jeudi trois novembre, dans la nuit La jeune fille ne semblait pas vouloir lâcher l'affaire. Pourtant le fait de me retourner, de lui tourner complètement le dos, ça voulait bien dire ce que ça voulait dire. Je ne veux pas en parler, point. Mais lorsque je la sentis grimper sur moi, je ne pus m'empêcher de sourire. Une vraie enfant. Me mettant sur le dos, je la regardais, sur moi. Amoureusement. Oui, malgré tout, je suis fou d'elle. Tu sais que comme ça, c'est compliqué d'avoir une conversation sérieuse ? Je lui pris son visage dans les mains pour venir l'embrasser. Non, je n'étais pas fâché. Elle veut juste savoir, et au fond, je la comprend. Je veux aussi tout savoir sur elle, sur son passé, son vécu. Puis je la mis sur le côté, parce que oui, elle à califourchon sur moi, il m'était impossible de parler de ça. Mon regard au plafond, ma main dans la sienne, je me mis à parler. Y a pas grand chose à dire. J'étais jeune, on les a tué en voulant leur voler un truc ... je crois. Tout en fronçant les sourcils, je tentais de me souvenir. Et c'était ça le plus dur : perdre les souvenirs avec le temps. Je ne savais même plus si mes souvenirs d'eux étaient les bons ou pas. Tu sais c'est quoi le plus dur ? Continuais-je tout en commençant à avoir la voix qui tremble, les yeux embués de larmes. C'était la première fois que j'en parlais. Et surement la dernière aussi. Ne plus être sûr de mes souvenirs ... les oublier, petit à petit. C'était bien la première fois que je pleurais, et en la compagnie de quelqu'un. Et je détestais cette sensation.



@Marnie Featherington

jeudi trois novembre, dans la nuit j'avais laissé quelques semaines passer avant de remettre le sujet de son passé sur le tapis. la dernière discussion à ce propos, avec mes parents, avaient été chaotique. je voulais comprendre, savoir ce qu'il s'était passé. qu'il me parle de son passé, de ses souvenirs, de lui finalement. ce qu'il évitait de faire de manière générale. j'étais pas étonnée qu'il se braque dans un premier temps. la seule solution était de revenir vers lui, lui montrer que je n'étais pas là pour le juger ou le piétiner mais au contraire, qu'il pourrait avoir mon soutien et mon réconfort. j'étais contente qu'il ne me repousse pas une seconde fois et qu'il comprenne ma démarche. sa remarque me fit sourire. je me laissait embrasser, et me ré-installait à côté de lui, main dans la sienne. alors que je l'écoutait, mes doigts s'entremêlaient aux siens et je me mettais sur le côté, face à lui. je le regardait fixer le plafond, ses yeux qui se mettait à briller et sa voix qui devenait plus fébrile m'indiquait son état d'esprit assez rapidement. c'était dur de trouver les bons mots. qu'est-ce que je pouvais répondre à ça? moi qui était encore entourée de presque toute ma famille. de ma main libre, je venais essuyer ses larmes avec mon pouce sans rien dire et en le laissant terminer. tu pourras jamais les oublier. ils seront toujours là et je me mis à pointer du doigt son coeur, sa tête et faire un grand geste pour désigner l'espace. ce que j'insinuais, c'est qu'ils étaient là, tout le temps, partout. toujours avec lui. c'est ça des parents non? physiquement loin mais psychiquement près. j'essayais de trouver des mots rassurants même si ce n'était pas simple. peut-être que ce que je lui disais ne l'aidais pas, mais je faisais mon possible. parle moi de ce dont tu te souviens dis-je avec tendresse. comment tu en parlerais à... ? comment le désigner? aucune idée. je posais sa main que je tenais sur mon ventre. peut-être que c'était plus facile de s'adresser à son enfant plutôt qu'à moi. je tentais, après tout, je n'avais rien à perdre.


@Wilby Tremblay

jeudi trois novembre, dans la nuit Je n'avais pas reparlé de mes parents depuis longtemps. Trop longtemps. Et ça ne devait pas aider pour conserver les souvenirs. J'avais peur de les oublier evidemment ou alors que mes souvenirs s'erronnent. Que je m'invente un passé avec eux. Que j'enjolive tout cela, juste pour avoir de beaux souvenirs. Alors je ne savais pas trop quoi dire à Marnie, sur eux. Ou alors je ne savais tout simplement pas par quoi commencer. C'est du vent tout ça... Non je n'y croyais pas à tous ces trucs. Mais je tentais de lui sourire, juste pour lui montrer que j'appréciais son geste, ses paroles et sa façon de me faire sentir mieux. Je me souviens de la plus belle maman, toute souriante, qui adorait jouer avec moi. Du papa le plus classe de la ville, toujours bien habillé, un peu plus sérieux, mais qui aimait les câlins, et que je lui fasse des bisous. Ils s'aimaient, ça se voyait dans leurs regards, leurs gestuels, et leur façon d'être avec moi... Mon regard toujours planté au plafond, je n'osais pas affronter son regard. Alors je continuais à déblaterer mes souvenirs. On habitait dans une petite maison, ma mère avait des plantes partout... et mon père, lui, c'était des outils. Et moi je les embêtais avec mes voitures... et jouets en tout genre. J'avais aussi un doudou ... Perdu dans les différentes familles d'accueil que j'ai pu faire. C'est bête, mais j'aurais aimé l'avoir. Parce qu'il avait une histoire.



@Marnie Featherington

jeudi trois novembre, dans la nuit qu'est ce que je me sentais bête à côté de lui en l'écoutant. moi qui avait eu la vie parfaite jusqu'ici. une enfance dorée, choyée, entourée de sa famille. et lui à côté de ça, il avait vécu ce que n'importe quel enfant redoute: perdre ses parents. comme une imbécile, j'avais trainé wilby devant ma famille parfaite. je le comprenais maintenant. j'avais un pincement au coeur, à mon tour, les larmes remplissaient mes yeux. c'était dur d'encaisser que la personne que j'aimais avait pu vivre tout ça. j'aurais aimé que ses parents soient toujours là, qu'il ait grandit avec cette mère fan de plantes et ce père fan d'outils. mais tu m'as moi maintenant, à la place de ton doudou.. pas très pertinent comme phrase mais je trouvais que je me substituais plutôt bien dans ce rôle. ils s'appelaient comment? dis-je en posant une jambe sur lui.

@Wilby Tremblay

jeudi trois novembre, dans la nuit Qu'est ce que je pouvais bien lui dire ? Je me posais la question, mais une fois que j'avais commence a lui raconter, ca venait tout seul. Les souvenirs de mes parents, de notre maison, de mon enfance. Ca me paraissait d'un coup etre hier et en meme temps, une autre vie. Une sensation etrange. Ouais mais toi tu parles et poses trop de questions... Mon regard devia sur elle, avec un petit sourire taquineur sur le visage. Et un poil chiante... Puis je vins l'emrasser pour lui montrer que je rigolais. Caïn et Milena. Il faut croire que les prenoms originaux sont de famille... Ca me fait penser : tu as deja des idees pour le prenom de bebe ? Demandais-je tout en caressant la jambe que ma belle avait pose sur moi.


@Marnie Featherington

jeudi trois novembre, dans la nuit allongée à l'écouter parler, je pourrais rester là des heures sans me lasser. alors qu'il me taquine, je lui renvoie une petite tape sur le bras, un sourire aux lèvres qui se mélange aux siennes lorsqu'il vient m'embrasser. il a pas tord, je parle et pose beaucoup de questions, en plus d'être chiante.. de temps à autre. je hoche la tête aux prénoms de ses parents. aussi original que le prénom de mes parents. à croire qu'on faisait la paire. tu sais que jusqu'à ce que je sache que j'étais enceinte, j'avais des idées de prénoms pour mes futurs enfants et depuis... plus d'idée fixe, tout est incertain et renforcé par la surprise de cette grossesse. peut être... julian? lucas? maya? victoria? dis-je tout en continuant de réfléchir. en fait j'avais pleins d'idées et pas d'idée en même temps. c'était déjà compliqué pour moi de me projeter sans savoir le sexe. t'as des idées toi? peut être serait-il plus inspiré que moi.

@Wilby Tremblay

jeudi trois novembre, dans la nuit Nous étions tous les deux allongés au lit, à parler, ou plutôt se confier. J'avais plus ou moins réussi à changer de sujet. Celui  de mes parents. Pas à pas. Je ne voulais pas en parler toute la soirée non plus. Je préférais parler du futur, de ce bébé, plutôt que de ce passé douloureux. Je préférais l'espoir à la douleur. On peut aussi tout simplement attendre de savoir le sexe... on pourra comme ça se focaliser sur un seul genre. La moitié du travail en moins déjà. Mais je l'écoutais me proposer quelques prénoms, je souris avant de répondre. J'aime beaucoup Lucas et Maya. Puis ce fut à mon tour de lui proposer des prénoms. Chose à laquelle je n'avais jamais réfléchi jusque là, comparé à elle. Ne pensant pas avoir des enfants un jour. J'aime Nathaniel et ses dérivés. Et Alma ou Athena. Et avec le livre de grossesse que j'avais acheté, j'avais aussi pris un livre des prénoms, pour m'aider à choisir. D'où ces petites idées qui me trottaient dans la tête.


@Marnie Featherington

jeudi trois novembre, dans la nuit la nuit est souvent propice à la discussion. comme si, la noirceur extérieure venait apaiser nos angoisses et nous permettre de nous livrer. une discussion sur l'oreiller durant laquelle wilby se confiait. c'était rare et ce moment était précieux pour moi car cela me faisait sentir encore plus proche de lui. t'as pensé à des prénoms toute ta vie ou quoi ? je le taquinais parce qu'évidement je savais que la réponse était non. et imagine un truc je me releve un peu pour le surplomber, tirant la couverture sur moi. si c'était des jumeaux ? genre là deux d'un coup ! oui on avait fait une première échographie et il y avait bien qu'un seul coeur qu'on avait entendu, je me laissais un peu emporter dans mes idées folles mais je revenais vite à la réalité. heureusement que c'est pas le cas, j'aurais du gérer trois bébés.. petit rire qui s'échappe de mes lèvres avant de me laisser tomber doucement sur lui pour l'enlacer.


@Wilby Tremblay

jeudi trois novembre, dans la nuit Les nuits me paraissaient longues. Nous ne discutions pas toutes les nuits. On sait bien que nous sommes tous les deux éveillés, mais on attend que le temps passe, ou que le sommeil arrive. Serrés l'un contre l'autre, on profite de ces moments calmes. Mais cette nuit me plaisait plutôt bien, à discuter avec elle. Même si j'avais eu du mal à me confier aux premiers abords. Mais elle savait comment j'étais et que je n'allais pas me confier aussi vite. Peut-être bien. Répondis-je en riant, car elle savait que ce n'était pas vrai. Mes yeux s'ouvrirent grand lorsque je l'entendis parler de jumeaux. Impossible. Oui avec l'échographie que nous avions eu, je savais que ce n'était pas possible. Mais surtout, c'était tout simplement impossible à concevoir pour moi. Déjà un bébé c'était suffisant. Deux d'un coup... elle veut me tuer ou quoi ? Je veux bien être ton bébé, moi. Je la pris dans mes bras, l'enlaçais et la serrais bien contre moi. Profitant de ce doux moment. Il faut l'avouer : ils sont rares entre nous deux. Alors profitons, avant notre prochaine crise. L'avoir ainsi dans mes bras me faisait du bien, j'en fermais les yeux, pour en profiter davantage. Je t'aime tellement Marnie. Et c'était clairement mon coeur qui parlait à ce moment-là.


@Marnie Featherington

jeudi trois novembre, dans la nuit rares sont les nuits où les discussions sur l'oreiller s'installent. tous les deux plus du genre à se murer dans le silence et garder nos angoisses secrètes. une fois sur deux, j'ai du mal à contenir les miennes et ça fini mal. la respiration qui devient difficile, le coeur qui s'accélère, le corps qui tremble et les larmes qui coulent. et quand ça m'prends, il est le seul qui réussit à me contenir, à me calmer. ça prends du temps, c'est épuisant, mais ça finit par passer avec lui. cette nuit, je me sentais bien et plutôt sereine. certainement parce qu'on avait parlé et que mes idées avaient divaguées vers de belles images. se marier, avoir un bébé. c'était de belles choses finalement. il serait mon étreinte dans ses bras. sa voix me berçait, son je t'aime m'apaisait. je t'aime chuchotais-je en sentant que la fatigue me tombait dessus. mes paupières devenaient lourdes et mes yeux se fermaient. je m'autorisais enfin, inconsciemment, a lâcher prise et à m'endormir.

fin

@Wilby Tremblay