Moi, City Center, moto. Je viens à peine de me garer devant l'immeuble de Priam, comme convenu un peu plus tôt sur meets. La situation devrait me faire trembler, hurler de rage, quitter cette carapace de contrôle freak qui m'habille chaque jour de la semaine sans exception... mais non. Aucune peur d'aucune sorte, aucun tremblement, aucune colère... mon cerveau décortique les informations précédemment lues dans ce foutu dossier que je protège de la pluie tant bien que mal. Ma propre folie a poussé le vice jusqu'à me donner envie de prendre ma moto, alors qu'il pleut comme vache qui pisse et que je suis trempé jusqu'aux os. Tant pis. Tant mieux ! Je m'étonne à ressentir au moins quelque chose, dans la seconde, bien que ce ne soit que du froid. Antivol ultra sophistiqué mis en place sur ma Kawa chérie et je déboule côté porte du hall d'immeuble... je sais que mon pote m'attend. Je sais qu'il fera tout ce qu'il peut pour me seconder dans cette entreprise plus laide à chaque seconde qui passe... aussi, je sonne. Priam c'est Bo ! Ouvre-moi avant que je me transforme en torrent ambulant ! Là encore, ma voix est presque enjouée. Presque. Si je ne redoute pas la suite des évènements... ils ne m'enchantent pas pour autant et ce n'est qu'un masque supplémentaire pour éviter de ressentir ce que je devrais ressentir.

Je suis posé tranquillement chez moi, j'attends l'arrivée de Bo. Cela fait quelques jours que j'ai eu ce putain de problème avec les flics. J'ai l'impression qu'avec le temps je suis de moins en moins sur mes gardes et de plus en plus visible. Sauf que cette fois-ci, ils n'avaient réellement aucune preuve. J'attendais Bo de pied ferme, limite derrière ma porte à taper du pied. Lorsque j'entends une moto en bas de ma rue, je me doute que ce soit bien lui. Quand il monte, j'ai l'impression de l'entendre grimper les marches trois par trois. Une fois devant ma porte je lui ouvre, après l'avoir entendu prononcer son prénom. Je le scrute dans l'entrée de la porte, un bras posé sur la plainte, complètement torse nu et en short oversize. Salut mec, comment tu vas ? Super bonne idée de prendre ta moto avec ce temps. Je me tourne en même temps que je prononce ces quelques mots, avec Bo on a toujours été comme chiens et chats. Je ne lui prête même pas attention, histoire de lui faire comprendre qu'il est chez lui et qu'il fait ce qu'il veut. Tu peux te servir ce que tu veux, j'ai des bières dans la cuisine et si t'as fais il me reste de la pizza. Bref fais comme chez toi. Je m'installe dans la cuisine, suivi de près par Bo, je m'installe sur une des chaises hautes qui trône autour de la table à manger de la cuisine. 
Alors gros, pourquoi en ce moment les flics sont aussi déterminés dans cette ville ? Quand je suis arrivé c'était une ville calme et sans aucun flic chiant, et maintenant ils arrêtent plus. 
Je parle extrêmement vite tout en le fixant droit dans les yeux, en tant qu'avocat il avait l'habitude de côtoyer ces connards, et il en entendait des vertes et des pas mûres. J'étais donc bien prêt à recevoir une réponse de sa part.

T'es au courant que tu m'as dit de faire fissa ? que je plaisante à la volée en lui offrant une accolade bien trempée comme il faut. Pas de raison que je sois le seul à me transformer en soupe ambulante, avec les fringues qui collent et les cheveux qui frisent au passage. Je peux te piquer une serviette ? J'ôte ma veste en cuir, véritable compagne de moto et sans laquelle je ne pilote pas mon engin. Invité par Priam à faire comme chez mémé, je me contente de prendre une bière dans le frigo, frappé d'une soif monumentale. J'avale plusieurs lampées cul sec, alors que mon ouïe et mon cerveau bataillent à plein régime. Mon pote ne m'a pas fait venir pour parler tricot, et si j'en doutais encore, ses propos me balancent aussitôt dans le bain. Faut dire qu'avec les bras cassés que la police a sur les bras, faut qu'elle fasse chier avec un peu de zèle pour justifier les impôts monstres qu'on paye pour les dorloter... que de la fils de puterie tout ça que je soupire, jouant de mes doigts afin de faire tournoyer le liquide dans ma bouteille de bière. Concentrer mon esprit sur autre chose que l'affaire en cours me permet justement d'y voir plus clair. Afin que j'ai tous les éléments en main : tu as fait quelque chose d'inhabituel récemment ? Tu sais bien, les balances ont la vie dure et je préfère ne négliger aucune piste potentielle. Si une info a fuité, faut la trouver, et fissa.