Les angoisses se dissipent progressivement. Les rendez-vous avez ton psychologues, tes sorties avec tes amis et tes techniques pour éviter de trop penser au passé, tout ça t’aide à aller de l’avant. Rien n’est facile et tu sais que ça prendra encore du temps pour vraiment au cœur de la foule, ne plus avoir peur. T’es prête à la prendre ce temps-là, éviter de précipiter les choses. Assise dehors, le soleil qui vient réchauffer ta peau, un cahier de révisions dans une main et un café dans l’autre, tu ne penses à rien d’autre, coupée du monde par cette musique. T’en remarques pas ce passé qui s’approche discrètement de ta table pour venir cacher ce rayon de soleil et stopper ce réchauffement. Tête que tu relèves lentement, stupéfaction sur le visage, tu ne t’attendais absolument pas à le revoir. Il y a quelques jours qu’il a refait surface et le voilà en face de toi.

Cela fait déjà plus de trois semaines que je ne mets le nez dehors que pour me rendre en cours ou au sport et je n’en peux plus. Je me dois de redoubler d’efforts cette année car avec tout ce qu’il s’est passé, je n’ai pas été des plus concentré et je crains un peu de me vautrer aux examens. Pas raté mais obtenir des notes dont je ne serai pas très fier et auxquelles je ne suis pas habitué. Je lâche les cours pour sortir prendre l’air et m’arrête au starbucks au passage afin de me prendre un café glacé et alors que j’attends ma boisson, mon regard s’arrête sur toi. L’ironie de te trouver ici, après que tu m’aies refusé un café. Le destin est contre toi, bien que je n’ai pas l’intention de forcer les choses si tu n’as aucune envie de t’adresser à moi. Une fois mon gobelet récupéré, je m’arrête tout de même à ta table afin de te saluer - et peut-être tenté ma chance de passer quelques petites minutes en ta compagnie. Désolé, je ne voulais pas faire de l’ombre. Je souris et me décale afin que le soleil vienne réchauffer ta peau à nouveau. Comment tu vas? Tu as déjà répondu à cette question il y a quelques jours mais tout a pu changé depuis.

Les azures qui viennent se poser sur Roman, surpris de le voir apparaître là, alors que ce n’est qu’une probabilité importante sur le campus. Léger pincement des lèvres, tu viens secouer la tête afin d’accompagner tes propos. ❝ Ne t’en fais pas, ce n’est pas grave. On dirait que les évènement du TD garden lui ont remis beaucoup d’idées en place, et qu’il vient s’excuser régulièrement, même pour des choses qui sont sans importance. Enfin, tu préfères ça dans le fond. Ça change. On dirait qu’il leur faut tous un certain temps pour revenir sur ce qu’ils ont pu faire et réfléchir. ❝ Je dirai que ça ira mieux lorsque les examens seront derrière nous. C’est depuis quelque temps devenu une source d’angoisse pour toi et tu sais que ça sera officiellement derrière toi une fois que les études seront terminées. Soit d’ici quelques jours. ❝ Tu veux t’asseoir ?

L’excuse est plus dite sur le ton de la rigolade, au fond je pense que je te demande surtout pardon de te déranger alors que tu sembles absorbée par tes révisions. Et puis tu m’as bien fait comprendre qu’il était inutile qu’on partage un café tous les deux, je me sens (presque) mal de t’imposer ma présence. C’est sûr. Ça fait à peine quelques jours et je suis déjà au bout du rouleau. Ce sont surtout les révisions qui m’ont exténué, plus que les examens en eux-mêmes. S’il n’y avait pas tout ce stress autour, je pense que j’apprécierais carrément cette période. On se pointe, quelques heures d’examens, et la liberté nous est rendue pour le reste de la journée. Ça n’en est que plus déprimant d’être “ libre “ sans pouvoir profiter du soleil mais on a au moins la possibilité d’étudier dehors au lieu d’être enfermés dans une salle de cours. Sourcil arqué lorsque tu me proposes de m’asseoir, je pince les lèvres et recule la chaise libre pour m’y installer. L’occasion est trop belle pour te demander si t’es sure de toi. Je bois une gorgée de mon café glacé et relève les yeux vers toi. Finalement, je l’ai mon café avec toi. Je t’adresse un clin d'œil, même si c’est peut-être à contre-coeur pour toi. Comment ça se passe pour l’instant? Je lance un regard au cahier pour appuyer mes propos.

T’ignores si c’est le hasard des choses, mais t’évites de te poser trop de questions sur cette rencontre. Cela fait plus d’un an que vous ne vous êtes pas vu, et seulement quelques jours que vous vous parlez suite à une prise de conscience de sa part. Qu’est-ce qui se cache derrière ces retrouvailles ? Des excuses, ça tu l’as compris, mais il aurait pu ne rien dire et passer à autre chose. T’évites de penser à tout ça, préférant uniquement te concentrer sur tes partiels alors que beaucoup de choses se bousculent dans ta vie. ❝ Je suis bien heureuse de vivre ça pour la dernière fois. Cette sensation est affreuse. Tu l’espères du moins. Devenir diplômée et obtenir le statut de jeune active. Ça t’éviterait de bien nombreux soucis supplémentaires, même si tu sais pouvoir faire appels à de nouvelles personnes pour t’aider financièrement. Non, la facilité, tu ne veux pas la choisir. Tu préfères ne compter que sur toi-même, quitte à ne pas te rendre service. Les prunelles le regardent venir s’assoir en face de toi alors que tu viens fermer ton cahier de révision. ❝ On dirait oui. Fin sourire, on dirait qu’il a fini par avoir ce qu’il veut. ❝ Je pense que ç ava. Je veux pas trop me prononcer et me porter l’œil. Et toi ? Haussement des épaules, tu fais attention à ne pas trop t’extasier pour au final faire dix pas en arrière.

Oh c’est ta dernière année? J’avoue que je n’ai pas fait le compte. On ne s’est plus parlé depuis la rupture et je dois avouer que je n’ai pas souvent pensé à toi avant l’épisode horrible du TD. Ce ne sont pas que tes blessures qui m’ont fait peur et réfléchir, mais l’ensemble de la situation. Blessé très légèrement, je m’estime bien chanceux, mais le fait est que j’ai réalisé que je n’avais personne vers qui me tourner lorsque ça ne va pas, que ce soit moralement ou physiquement. Je ne dois cette situation qu’à moi-même, car j’ai toujours fait en sorte de ne pas finir emprisonné dans une relation et de fuir avant que ça ne devienne un tant soit peu sérieux. Et avec toi, je sais que ça aurait pu le devenir. En quelques semaines à peine, mon cœur s’emballait bien trop en ta présence et lorsque je l’ai réalisé, j’ai couru dans la direction opposée, sans prendre de gants pour t’épargner une rupture brutale. C’est venu de nul part, du jour au lendemain, lorsque la réalisation que tu comptais s’est imposée à moi. Je n’irai pas jusqu’à dire que je regrette l’année et demi de célibat qui s’en est suivie mais ces derniers mois m’ont permis de réaliser que je n’ai plus spécialement envie de me réfugier dans les bras d’un plan cul lorsque ça ne va pas. C’est triste que j’ai eu besoin d’être au plus bas et de souffrir de cette solitude pour réaliser tout ça, je n’en suis pas fier, mais c’est comme ça. Je comprends. Je crois que ça va aussi, j’ai vraiment bien géré les quatre premiers mais ce matin c’était chaud. Enfin on verra. Je pense l’avoir réussi malgré tout mais j’aimerais que mes notes soient au top dans chaque matière, ce qui semble compromis à présent. C’est quoi le plan, après Harvard, du coup ? Bonjour la vie active ! Ça doit être aussi excitant que stressant.

❝ Oui, enfin normalement.. Tu l’espères si fort, que c’est fini pour toi. Pourtant, tu adores les études, ce que tu apprends mais financièrement ce n’est pas possible pour toi. C’est trop de contraintes et tu ne veux plus te priver comme tu as pu le faire autant sur ces années d’étude. Tête que tu secoues positivement, tu comprends parfaitement ce qu’il veut dire : l’incertitude des choses. Il vaut mieux ne pas trop s’emballer, être enthousiasme pour rien. ❝ Les dés sont jetés de toute façon, y a plus qu’à attendre impatiemment les résultats. Impatiemment c’est exactement ça ! Et toi qui vis un peu trop à cent à l’heure, c’est particulièrement difficile de devoir attendre sans rien pourvoir faire. ❝ J’ai déjà trouvé un travail, donc je vais pouvoir augmenter mes heures et passer à cent pour cent. Pour le moment je reste avec mon patron et qui sait plus tard, je changerai peut être. Je ne vais pas me fermer les portes. Non, ce n’est pas ton genre, mais par contre on sait que trop bien que tu n’es pas capable de quitter ta famille et donc Boston, ce qui limite beaucoup tes choix d’évolution.

Il n’y a pas de raison que tu rates la dernière. Tu es arrivée jusque là, je n’ai pas de doute sur le fait que tu obtiendras ton diplôme avec mention. Surtout si tu es toujours aussi passionnée que tu l’étais il y a deux ans. Oui attendre et bosser pour les suivants. Car c’est triste mais nous en sommes à peine à la moitié, la lumière au bout du tunnel est encore loin. Pour ma part, j’ai l’impression que le plus dur reste à venir car ce sont mes cours préférés que j’ai validé cette semaine. Je te questionne sur la suite et hoche la tête, content d’apprendre que le plan n’est pas de partir à l’autre bout du monde même si en soit, ça ne changerait surement rien pour moi, ou nous. On ne s’est pas adressé un mot pendant un an et demi, je doute qu’on devienne soudainement les meilleurs amis du monde et ce malgré les excuses que je n’ai pas encore prononcé de vive voix. Venant de toi, ça ne me surprend même pas que tout soit déjà prévu et organisé. Tu es intelligente et surtout bien plus prévoyante que je ne le serai jamais. Je bois une nouvelle gorgée de mon café glacé et m’humecte nerveusement les lèvres avant de t’observer. Je sais que t’as dit que c’était pas nécessaire mais je voulais quand même te présenter mes excuses pour la manière dont ça s’est terminé. Ou plutôt la manière dont j’y ai lâchement mis un terme, comme un con.

Tu n’es pas vraiment convaincu par sa réponse. T’as toujours eu des doutes dans la vie, mais ça devient presque maladif depuis des mois, à ne plus croire à grand-chose. La pression vient presque te dévorer de l’intérieur. ❝ On ne sait jamais. Ce n’était pas vraiment glorieux les exams d’avant, j’ai réussi de justesse. Faudrait que tu arrêtes de rester bloquée dessus et continuer d’avancer comme tu le fais facilement d’habitude. Ce n’est pas ça qui va t’arrêter quand même ! T’as réussi c’est tout ce qui compte. ❝ Tu vois déjà l’année prochaine toi. Ça se passe bien en général alors ? Chaque étude est particulièrement difficile, surtout lorsqu’on vient étudier à Harvard, mais ça en vaut très largement le coup. ❝ Non, c’est pas que j’ai tout prévu dans le moindre détail, c’est là où j’ai fait mon stage, et j’ai fini par bosser un peu aussi là-bas en dehors puis finalement il me garde. Ce qui m’arrange énormément, comme ça je continue à me faire des contacts et bientôt j’irai travailler dans un musée. Du moins, je l’espère. Tu ignores encore lequel, mais tu sais que ça ne serait trop tarder, même si l’avantage de travailler avec Dean c’est que tu peux aller n’importe où. C’est cool ça aussi. Lèvres que tu viens doucement pincer, tu secoues doucement la tête. ❝ C’est bon Roman, je suis passée à autre chose. On oublie d’accord ? Oublier non, parce que ça restera toujours dans un coin de ta tête comme tous tes nombreux échecs, mais tu ne veux pas en faire d’histoire et tu ne veux plus vraiment y penser. Seulement avancer.

Je t’écoute et grimace lorsque tu mentionnes les examens réussis de justesse. Ça a aussi été mon cas en début d’année, après quelques mois alité, dépité et prêt à abandonner, mais je me suis plutôt bien rattrapé depuis. Essaye de pas trop t’inquiéter, de toute façon comme tu l'as dit, les dés sont jetés. Inutile de s’inquiéter, plus personne ne peut changer les résultats. Non non, une année à la fois ! Juste que j’en ai encore 4 la semaine prochaine. Mais ça va, ça me plait toujours autant. Même plus, maintenant que je peux étudier dans ma spécialité plus que le journalisme de manière plus globale. J’ai nié des dizaines de soirées et sorties afin de réussir, si je me plante à ces examens, je saurai que je n’aurais pas pu faire grand chose de plus même si cette histoire avec mon frère a eu le don de me déconcentrer. Ah c’est top ! Et ça prouve que tu les as convaincus, ce qui devrait aussi jouer dans l’obtention de ton diplôme. Les examens c’est jolis mais au final c’est ce que tu sais faire en dehors des cours qui comptent. Le plus gros intello de la promo pourrait tout aussi bien se planter une fois dans le monde professionnel, c’est complètement différent et ça me fait un peu peur. J’étais dedans bien avant l’âge mais il y a une énorme différence entre jouer un match et le couvrir dans la presse, avec le peu de respect que j’inspire dans le milieu. C’est un point que j’espère bien changé cet été mais pour l’instant, je n’ai aucune garantie.
Je laisse de côté les banalités de notre quotidien pour te présenter, enfin, de plates excuses et je ne peux m’empêcher de pincer les lèvres. T’as l’air de t’en foutre complètement mais je ne peux pas espérer mieux vu le comportement que j’ai pu avoir dans le passé. Ouai, si tu veux. Qu’est ce que je peux bien te répondre ? “ Non on oublie pas, j’aimerais que tu m’insultes? ”. Tu es clairement passée à autre chose, je ne vais pas venir remuer des histoires passées parce que j’ai soudainement pris conscience de certaines choses. Je vais te laisse tranquille. Au lieu de forcer la conversation.