L’alerte sonne dans tous les services du Boston Police Departement et nous nous mettons en route immédiatement vers le TD Garden, sans avoir le temps d’assimilé ce qui vient de se passer. Les appels sont mulitples, tous plus affolants les uns que les autres, et je profite du trajet pour envoyer quelques messages à mes proches. Notamment Giulia, que je sais à present sur place. Je sors de la voiture et tente de me frayer un chemin parmi les personnes, certaines recouvertes de sang, qui courent dans la direction opposée pour quitter les lieux. Je suis à côté du stand de hot-dog, t’es ou? J’envoie le message et regarde autour de moi, essayant d’intégrer l’amplitude des dégats, alors que nous attentons encore nos instructions. La brune apparait dans mon champs de vision, je marche d’un pas rapide pour aller à sa rencontre et l’attire contre moi dés que j’en ai la possibilité, poussant un long soupire de soulagement.

Le chaos sous tes yeux. Un brouhaha angoissant perdure autour de toi, un mélange de cries, de pleurs, de gémissements. Pas habituée à ce genre de situation tu ne sais pas trop comment agir. Tu fais parti des miraculées. Avec seulement quelques égratignures sur les jambes et le visage tu ne rivalises pas avec les jambes cassées ou pire les arrêts cardiaques. Les amis avec lesquels tu es venus sont pris en charge par les pompiers, eux aussi légèrement blessés. Entre de bonnes mains t’en as profité pour t’éloigner un peu de la foule et échanger avec Austin. Tu l’attends impatiemment, il devrait arriver d’une minute à l’autre. Tu reçois son message, le lis. Le stand de hot-dog ? T’as totalement oublié où ils se trouvaient alors tu regardes dans toutes les directions jusqu’à ce que quelqu’un t’attrape le bras. Tu le reconnais très vite et t’as l’impression d’enfin respirer. « Merci d’être passé me voir. » Tu le serres contre toi un long moment avant de relever la tête pour le regarder. « Je comprends pas ce qu’il s’est passé, le sol a tremblé et tout le monde a couru d’un coup, on m’a bousculé et je suis tombée… » La panique se lit dans ta voix pendant que tu tires un récit désarticulée. Tout se mélange dans ta tête.

Je ne devrais pas la serrer dans mes bras en uniforme. Mon arme est à sa portée avec ses bras autour de ma taille mais le protocole est la dernière chose dont je me soucie dans l’immédiat. Tout en gardant Giulia contre moi, j’observe la scène sur laquelle je viens tout juste d’arriver. Un nuage de fumée se dégage du bâtiment, des personnes courent, crient, les pompiers semblent débordés. On se penserait en zone de guerre. J’écoute Giulia parler et m’écarte, son menton pincé doucement entre le pouce et l’index pour tourner sa tête de gauche à droite et m’assurer que ses plaies ne sont pas plus profondes qu’elle ne le pense. Sur le coup de l’adrénaline, elle pourrait tout aussi bien faire une hémorragie interne sans même le réaliser. T’es en sécurité maintenant. J’essaye de me montrer rassurant et aussi calme que possible face à ses paroles sacadées. Comment tu te sens? Physiquement. Je précise, car je n’ose imagine le traumatisme mental que l’évenement laissera sur elle et toutes les personnes concernées. T’as déjà vu un médecin? Malheureusement, je sais qu’elle ne doit pas être leur priorité à côté des victimes dans un état bien plus critique mais j’aimerais être certain qu’on ne laisse rien au hasard dans ce tri furtif des blessés. Je vais pas pouvoir rester longtemps, on doit sécuriser la zone et aider à évacuer. Car dans cette marée humaine, beaucoup sont simplement à la recherche de leurs proches ou pensent pouvoir aider les autorités en se ruant à nouveau à l’intérieur, alors qu’ils ne vont faire que nous ralentir et se mettre en danger.

Il te tire contre lui et tu peux enfin souffler. Tu savais pas que t’étais en apnée depuis tout ce temps. Depuis que t’as réussi à quitter la salle, et que tu t’es retrouvée effarée devant les gens qui courent, hurlent, pleurent. Trop d’informations auxquelles t’es rarement confrontée, t’es rarement confrontée au ko et c’est très impressionnant. Alors la présence d’Austin te fait le plus grand bien. Tu t’appuies doucement contre son torse, les yeux fermés, juste le temps de t’évader l’espace d’un instant, avant de lui raconter ce que t’as vécu. En même temps il t’examine, tu te laisses faire sagement. « Ça va, j’ai rien de cassé, juste quelques égratignures. Les médecins ne m’ont pas encore prise en charge, il y a beaucoup trop de monde. » T’es bien loin d’être leur priorité en ce moment. Tu repenses à cet homme que t’as vu au sol en sortant, la jambe coincée sous un bloc de béton, peut-être qu’il l’a perdu, son cas est forcément plus grave que le tien. Tu l’aggripes doucement par le bras, t’as pas envie qu’il parte, pas tout de suite, pas quand t’es aussi choquée par ce qu’il vient de se passer. « Reste avec moi, s’il te plait Austin. » Tu sais bien que ta demande n’aboutira pas, il doit faire son boulot et tu ne peux pas priver les blessés et les victimes d’une aide supplémentaire.

Pour l’instant, nous n’avons que très peu d’informations. La seule chose certaine est que le toit du TD Garden s’est écroulé en plein concert, alors que des milliers de personnes se trouvaient à l’intérieur. La cause est inconnue et n’a que peu d’importance dans l'immédiat, notre priorité étant de sécuriser la zone et transférer les blessés dans les hôpitaux les plus proches. Je m’autorise un soupir de soulagement après une brève analyse des blessures de Giulia, bien que je ne sois pas médecin. Je ne veux pas sauter à une conclusion hâtive mais il est inutile de penser au pire, lorsqu’il est déjà en train de se produire pour des centaines d'autres personnes. Ok. Oui t’as raison… Mais si tu commences à avoir mal quelque part, promets moi de demander à voir un médecin ? Un urgentiste, un ambulancier, toute personne un tant soit peu qualifiée. Juste quelqu’un pour confirmer qu’elle ne subit que le contre-coup, car son corps va forcément réagir au trauma et lui faire payer, même si ce n’est que des douleurs musculaires. Je hoche doucement la tête lorsqu’elle me demande de rester avec elle, même si Giulia doit savoir aussi bien que moi que ce n’est que pour quelques minutes. Le boulot nous attend et on en a pour la nuit, si ce n’est pour des jours. T’es venue seule ? Personne ne va pouvoir approcher la zone. Autrement dit, si elle a un endroit ou une personne avec qui se réfugier, il va falloir qu’elle s’y rende par ses propres moyens car la dernière chose dont les autorités ont besoin est d’avoir des centaines de personnes qui bloquent les rues et cherchent à s’approcher du drame. Le but est d’évacuer, de libérer les routes aux ambulances et non d’ajouter du monde. Bloquer l’accès va sûrement représenter le plus gros de notre travail pour l’instant. Tu m’as fait peur. J’avoue, une boule au ventre à imaginer ce qu’elle - et tant d’autres - viennent de vivre. Ne me reste qu’à espérer, prier, pour que mes proches soient tous en sécurité car je n’ai eu aucun retour d'eux pour l'instant.