Le soleil brillait sur Cambridge.Une belle journée de printemps comme on les aime.C'est sans doute ce qui les avait motivé à improviser un petit picnic au lac.Cela lui faisait évidemment plaisir qu'Evy l'ait convié à partager un tel moment de complicité mère/fille. Comment pouvait-elle refuser un tel moment en compagnie d'une de ses meilleures amies et de sa filleule adorée ? C'était la famille ! C'était incroyable à quel point elle s'était attachée à cette petite tête aussi rapidement. Au point de devenir complètement fan de sa filleule,c'est vrai. Maintenant qu'elles étaient toutes les trois réunies à Harvard, il ne faisait aucun doute qu'elles allaient en profiter pour passer plus de moment ensemble.Bien sûr,elle admirait aussi le courage d'Evy.Mais à sa place, elle n'était pas certaine de faire le même choix mais elle respectait.Depuis le jour où son amie lui avait annoncé qu'elle était enceinte, elle lui avait promis qu'elle pourrait toujours compter sur elle,qu'elle serait toujours là pour le meilleur comme pour le pire. En espérant que seulement le meilleur soit devant elles. Aujourd'hui, le mot d'ordre du jour,c'était donc « no worry , be happy ». Elles s'étaient donc données rendez-vous devant le campus , où la jolie blonde était venue la chercher en voiture. Juste le temps de couvrir de bisous sa filleule (et d'en faire de même avec la mère) et les voilà prêtes pour partir dans un mini road-trip direction le lac pour une journée entre filles. «T'es sûre qu'on a rien oublié ? On aura assez de nourriture ? Non parce que je te préviens, j'ai super faim»

« Et si je te dis que maman a fini de préparer tous les sandwiches et que l’on va enfin pouvoir rejoindre Eliah ? » Un sourire somptueux s’affiche presque instantanément sur les lèvres de Molly. Elle se trouve dans cet âge où elle comprend bien plus qu’on ne le pense, et elle ne manque pas de le faire remarquer avec son petit cri de joie. Molly adore Eliah et il n’y qu’à les regarder toutes les deux pour voir que c’est réciproque. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai invité Eliah à se joindre à nous, pour une petite virée autour du lac. Je ferme la glacière contenant bien trop de nourriture à mon goût et je m’empare du petit chapeau de Molly afin de le lui mettre. Elle est somptueuse dans cette jolie petite robe bleue ciel. Cela permet de mettre en avant les grands yeux bleus en amande qu’elle tient de son père. J’aurai aimé avoir les mêmes, mais la nature en a voulu autrement. Je prends d’une main la glacière, et je porte de l’autre Molly contre ma poitrine pour la porter jusqu’à la voiture que nous prenons pour aller chercher Eliah. Le chemin est plutôt rapide, le paysage défile et bientôt les bâtiments du campus sont visibles par la fenêtre. Il ne me faut que quelques secondes pour repérer Eliah qui nous attend. Je gare la voiture et descends du véhicule. C’est pourtant vers Molly qu’Eliah se précipite en premier, et c’est un plaisir de la voir si proche de ma fille. Je ne laisse que peu de gens entrer dans la vie de la prunelle de mes yeux, mais je sais qu’auprès d’Eliah, elle est en sécurité et entre de bonnes mains. Je souris à la question d’Eliah et réponds sans tarder. « Oui, j’ai fait plus de sandwich que tu ne pourras en manger, rassure toi ! Je me demande comment tu peux rester si fine en mangeant autant ! Ah les mystères de la nature. » Je me glisse au volant, et rapidement nous nous mettons en route, direction le lac. Je regarde Eliah du coin de l’œil, elle a l’air en forme. « Alors, dis-moi, cet air radieux, c’est juste pour nous, ou bien tu as de jolies nouvelles à me raconter… »

Là voilà rassurée ! Evelyn avait tout prévu question sandwich. Quelle bonne maman prévoyante ! Surtout, elle connaissait bien l'appétit insatiable d'Eliah. Ça, c'était être une bonne amie ! Cela fît évidemment rire Eliah quand Evy demanda comment elle faisait pour garder la ligne malgré sa gourmandise. Comment ? Bonne question à laquelle elle n'avait pas vraiment la réponse.Parce que question sport, elle n'était pas vraiment une grande pratiquante. Mais bon, la blondinette n'avait rien à envier à la Dunster non plus .Ce qu'elle ne manqua pas de lui faire remarquer , gardant sur ses lèvres ce petit sourire amusé « Dit celle qui a perdu tous ses kilos de grossesse comme par magie. Toutes les mères rêveraient de retrouver un corps de rêve comme le tien.» Bref, direction le lac. Quand son amie lui demanda d'où lui venait son air radieux, si cela était juste pour elles ou alors elle avait de jolies nouvelles à lui raconter,elle fit mine de réfléchir , voire feindre la surprise dans un premier temps « Moi radieuse ? Tu trouves ? » lui demanda-t-elle avant de se tourner vers Molly qui se trouvait installée sur la banquette arrière de la voiture « Molly,j'ai l'air radieuse ? » Le petit cri qui émana de la bouche de l'enfant la fît rire. On va dire que ça devait vouloir dire oui dans le langage bébé !Son regard se porta à nouveau sur Evy : « C'est juste pour vous mes amours ! Je suis juste contente de passer cette journée avec vous. » De toutes les façons, elle n'avait jamais été du genre à pleurer sur son sort, à se laisser aller à la déprime. Surtout quand il n'y avait pas de raison de l'être. Même si il y avait une raison, ce n'était pas son genre. Toutes les deux partageaient cette même force de caractère. Les épreuves qu'elles avaient vécu , à quelques années d'intervalle, les avaient rendu plus fortes aujourd'hui. Il est vrai que ces quelques jours passés au soleil avaient participé à créer les conditions de son air souriant du moment. Reine de la curiosité number one, il fallait s'attendre évidemment à ce qu'elle lui retourne la question. « On parle de moi mais toi aussi, je suis sûre que t'as de jolies nouvelles à nous raconter. Même si elles sont pas jolies, avec Molly, on veut TOUT savoir.»

Je ris à sa remarque, il n’y a nul doute que j’avais perdu mes kilos de grossesse en quelques semaines à peine et heureusement, car je n’aurai pu m’occuper d’une enfant si je n’avais pu voir mes pieds. « Oh je n’ai aucun mérite. L’allaitement fait des miracles. Et puis, s’occuper d’un enfant seule c’est forcément être tout le temps occupé, alors quand on n’a pas le temps de manger, ça donne ça. Tu vois, toutes ces mères célibataires devraient cesser de se plaindre, ça a des avantages. » Dis-je en plaisantant. Bien entendu, je souhaitais pour tous les enfants du monde, un couple de parents amoureux et heureux mais malheureusement, les choses ne se passent pas toujours ainsi. J’en suis la preuve vivante et dans le fond, il vaut mieux continuer de voir le bon côté des choses plutôt que de s’apitoyer sur son sort.
La voiture démarre et le campus disparaît de notre champ de vision. Le paysage défile tandis qu’Eliah repousse ma question. Elle demande à Molly si elle a l’air radieuse et heureusement, ma fille me soutient. Elle lance un petit cri m’approuvant et Eliah s’avoue vaincue. Elle précise alors que c’est uniquement pour nous qu’elle possède ce si joli sourire. Je n’en doute pas une minute, si Eliah est toujours ou presque d’excellente humeur, lorsqu’elle se retrouve auprès de Molly, son sourire ne la quitte plus. Entre elles c’est vraiment fort, et c’est pour cette raison que j’ai choisi de faire d’elle la marraine. Je voulais quelqu’un qui aime Molly sans conditions, et je sais qu’Eliah l’adore. Elle n’hésiterait pas à lui changer la couche, s’en occuper lorsqu’elle est malade, ou toute chose peu agréable. Ce que beaucoup de gens refuseraient. Bien entendu, c’est sans surprise qu’Eliah me retourne la question. Elle s’allie à ma fille pour me faire parler et il est certain qu’à ce jour j’aurai des choses à dire, mais je n’ose pas vraiment. J’ai peur que cela me porte malheur… J’hésite une seconde tandis que je tourne dans un virage, nous rapprochant ainsi petit à petit du lac. « Eh bien, Molly pourrait t’expliquer qu’elle a rencontré son père pour commencer… » Dis-je doucement. Je n’arrive pas encore à savoir si c’est une bonne chose en fin de compte. Mais si ça peut détourner le sujet un temps, c’est parfait, car je ne suis pas encore prête à évoquer mon autre rencontre, celle d’un charmant brun qui n’a pas manqué de me rendre folle. Je préfère encore préserver ce petit bout de mon jardin secret même si je me doute que d’ici la fin de la journée, Eliah m’aura sorti les vers du nez. Elle fait ça si bien… « Et oui ! Calhen Mitchell est à Harvard lui aussi, qui l’aurait cru ? » Je n’ai pas réellement parlé en détail à Eliah du père de Molly, mais à présent que celui-ci revient, il me semble nécessaire de lui en parler. De un parce qu’elle pourra me conseiller sur l’attitude à adopter et de deux parce que ça touche de près sa filleule.

Les paysages défilaient et la bonne humeur continuait de régner dans la voiture entre les trois filles. Evelyn et Eliah ont toujours été un duo très complice. Alors,avec la naissance de Molly, ce duo était devenu un trio de copines et leur complicité en était ressortie sans aucun doute renforcée. La première des nouvelles concernait le père de Molly. Jamais Evy ne lui en avait parlé auparavant ou alors très brièvement. En tout cas, elle ne lui avait jamais dit qui était le père de Molly. Et par respect, jamais Eliah n'avait posé plus de questions ou relancer le sujet. C'était le choix d'Evy de ne pas en parler et elle le respecterait jusqu'au jour où elle souhaiterait lui en parler. Et apparemment, ce jour était arrivé.Mais finalement, elle aurait peut-être mieux fait de ne pas savoir ... Imaginez un peu la surprise d'apprendre que le père de la fille d'une de vos meilleures amies – et de votre filleule – est aussi un très bon ami à vous et un de vos « exs ».C'est dingue comme le monde est plus petit que l'on ne le pense. Il y a je ne sais pas combien d'hommes sur la planète , je ne sais pas combien d'hommes à Harvard mais une chose est sûre : la probabilité devait être faible. Calhen , le père de Molly ? Comme le disait si bien Evy , oui qui l'aurait cru ? Pas elle en tout cas ! Heureusement qu'elle n'était pas au volant, sinon l'accident aurait été prévisible de loin. « Molly ! Tu fais des cachoteries à marraine. Toi et moi ma petite chérie, on va avoir une conversation.Première règle : tu diras toujours tout à ta marraine. ». Regarder et s'adresser à Molly était un moyen détourné pour cacher son étonnement et prendre le temps de réaliser la nouvelle. Et surtout, réfléchir à l'attitude à adopter face à Evy. La posture diplomatique anglaise du « wait and see » fût pour le moment jugée la plus appropriée. D'un ton plus sérieux, elle s'adressa à nouveau à Evy alors que son regard se porta sur la route en face d'elles plutôt que sur la conductrice. «C'est une bonne nouvelle non ? Pourquoi je te sens ... perplexe ? ».

« Il faudrait déjà qu’elle sache parler. Enfin, maintenant elle dit ‘maman’ mais ça s’arrête là. D’ailleurs tu pourras la féliciter pour son premier mot ! » Dis-je tout haut en réponse au petit monologue d’Eliah vis-à-vis de Molly. La voiture tourne une nouvelle fois et nous nous retrouverons rapidement face à un joli lac. Je tourne à droite et poursuis sur un petit chemin fait uniquement de cailloux et de terre. Au fond de celui-ci, un parking apparaît dans mon champ de vision. En même temps que je gère la route, j’essaie de répondre à la question d’Eliah. Pourquoi suis-je perplexe ? Parce que je ne l’ai pas vu depuis deux ans. Parce que même si je m’y attendais il est partit comme un voleur, laissant derrière lui une simple lettre. Il n’a pas eu la décence d’un véritable au revoir. Alors puis je réellement lui faire confiance pour Molly ? J’espère sincèrement que oui, car maintenant c’est trop tard. Il sait et il fera sans doute tout pour que Molly s’accroche à lui. J’espère simplement qu’il ne l’a fera pas souffrir. « Je suis perplexe. Tu sais j’aurai jamais pensé qu’il reviendrait dans nos vies. Alors ça fait tout drôle. Et puis, j’ai aussi peur qu’il la blesse. Ou bien qu’il me la prenne… » Cette dernière peur est sans doute la plus importante, mais j’essaie de ne pas me laisser submerger par les émotions, car Molly les ressentirait si vite. Je gare la voiture sur une place ombragée, coupe le contact et sourit face à l’endroit magnifique. Du sable fin a été parsemé autour du lac. C’est tout simplement magnifique et le soleil est là pour rendre les choses encore plus agréables. Je me hisse hors du véhicule et détache Molly de son siège auto. Je la place immédiatement sur le sol et elle commence alors à explorer l’endroit. C’est la première fois que nous venons ici, et il y a nul doute à parier que ce ne sera pas la dernière. « Tu penses que je devrais ne pas m’inquiéter ? Et puis c’est délicat aussi… Je ne sais pas exactement ce qu’il attend… »

La réflexion d'Evy à propos de Molly la fît sourire. Vivement qu'elle sache parler alors ! Les voilà arrivées au lac. C'est vrai, un superbe endroit ensoleillé. Alors que la jolie blonde s'occupait de sa fille, Eliah se chargea de décharger les affaires de la voiture pour le picnic. Elle guettait l'endroit idéal pour s'installer , tout en prêtant attention aux paroles de son amie et jetant un œil aux faits et gestes de Molly. C'est qu'elle était dynamique cette petite. « Non, je trouve ça au contraire rassurant et normal que tu te poses toutes ces questions et que tu cherches à la protéger.C'est ta fille. » tenta-t-elle de la rassurer avant de reprendre « Mais pour Molly, je trouve ça bien qu'elle connaisse son père. Si tu l'en empêches par peur de la blesser ,elle risquerait plus tard de te le reprocher aussi.» Dans cette situation,être objective et impartiale était assez difficile mais elle s'efforçait de l'être malgré tout. Cependant, comme Evelyn ne lui en avait jamais vraiment parlé, elle ignorait pas mal de choses , comme si elle n'avait pas tous les éléments en main. Combien de temps ? Pourquoi ils s'étaient séparés ? Étaient-ils aujourd'hui en bons termes ? Etc etc ... Cependant,si elle comprenait les interrogations d'Evelyn,elle pensait bien connaître Calhen aussi.Alors,l'amie qu'elle était avait juste envie de prendre sa défense.C'est ce que tout le monde ferait non ? Et pour cela, elle ne pouvait omettre de lui dire qu'elle le connaissait. « Tu sais, je le connais un peu.» Un peu beaucoup enfait mais il valait mieux y aller progressivement « et c'est une personne en qui j'ai confiance. » lui avoua-t-elle essayant de ne pas se montrer trop excessive.Quand il s'agissait de Calhen, elle était plutôt du genre élogieuse.C'est vrai elle le reconnaissait volontiers: elle avait toujours eu tendance à l'idéaliser. Elle espérait juste qu'il ne lui donnerait pas tort. « Je peux savoir comment il a réagi ? »