais des études pour l'être. Je visais plus haut, ça a toujours été moi, ça. L'argent n'aurait pas été un problème, dans ce monde là. Le problème, c'est tout ce qui va avec ce type d'endroit. La nourriture qui est très loin de celle de ma mère, l'ambiance qui n'est pas les repas de famille, il y a quelque chose d'insipide, parfois. J'dois dire que les pizzas de chez Joe's Pizza me manquent. Pas cher et toujours incroyablement bonnes. L'ambiance aussi. On y bossais parfois, juste parce que j'avais l'impression d'être de retour chez moi, dans ma maison de famille. Joe criait partout, sur tout le monde. Les clients rigolaient à chaque table, de la musique en fond. Un chaos, cette histoire. J'ouvre le menu, le regarde quelques secondes. C'est moi qui paie, fait toi plaisir. surtout si la nourriture peut t'aider à accepter mon offre.

Mâchoire serrée à la remarque qu'elle lui lançait. Sa mère avait fait le travail, bonne éducation court-circuitée par la révélation d'un père tueur en série. Jamais susceptible, l'avocat, mais faut croire qu'elle savait toucher son seul point sensible, sans même le savoir. « Évite de t'engager sur ce terrain-là si tu veux pas déjeuner seule. »  Mention de Joe's Pizza qui le détendait finalement, le ramenait à une époque où tous deux commençaient à peine leur carrière. Des heures passées là-bas, conversations autour de justice pour tous. Léger sentiment de nostalgie qui lui tirait un sourire. « Ça fait longtemps que j'ai pas entendu ce nom. »  Bien des années qu'il n'y avait pas mis les pieds, depuis qu'il ne travaillait plus avec l'avocate, d'ailleurs. Milo avait pris un tout autre chemin, un qui le poussait à déjeuner désormais dans le genre d'endroit où ils se trouvaient aujourd'hui. Loin des habitudes de l'avocate, qui l'invitait même, ce qui le poussait à se demander de quoi il s'agissait réellement. « Faut croire que la fondation se porte bien.. » Sa façon de demander comment ça se passait. Il savait que c'était quelque chose qui l'animait, en parallèle de son métier. Lui n'avait pas de cause aussi charitables à côté, mais il respectait ce côté qu'elle n'avait pas perdu à travers les années. « Sans doute un peu trop bien, je te croise plus aussi souvent au tribunal. »  Serveur qui passait prendre leurs commandes, ils se retrouvaient à nouveau en tête à tête.