il y a déjà une bonne heure que le stress s'est emparé de moi. j'ignore ce qui m'angoisse le plus. toute cette mise en scène ne me ressemble pas. ne me correspond pas. je pensais donner le tableau contre le beau petit cheque et basta, pas besoin d'en faire des tonnes. ce pseudo vernissage pour la toile pourrait être grave bénéfique pour moi si le contexte avait été différent. saoulé avant même que la soirée ne commence. et pour en rajouter une couche, y'a ce type que j'ai dû contacter deux jours avant. quand j'ai su que l'option photographe devenait obligatoire, j'ai pensé à lui. ses photos sont magnifiques, je suis un grand fan de ses créations. il arrive à capturer la beauté de ce qu'il voit. ses photos arrivent à me transporter et je ne suis clairement pas insensible à sa créativité. il parle un langage qui m'interpelle. ma cigarette électronique à la main, je suis obligé de puiser dans ce liquide pour calmer mes pensées. je suis nerveux. l'impression de jouer ma vie sur ce tableau. comme si cette vente allait faire décoller ma carrière. je compte sur le cbd pour me faire redescendre d'un étage ou deux. les doutes s'installent. je trouve soudainement pleins de défauts à ma peinture. j'aurais pu et du faire autrement. ma jambe tremble toute seule de nervosité. et la silhouette qui s'approche de moi n'arrange rien. sourire nerveux. il ne va pas me reconnaitre, je me persuade comme je le peux. « salut, encore merci d'être venu » main qui se tend vers mon sauveur. main surement un peu moite. « tu pourras me demander ce que tu veux après cette soirée » je rigole. ironise. les faits sont là, il me sauve la vie, à un prix plutôt raisonnable. ça fera 50$ de moins pour moi cet été mais tant pis, j'en ai trop chié pendant plus d'un mois pour tout annuler maintenant 

pour de vrai, il me sauve la vie. knox ne s'en est peut-être pas rendu compte mais discuter avec lui depuis trois jours m'a permit de ne pas trop stresser. jusqu'à maintenant en tout cas. autant de travail pour une toile à 500 billets, je sais que je me fais niquer mais être un artiste dans ce monde est un pari un peu trop risqué. trop de postulants. quasiment pas d'élus. je dois accepter la dure réalité des choses mais m'estimer heureux de pouvoir en vendre un. j'espère que d'ailleurs que cette vente m'aidera à me faire connaitre un peu plus. knox arrive. mon sauveur. « t'inquiète, je pense pouvoir survivre à ce que tu pourrais me demander » rire nerveux mais sincère. j'apprécie beaucoup ce petit jeu de séduction qui s'est mis en place entre lui et moi. c'est nouveau et vraiment pas désagréable. j'apprends à me rapprocher d'un homme, y voir un peu plus que de l'amitié. une ambiguïté qui me plait assez. « ouais ça va aller, elle devrait arriver dans 5 minutes, on monte ? » je prends une dernière taffe et range ma cigarette électronique. j'ouvre la porte et entre à l'intérieur. « tu connaissais cet endroit ? »  un genre de bâtiment très classe pour diverses réceptions. y'a du fric là-dedans. je ne suis clairement pas à mon aise. on monte les escaliers et arrive dans la grande salle où tout va se jouer. mes yeux se posent sur mon tableau, exposé juste là. « voilà la bête » je rigole en captant que c'est hyper tendancieux ce que je viens de dire.

le tableau:

 

on s'est déjà croisés plusieurs fois knox et moi. dans l'immeuble. l'ascenseur ou dans la rue mais c'est la première fois qu'on a réellement l'occasion de discuter. sans le tableau, j'ignore si j'aurais eu le cran de l'approcher et d'engager la conversation. je me contentais de suivre ses créations sur meets. rien de plus. j'ai encore des progrès à faire pour me sociabiliser, c'est certain. mais knox, lui c'est différent. le fait est que je l'ai toujours trouvé très agréable à regarder. au début je pensais que ça venait de son originalité et ces dernières semaines, j'ai compris que non. un homme peut m'attirer. incroyable mais vrai. je n'avais jamais envisagé cette éventualité et me voilà aujourd'hui à cette réception en sachant pertinemment qu'après je vais passer le reste de la soirée avec lui. un after qui ne me laisse pas de marbre. mégot jeté, on entre à l'intérieur du bâtiment. « sérieux ? t'es à boston depuis combien de temps ? » le tableau est fièrement exposé dans la salle. c'est la deuxième personne à le voir en vrai. je fais les présentations entre lui et knox puis je m'écarte légèrement. mes yeux scannent la réaction du jeune homme. j'essaie de capter ses impressions. si la toile lui plait réellement ou s'il me complimente juste pour être poli. j'en suis encore à douter de mon talent pourtant l'oeuvre est magnifiquement aboutie. « merci beaucoup » je réponds, presque ému. ça me touche. j'ai mis mon petit coeur et mon âme dans cette peinture. je reçois un compliment qui me va droit au coeur. pas le temps de niaiser que la future propriétaire fait une entrée royale dans la pièce. elle et ses invités.


« bonsoir et je vous recontacte vite. merci pour tout » mes yeux s'abaissent vers mes mains. vers ce petit bout de papier contenant le nom d'un homme, son numéro et quelques annotations rapidement brouillonnées. mon coeur palpite à tout rompre dans ma poitrine. je suis sous le coup de l'émotion. un fin sourire ému se dessine sur mes lèvres. c'est fait, je l'ai fait. et tout ça pour 500 boules. je relève mon regard vers knox en essayant de chasser toutes ces émotions qui m'envahissent. je lève le petit bout de papier avec fierté. « t'as vu ça, une deuxième commande » je m'approche de lui. et le prends spontanément dans les bras « merci knox, je suis trop content » trop de feels là. et je ne me rends même pas compte que c'est la première fois que je suis aussi proche d'un mec. une proximité si spontanée.