Coule dans sa gorge, le peu de liquide que contient son verre. Terminant son joint, il jette le toncar dans la première poubelle qui se présente à lui. Un pied en avant et il pénètre dans l’antre étouffant. Sous ses prunelles, se déverse la foule. Aveuglantes. Les lumières lui défoncent la rétine. A moins, que ce soit une conséquence de la skunk. Avec aisance, l’ombre se fraie un chemin. Sur sa peau tachée d’encre, la chemise en lin blanche devient une caresse. Le derme en feu. Plus sensible à cause de ce qui danse dans son sang. Divaguant au hasard, ses prunelles s’immobilisent sur une scène. Capte la dure réalité. Lena et l’mari. Une vague sensation de chaleur accapare sa poitrine pour finir par devenir des picotements dans la trachée. Il aurait presque pu s’en douter. Il avait vu le regard de Lena à table. Il savait que c’était une question de temps, avant qu’elle ne s’en trouve un autre. Surtout après ce qu’il lui avait dit. Mais le voir rendait les choses réelles. Difficiles. Elle peut dire merci Lena. Au joint qu’il s’était envoyé. Suffisamment chargé pour empêcher ses sauts d’humeurs de devenir concret. De cette vision, il se détourne. Trop dégouté pour rester. Il ressort à nouveau. Loin de la fureur. Trouve cette fois, une place dans un des canapés. Fixe la voute céleste, avant de sortir une clope.

Spectacle curieux. Foule en émoi. C'est la fête de l'année. Invitée mystère, tu te faufiles parmi les étudiants, priant pour que tu sois une des leurs l'année prochaine. Le temps est clément. Pas un nuage venant salir le ciel d'un bleu pétrole. Tu avances tout doucement. Tu espionnes les uns et les autres, sans vraiment te pencher sur un être vivant. Il n'y a rien de spectaculaire. Rien d'anormal. Il y a ceux qui restent pendus au bar, ceux qui capturent ces instants d'un flash. Le monde semble si doux. Ayant manucurés quelques unes des étudiants ici présentes, tu n'as pas eu l'temps de te ravitailler. Tu t'approches alors du buffet et tu pioches quelques amuses-bouches que tu places dans une assiette en carton. L'écologie avant tout. Ça doit être recyclable. Et puis tu continues ton chemin. Tu salues certaines de tes clientes d'un geste de la main, puis tu te rapproches d'un canapé à l'extérieur. Il y a un type dessus, mais assez de place pour deux. Tu t'écroules sur le sofa, un long soupir se dégageant de tes poumons. " Hey, ça te dérange si je squatte un peu ? J'ai une dalle de ouf, je me voyais pas dévorer tout ça en public " L'gars n'a pas l'air très présent. Comme si son esprit était ailleurs, occupé par de vilaines pensées. Ouais, il est préoccupé, mais il ne freinera pas ton appétit. " T'as pas besoin de me parler, ignore moi " Tes mains attrapant un petit four, tu l'engloutis d'un seul coup en dépliant tes longues jambes sous ta robe dorée. " Je peux aussi faire la conversation pour deux, c'est ma spécialité " La ferme Heaven, vraiment. Et ne parle pas la bouche pleine, où sont tes bonnes manières ?

Cigarette entre les lippes, il tire une latte. Absorbe la nicotine. Rejette les émotions dans l’atmosphère. S’écrase la gamine à ses côtés. Il en devine facilement le genre à cause de son parfum. Sa voix ne tarde pas à retentir. Tambourinant contre ses oreilles comme un disque mis en accéléré. Les informations rapides, vont trop vite pour lui. Il tente d’en choper le fil conducteur, mais elle lui complique la tâche. Le visage tourné vers elle, il enregistre ses traits. Inconnue. « Ta spécialité ? » Les lippes qui aspirent le tabac, en font rougeoyer le bout. Détaillant les nouvelles venues, ses pupilles dilatées captent rapidement ce qu’elle tient entre les mains. « Genre quoi, t’kiffe parler dans l’vide ? » Rejetant la tête en arrière, il recrache la fumée. Elle qui se mêle aux astres. « J’te propose un truc. Je t’écoute et tu m’files un peu d’bouffe. »

Aucun regard. Pupilles branchées sur l'assiette. Phrase qui bondissent de tes lèvres brillantes. Tu accumules les mots pendant que tu scrutes les amuse-bouches dans ton assiette. Le ténébreux réagit par intermittence. Il semble désorienté par ton excentricité. Contact visuel furtif, tu lui tends l'assiette que tu as rempli de petits fours. " Fais comme à la maison " Tes jambes se croisent. Tu balaies la fumée qui t'entoure, nez retroussé, comme si ce nuage t'incommodait. " Tu vas foutre en l'air l'odeur de mon shampooing " Tu finis par poser l'assiette entre vous et tu regardes droit devant toi, comme si poser tes prunelles sur lui pouvait lancer une malédiction sur toi et l'entiereté de ton arbre généalogique. " Tu fais une pause ? Ah merde, on a dit que c'était moi qui faisait la conversation .. Euh, je m'appelle Heaven. Je vis sur Boston, mais j'ai l'intention de rejoindre Harvard l'année prochaine. Je sais pas si je fais le bon choix, je me fais vieille tu vois, mais je me dis que c'est maintenant ou jamais " Les épaules se soulèvent. Tu piques un toast au saumon et le dégustes longuement. C'est quoi la suite ? Il est anxiogène ce type. Que doit-il se passer dans sa tête ? Comment le savoir ?  

Dans l’assiette, il prend un petit four. L’englouti rapidement. Il a dû mal à la suivre la gamine. Généreuse la seconde d’avant, pour finalement se plaindre celle d’après. « Personne t’as demandé de t’foutre ici. » Rien à foutre que ça la gêne. Lui qui –une nouvelle fois- tire sur sa cigarette. Décontenancé. Il fait comme si de rien n’était. Se renfonce contre le dossier, les émeraudes rivés sur le ciel sombre. « T’compte m’faire tout ton cv ? » La tête en appuie, il la tourne vers elle. Détail son profil. « T’as pas l’air si vieille. T’as quoi.. vingt-trois vingt-quatre ans ? » Retournant à la contemplation morose de l’obscur, il se demande comment est-ce qu’elle avait fait pour s’introduire à cette soirée. « T’es rentré en douce ou on t’a invité ? »

Échange de nourriture. Les papilles s’éclatent. Un son provient d’la salle. Le bal bat son plein. Et toi, t’as quitté ta cavalière pour prendre l’air. Tu t’asphyxiais dans cette boite. Trop de sardines qui dansaient. Il fallait s’évader. « J’aime la compagnie, mais j’ai pas pensé à ce que tu serais toxique » Mot dans les airs. Mots qui peuvent trancher, être pris au second degré. Et tu continues. Ta voix s’éraille par moment alors que tu lui contes les éléments essentiels de ta vie. « T’as dit que ça ne te gênait pas que je fasse la conversation » Tes sourcils se froncent. Ta tête pivote pour affronter ses prunelles dévastatrices. « Vingt cinq, entre l’insouciance et la sagesse » Observant son profil, tu croques dans un amuse-bouche et puis tu l’imites. Ton crâne bascule vers l’arrière et s’enfonce dans l’appuie-tête. « J’avais une cavalière, mais elle est tellement populaire que j’l’ai lâché. Je suis pas habituée à tout ce bain de foule. Et puis je n’ai rien à raconter de spécial. En fait je suis hyper chiante comme fille, j’me demande ce qu’elle me trouve » Et alors que tu enfournais un énième petit-four, une chauve souris frôla tes cheveux. Cri strident. Bond sur le canapé. Tu te retrouves contre le gars et sa clope. « Batman me persécute ! » Les ongles plantés dans l'bras du jeune homme, tu regardes au dessus d’toi, pétrifiée par ces créatures de l’ombre.

« La prochaine fois pense mieux. » Comme si de rien n’était, la brune reprend le cours de la conversation. Pointe du doigt ses propres mots. Rictus. C’est qu’elle commence à l’amuser. Elle et sa parlotte. « Ok ok. Continue, je t’en prie. » Il la laisse faire. L’écoute comme on écouterait la radio. Tirant une fois de plus sur sa clope, il fait en sorte que de la fumée s’échappe dans sa direction. Juste pour la faire chier, parce qu’il avait décréter que –maintenant-, ça l’amuserait. « T’as l’air ouais, mais peut-être qu’ça lui plait. » La main qui se tend, il attrape un dernier petit four. Le gobe, parce que ça commence à lui filer la gerbe. Toute cette niaiserie. Y avait qu’à voir les cocktails. En soit, le thème était bien réussis, mais trop guindé pour lui. Et en décalage complet avec sa maison pour le coup. Où est-ce qu’il était quand ça avait été décidé, sérieux ? Hurle la gamine. Bondit comme une putain de sauterelle. Sursaute le brun, alors qu’elle enfonce ses ongles dans sa peau. « Mais putain ! T’es une grande malade ! » Rapidement, il secoue sa manche tâchée par la cendre. Dégageant au passage ses putains d’ongles pointus. « Batman à surement bouffé un moustique qui t’persécutais. A ta place, j’serais reconnaissant. » Il râle dans sa barbe l’ombre.

Personnalité imbuvable. Le poil qui se hérisse en sa compagnie. Regrets qui s’accumulent. Assiette partagée. Sa fumée t’enveloppe malgré l’émission de ton courroux. Il continue de rejeter le toxique en ta direction. Vieux gamin. Compagnie toxique, tu lui racontes pourtant ton avenir. Tout risque de changer l’année prochaine. La nervosité te soulève le coeur. Tu continues pourtant de picorer alors que le type ne montre aucun signe d’intérêt envers toi. Il doit être aveugle. Ou gay. Qu’importe, c’est une paire d’oreilles, il fera l’affaire. Et alors que tu lui parlais de cette splendide fille qui est ta cavalière, une chauve-souris t’attaque. Tu bondis de ta place. Les coutures de ta robe craquent. Tes ongles se plantent dans sa chair. La peur qui s’exprime. La surprise aussi. Ton palpitant fait la course dans ta poitrine. Tu froisses énergiquement ta chevelure, comme s’il y avait encore Batman sur ton crâne. Repoussé par le mec, tu inhibes les cris qui rêveraient de sortir de ta gorge. « Pourquoi t’es tout seul au fait ? Tu boudes dans ton coin ? C’est quoi ton problème ? » Fesses qui se déplacent, tu t’appuies sur l’accoudoir opposé, dévisageant ce gars qui est pourtant d’la même espèce que toi. « Tu ne m’as même pas regardé et je crois pas être la fille la plus laide de cet endroit, qu’est-ce qu’il t’arrive ? » @Scott Guerin

Complètement lunaire la nana. A l’extrémité, elle braque ses opales sur lui. Crache à la figure une frustration qu’il n’avait pas vu venir. Réellement, il regarde la brune. Sort de sa quiétude. L’âme provoquée. L’envahis l’agacement, alors qu’il écrase la fin de son joint. Cache le tonc froid dans une poche. « Parce que c’moi qui est un problème ?! » Le buste tourné vers elle, il l’affronte. Elle cherchait quoi exactement ? Un mec qui la rassure ? A baiser ? Sérieusement, il avait déjà dû mal à comprendre les meufs, mais celle-là, elle battait des records.   « C’est ça qu’tu voulais ? » Comble la distance en se rapprochant. « Que j’te regarde ? » Les doigts qui s’enroulent sur ses chevilles, il tire d’un coup sec de sorte à ce que son cul revienne sur les coussins. « C’pour ça que t’es là ? Ou est-ce que t’as besoin d’te rassurer ? »Euphémisme quand on connaissait le sien. D’égo. L’ovale au-dessus, il la domine. Fait exprès de d’agir de cette manière. Pour l’effrayer. La provoquer. Et parce qu’accessoirement, il avait les nerfs qu’on vienne le faire chier maintenant.

Ce type, c’est le chaos absolu. Tu ne lis rien en lui. Il est clos. Déboussolant. Il semble se complaire dans sa solitude. Tu voulais simplement lui tenir compagnie, mais en voulait-il de ta compagnie ? Il est que noirceur. Un puits de malheur. Tu t’éloignes. Par pure précaution. Il pourrait être dangereux. Sa langue projette du venin. C’est toxique. Toute ta gentillesse est balayée. Le ton monte. Tu te réfugies au bout du canapé, mais l’être malin se déplace. Il va vite. Tu sens une pression sur tes chevilles. Contact agressif. Tu étouffes un cri. Ça sent le danger. T’es en présence d’un fou furieux. Le repoussant, tu le dévisages longuement, les mots qui ne sortent pas. Il a anesthésié ton cerveau. T’es effrayée. Aucun dialogue ne peut avoir lieu. « Je n’ai besoin de rien du tout, surtout venant d’un type dans ton genre » Les pieds retrouvent le sol. L’assiette en carton est totalement déformée. « Tout ce dont j’ai envie, c’est de fuir, t’es fier de ça ? » Tu tires sur ta robe, la faisant descendre sur tes cuisses nues. Tout ce que tu voulais, c’était lui remonter le moral et pourquoi pas lui changer les idées. Tout ce que tu as gagné, c’est d’la peur. « Mais je te connais pas pour te juger, t’as dû vivre des choses difficiles pour en arriver là, enfin, je l’espère, mais rien ne justifie un comportement aussi exécrable, c’est triste » Dédain qui s’élève, tu croises tes jambes, fuyant son regard déroutant. Va-t-il fuir ou rester ici, à essayer de te perturber ?