La réservation ne s'était pas franchement déroulée comme prévue, d'accord. Mais Kazuo avait pu obtenir un futon - refusant catégoriquement de dormir à mes côtés - afin d'avoir une sorte de lit bien à lui. Je sortais à peine de la douche, habillé d'une simple serviette entourant mes hanches, détestant que mes vêtements soient humidifiés par la condensation provoquée par chaleur. Le japonais ne semble pas d'avis que je me trimballe en quasi tenue d'Eve, car après avoir indiqué sa présence d'une pression contre ma main, il ne manque pas de m'envoyer un vêtement à la tête, provoquant mon hilarité. J'en connais un qui commence à prendre ses aises ! que je plaisante en me servant du son de la pièce pour le situer sans trop de craintes afin de lui renvoyer ledit vêtement. Je préfère choisir moi-même, mon cher... Petit sourire moqueur et j'atteins à tâtons la commode afin d'en ouvrir un premier tiroir, tournant désormais le dos à Kazuo afin de faire mon choix tranquillement. Dis tout de suite que je suis repoussant ! Ralala... que je soupire faussement avant de m'habiller sobrement, t-shirt et short ainsi qu'une paire de baskets faites sur mesure, commandées par les bons soins de Gauthier évidemment, afin que ma marche ne soit bloquée par aucun détail. Il faut que je sois à l'aise, point barre, et là-dessus, comme au sujet de beaucoup d'autres choses, il me sauve carrément les miches. Prêt ? Toujours ! En revanche j'entends ton corps crier au secours d'ici. Référence ? Ce côté buté qui le pousse à dormir quasi par terre avec ce futon, véritable engin de torture, alors que le lit king's size est bien assez grand pour deux, voire même pour trois.

La réplique de Kazuo me provoque un éclat de rire que je ne tente même pas de contrôler. Je rêve ou tu es gêné ? Ou c'est autre chose... mais si c'est ça, pas la peine de prendre cette pauvre dame de chambre comme excuse... Un petit air taquin et joueur prend bientôt place sur mes traits alors que je joue légèrement avec le t-shirt avant de le mettre. Peut-être que j'oublie un peu trop l'étiquette et les convenances, ce qui me vaudrait moult critiques de la part de Gauthier s'il était présent là, tout de suite dans la pièce. C'est en me remémorant quel lien nous unie avec le japonais que je m'habille sans un autre mot. Inutile de le gêner plus encore, alors que je connais les us et coutumes de ce beau pays dont il est originaire. Qui te dis que j'ai un cœur qui mérite d'être connu ? La proximité ne me dérange pas en soit, pas même que les propos de mon interlocuteur, qui vient de déposer sa main contre mon palpitant. En revanche, un mot me fait tiquer. Jeune ? Serait-ce que Gauthier s'est lâché côté dossiers ? Nous ne nous connaissions pas avant l'épisode de la salle de sport. Du moins je le pense, bien que je sois dans l'erreur. Le foulard qui ne m'a pas quitté depuis des années, véritable porte-bonheur à mes yeux meurtris, est bientôt attaché à mon poignet par ses soins et cela me fait froncer légèrement les sourcils. Mon cerveau tourne à plein régime, bien que j'ai encore du mal à raccrocher les wagons. Mon sourire revient cependant sur le devant de la scène alors qu'il ne s'empare que de mon petit doigt, comme si nous étions encore écoliers sur le chemin du retour. Une sorte de piggy swear comme disent les anglophones, ou promesse silencieuse qui me ramène des années en arrière. Ces souvenirs me rendent moins vigilant aux bruits environnants, et, sans crier gare, une montagne de valises manque de nous engloutir avant que je ne le protège à l'aide de mon dos. Je suis plus grand, plus carré, et pourtant le souffle du japonais sur ma peau m'apporte de délicats frissons. Étrange... Rien de cassé ? Nous ne sommes pas tombés, je l'ai simplement protégé d'une potentielle blessure de valise. Risible presque, si on rembobine la situation. Mmh... l'ascenseur est obligé ? Je préfère les escaliers. La technologie n'est définitivement pas mon amie et puis les secousses éventuelles sont mauvaises pour ton dos déjà endolori. Ceci étant... très agréable, ton odeur de gel douche. Je viens de lancer ça comme ça, d'un ton léger, avant de reprendre la marche par moi-même, sans mettre les mains devant moi. N'aie-je pas parlé de défi précédemment ?

Oublié ? Oublié quoi ? Mes sourcils se froncent d'eux-mêmes, surpris par cette façon de s'exprimer. Je ne sais pas si Kazuo est au courant de quelque chose que j'ignore, mais je n'aime pas ça. Persuadé que Gauthier ne se serait pas permis de s'étendre sur mon passé ou les secrets qu'il est le seul à garder de très près, je cherche une seconde raison. Peu de gens me connaissent réellement, ou depuis suffisamment longtemps pour savoir à quel point mon tempérament a changé depuis le braquage, et plus encore depuis six mois que je perds définitivement la vue. Okay, donc tu sais quelque chose que j'ignore. Et j'aime pas les secrets donc je vais te demander d'éviter les sous entendus et de me dire ce dont il retourne ? Aucune froideur dans ma voix, aucune distance, je suis juste mal à l'aise avec les secrets. Normal, après que l'on m'ait menti pendant dix-sept ans sur mes véritables origines, je préfère diablement la franchise, les gens qui mettent cartes sur table... bien que, d'un autre côté, je connaisse suffisamment les us et coutumes du Japon pour savoir qu'être rentre-dedans ne fait pas partie du tempérament profond de ses habitants. Je ne mets de côté qu'un instant ces pensées pour éviter à Kazuo de se prendre une montagne de valises. A croire que cet hôtel est plus dangereux qu'il n'y paraît de prime abord ! Si nous reprenons notre route, côté escalier, je laisse mon interlocuteur s'emparer de ma main et m'étonne, une fois encore, de ce compliment tout sauf déguisé. Je suis beau, hein... Clairement, cette fois-ci c'est moi qui n'aie pas l'habitude. Juste en mode physique je suppose ?