C’est toujours la même galère ici, il le sait Lyssandre, et pourtant, il s’entête. Il le sait très bien que c’est un chat noir, un poissard, et pourtant, il continue de se dire qu’à un moment ou un autre, la chance finira par tourner, qu’il arrivera enfin à chopper un taxi après… 27 minutes d’attente pour le moment. D’autant plus que s’il est à l’aéroport, ce n’est pas vraiment pour lui, mais pour faire plaisir à une vieille amie. Une de celles qu’il a connu lors de son séjour en France, quand il étudiait les Beaux-Arts à Paris. Une de celle qui lui a permis de s’intégrer, de découvrir la ville, le pays, et à qui il a promis de faire découvrir son pays un jour, si elle se décidait à y venir. Il a donc tenu sa promesse, a passé plusieurs soirées et plusieurs après-midi malgré les révisions à servir de guide à la jeune femme pour lui montrer tout les endroits branchés de la ville. Un sacré périple qui l’a éreinté et au bout duquel il aurait maintenant bien aller se coucher. Pourtant la demoiselle lui a demandé une dernière faveur qu’il n’a pas pu refuser - sûrement parce qu’il était trop bourré quand elle lui a demandé et qu’il n’avait pas compris - l’accompagner à l’aéroport de crainte de se perdre. Et c’est pour cela qu’il attend depuis… 32 minutes, un taxi pour pouvoir rentrer chez lui se coucher. Une épreuve de patience dont il commence à saturer, rageux d’en avoir vu autant sans pouvoir monter dedans. « Oh et puis merde ! » Excédé, il se dit que la chance, il va la provoquer. Il observe autour de lui, tente de repérer quelqu’un de jeune, ou potentiellement fragile à qui il pourrait faire les yeux doux pour partager un taxi. Et finalement, il la trouve sa cible, alors qu’elle est en train de donner ses bagages au chauffeur. Elle n’a rien d’une personne fragile, se demande même tout juste si elle a un coeur, alors il change de stratégie. Plutôt que de faire dans le charme, il allait faire dans le culot. Il profite que la jeune femme soit distraite par son téléphone et le chauffeur par les bagages pour ouvrir une portière et se faufiler dans l’habitacle du véhicule. Et maintenant qu’il y avait pris place, même Wendy Witter n’arriverait pas à l’en virer.

C’est fourbe ce qu’il fait, et il sait très bien qu’il finira par en payer l’addition un jour ou l’autre, mais il est à bout de patience, et la victime parfaite vient de se présenter. Il se demande d’ailleurs pourquoi la chance semble tant lui sourire à elle, qui est pourtant si détestable. Avait-elle été complètement différente dans une autre vie pour que celle-ci lui soit plus douce ? La balance penchera t-elle dans l’autre sens un jour ou l’autre ? Il n’en est pas bien sûr, conscient du mal ou du chaos qu’il peut semer dans ce monde. Lyssandre Wayne ne sera jamais un garçon sage, et ce qu’importe le nombre de vies qu’il vivra. Il se dit alors, que foutu pour foutu, autant faire quelque chose qui lui apporte un tant soit peu de plaisir. Parce qu’il imagine déjà la brune s’offusquer quand elle prendra conscience de sa présence à l’une des places passagers, parce qu’il la voit déjà bouillir à l’intérieur d’elle-même, s’efforçant de rester digne malgré la furieuse envie qu’elle aura de l’étrangler. Il risque de se faire malmener Lyssandre, il le sait, il s’en fiche. Lorsque la seconde portière s’ouvre enfin lui termine tout juste de boucler sa ceinture. Il se redresse alors, garde les yeux rivés sur la jeune femme pour ne rien manquer du spectacle. Les secondes nécessaires pour qu’elle réalise sont comme la montée d’un grand huit. L’excitation est là, une pointe d’appréhension aussi, guettant le moment où la descente va enfin s’initier. Les regards se croisent enfin, initiant la chute. La réaction est telle qu’il l’attendait. Il voit la surprise dans ses yeux, mais aussi ce qui pourrait s’apparenter à une forme de dégoût. Trop surprise pour prononcer le moindre mot, le contact démarre, et à cet instant, Lyssandre commence véritablement à savourer sa victoire. « Je ne pensais pas que tu connaissais ce mot. » Elle n’a pas vraiment l’air d’être une adepte de l’humour la bostonienne, et si Lyssandre est certain d’une chose, c’est que ce n’est pas la situation actuelle qui la fera rire. D'un regard croisé via le rétroviseur, il fait comprendre au chauffeur que tout est bon et qu'il n'est pas nécessaire de s'arrêter, qu'il peut continuer son chemin. " C'est le nôtre maintenant. " Annonce t-il calmement, comme si elle et lui pouvait vraiment partager quelque chose.

Si d’autres auraient trouvé la blague plutôt sympa et bon enfant - parce que avouons le ça pourrait être pire - il sait que ça n’allait pas être le cas de la brune. Elle l’a beaucoup trop en horreur pour que cela la fasse ne serait-ce que sourire. Au contraire, ça allait sûrement la tendre tout le trajet et Lyssandre allait certainement passer l’une des pires courses de sa vie, mais c’était le prix à payer pour rentrer chez lui, ce qui, chaque minute qui passait, devenait de plus en plus acceptable. Il répond donc instantanément à la jeune femme, lui faisant comprendre qu’il ne bougerait pas de là, qu’il était totalement sérieux dans sa démarche, et que même si elle riait - ce qu’il doutait qu’elle soit capable de faire - il ne descendrait pas de ce taxi. Sa ceinture bouclée depuis plus longtemps que celle de la brune, il se permet d’ailleurs de donner des indications au chauffeur, espérant que celui-ci ne s’arrête pas, qu’il ne commence pas à poser de question ou s’inquiéter que la jeune femme soit importunée ou en danger. Parce que si quelqu’un devait s’inquiéter d’être violenté dans cette histoire, c’était bien lui. Il est certain que sans témoin, elle aurait déjà essayé de le mettre dehors par la force, voir l’aurait assassiné avant de jeter son cadavre sur le bord de la route. Mais pour le moment, elle semble contenir toute la rage que Lyssandre lui inspire dans son regard, comme si elle essayait de le tuer au moyen de celui-ci. Une technique vaine, mais qui en dit long sur l’estime de l’élitiste envers le dudley. « Mes excuses votre altesse, je suppose que ma missive vous informant de ce changement de plan s’est perdue en chemin. » Il ironise, se moque, parce qu’il ne s’est jamais soucié de savoir si elle approuverait ou non, et que quand bien même il lui aurait demandé et qu’elle aurait dit non, il n’en aurait fait qu’à sa tête. « Mais fais pas chier Wendy, je suis sûr que tu peux supporter d’être mêlée à la plèbe pendant quelques minutes. Au pire, deux bonnes douches quand tu rentreras pour enlever l’odeur et oublier que tu as respiré le même air que moi, et tu verras, ça ira mieux. »

Il le sait que Wendy et lui viennent de deux mondes différents, deux mondes que la brune n’aimait pas voir se côtoyer, alors que lui, ne comprend pas vraiment ce qui les différencie. Elle a tout eu depuis son plus jeune âge, contrairement au Wayne, mais leur ambition était la même non ? Après tout, lui aussi avait de grands rêves, des projets pour lesquels il se donnait corps et âme et qui un jour, finiraient par voir le jour, faisant sa fierté; mais surtout celle de ses proches. Elle n’en à pas conscience la Witter, ou alors refuse de l’admettre, mais le Wayne, il est simplement celle qu’elle aurait pu être si elle avait vu le jour ailleurs, dans une famille plus proche que celle que Lyssandre connaît. Il en rajoute donc des caisses lorsqu’il s’adresse à elle, essayant de lui montrer à quel point tout ceci est ridicule, même s’il sait qu’elle ne l’entendra pas de cette oreille. Ou ne l'entendra pas tout court. Il avait envisagé qu’elle puisse l’ignorer, d’un bout à l’autre du trajet, ce qui aurait rendu le voyage bien moins amusant, il faut bien l’avouer. Parce qu’il voit bien qu’elle prend sur elle, qu’elle se contient, et ça, Lyssandre ça l’amuse.

Seulement, il oublie les limites, celles à ne pas franchir s’il ne veut pas que le karma s’occupe de son cas plus tard, celles qu’il ne veut toujours pas apprendre. Si jusqu’à maintenant, la brune était restée plutôt silencieuse face à ses provocations, elle s’exprime enfin, lui rappelant que qu’importe leur différent, il n’avait pas à lui parler sur ce ton. « Le fils de Bruce Wayne. » Il affiche un sourire moqueur, fier de sa blague, bien que si ce fût vraiment le cas, cette discussion n’aurait jamais vu le jour. « Tu sais, ça me fait plaisir de l’entendre. » Cette fois, son sourire s’adoucit, se fait plus sincère. Il aura au moins réussi ça aujourd’hui. Visiblement peu satisfaite du comportement du Wayne, elle lui ordonne de tenir ses distances, de se rapprocher au maximum de la fenêtre. Un ordre qui le fait rire Lyssandre. Comme si il y avait la moindre chance qu’il l’écoute. « Finalement, je retire ce que j’ai dis. L’humour tu connais. » Pas sur qu’elle le prenne comme un compliment, mais puisque d’aucun ne consentirait à faire ce que l’autre demande autant rire de la situation.

Il a beau plaisanter sur ses origines, sur une hypothétique filiation entre lui et l’homme chauve-souris, il sait qu’il ne partage rien avec le héros si ce n’est qu’un nom. Pas même son sens de la justice. Non pas qu’il cautionne ou encourage le crime Lyssandre, mais il avait sa propre vision des choses pour se rendre justice, qui le rapprochait un peu plus d’un super-vilain que d’un super-héro. Mais la blague est facile, et compréhensible par tous à condition qu’on connaisse son propre nom, ce qui est le cas de Wendy, il le sait. Parce qu’elle est de celles qui s’attachent à ces détails, de celles qui se demandent à quel héritage les gens peuvent être liés, de celles qui ne se mélangent normalement pas avec ceux qui n’ont pas le même compte en banque qu’elle, et ça, il l’avait bien compris quand elle a réalisée la brune, que l’étudiant et elle ne partageaient rien sur le plan matériel et financier.  Néanmoins, il n’envie rien Lyssandre. Il n’a peut-être pas eut la chance de faire le tour du monde, de vivre dans une villa de luxe, mais il a eu de l’amour, du soutien, de l’entraide et un foyer aimant à chaque instant de sa vie, et cela, il ne l’échangerait pour rien au monde. Un débat dans lequel il n’entrera pas avec la bostonienne, car il est persuadé que tant de niaiserie la poussait à lui vomir sur les pompes.

Les yeux posés sur la jeune femme, il rêverait d’aller plus loin, de se rapprocher d’elle pour la faire bouillonner encore un peu plus à l’intérieure d’elle-même, de profiter qu’elle n’ait pas de solution pour fuir pour pousser encore un peu plus la provocation, mais quand elle annonce qu’elle pourrait porter plainte s’il venait à l’effleurer, il la croit sur parole. Ca serait bien son genre de hurler faussement, peut-être d’utiliser quelques larmes de crocodiles pour se faire passer pour une victime, prendre le chauffeur pour témoin, et détruire la vie du Wayne. Il ne s’aventurera donc pas dans cette voie, pose le coude sur le rebord de la vitre pour poser son menton sur sa main en grommelant. « Ouais, finalement t’es bien une grognasse quoi. » Il est déçu le Wayne, et un peu boudeur, tel un gamin à qui on venait de retirer un jouet. Le regard qui se perd à regarder le paysage défiler par la fenêtre, il se tourne vers Wendy quand celle-ci l’interroge. « J’ai l’air de revenir de quelque part ? » Interroge t-il en retour. Il est habillé très simplement, et n’a aucun bagage avec lui. On pourrait difficilement imaginer qu’il soit parti ou que ce soit dans ces conditions. « J’ai accompagné une amie qui prenait un vol pour L.A. Mais elle venait de Paris si tu veux tout savoir. » Il se remémore ses souvenirs de la capitale française. Revoir son amie lui donnait envie d’y retourner passer des vacances, mais il n’avait pas idée de quand cela serait possible. « Et toi ? » Ajoute t-il par politesse plus que par réelle curiosité