Plutôt oui. Que je lance tout simplement, haussant les épaules, comme si je n’en avais rien à faire mais ce n’est pas le cas. Ce n’est même pas pour cette fille que je suis triste mais bien pour toi. Je ne t’ai jamais connu ainsi, aussi cynique et cruel sans raison réelle. Je ne comprends pas trop ce qu’il se passe et je ne sais pas si j’ai envie de savoir ce qu’il se passe, en fait. J’ai peur de ce que je pourrais trouver, de quelle blessure je pourrais faire la rencontre alors que je ne suis pas encore dans mon état non plus. L’excès de ces dernières minutes le prouvent même si je prône l’inverse. Triste réalité, chaotique discussion en devenir mais avec toi mais je crois qu’on en a besoin, qu’on peut plus tourner autour du pot. Je te suis du regard quand tu contournes le canapé et te place à côté de moi. Je dis pas ouai mais… Je ne t’ai jamais vu comme cela. Bon, pas que j’épie le moindre de tes faits et gestes mais j’ai l’impression qu’il y a un truc. Je t’ai toujours connu super respectables avec tes conquêtes, un peu trop même, si tu veux mon ami. Ou alors c’est seulement avec celles que tu manques de foutre en cloque ? Je ne sais pas trop. Je soupire doucement et plonge mes yeux dans les tiens. T’es sûr que ça va ? Le monde a tourné autour de moi ces derniers temps, il est temps qu’il se recentre, j’ai assez été le soleil, je suis prête à partager ma place.

the duo's flat. wed, sept 28th w/ @Charles L. Davies

Pourquoi j'ai cette sensation qu'en ce moment, tout est fait pour me prendre la tête? Hier soir, je pensai me réveiller au coté de mon coup d'une nuit, lui dire gentiment au revoir et me prélasser un peu sur le canapé une bonne partie de la journée. A la place, j'ai eu ta crise matinale, un au revoir compliqué et maintenant ta moral à deux dollars. Est-ce que je l'ai demandé ton avis? Nan. Est-ce que ça me fait quelque chose que tu le donnes? Oué. Je soupire, fortement il faut le reconnaitre et je tourne le visage vers le tien. Mais oué ça va. J'suis dans ma période où je sors un peu trop mais ça passera. Sauf que j'ai besoin de ça, de t'éviter un peu beaucoup et de collectionner les filles pour tenter de te faire sortir de mon esprit quand tu y zones trop. Mais je ne peux pas te le dire, parce que je ne sais même pas ce qui m'arrive. Je n'ai pas envie de lancer les alertes, de démarrer le minuteur d'une bombe qui pourrait être évitée. J'crois qu'on me bassine trop avec toi en ce moment. C'est sorti? Quel boulet je vous jure. Je serre la mâchoire avec l'espoir que ça efface ce que je viens de laisser s'échapper mais on ne peut pas ravaler les mots, on ne peut pas empêcher les oreilles de notre interlocuteur d'écouter. Mais comme pour passer à autre chose Et une amie est décédée. Une amie, un grand mot. Mais une fille que j'ai rencontré lors de mes dernières vacances et que j'ai directement adoré.

Si ça te passera alors. Je ne cherche pas plus loin parce que je n’ai pas la tête à ça et je n’ai pas envie de passer ma journée à m’énerver. Pourtant, ça serait peut-être la meilleure des solutions. Se prendre la tête, se crêper le chignon et crever l'abcès qui ne cesse de grossir ici. Depuis le décès de ma mère, j’ai l’impression que tout a changé entre nous et je ne sais plus trop sur quel pied danser. Je n’ai jamais trop cherché à comprendre mais là, ça me titille de plus en plus. Est-ce que c’est moi qui ait changé, qui n’a plus le même comportement et les mêmes attentes qu’avant ? Je ne sais pas. Un jour, peut-être, je me pencherai dessus mais pas aujourd’hui. Ou peut-être bien que si. Avec moi ? C’est quoi ce délire encore ? Qu’est-ce que j’ai fait ? Qu’est-ce que t’as dis ? J’y comprends plus rien. Et depuis quand il écoute ce que les gens disent ? Ça aussi, c’est une nouvelle qui me surprend, pas autant que la suivante. Si j’étais sur la défensive jusque là, mon corps se détend complètement et mon visage aussi, par la même occasion. Oh merde. Que je souffle doucement. Toutes mes condoléances. C’est bien ce que l’on m’a dit en boucle non ? Les condoléances n’arrangent rien mais pour certaines personnes, elles sont douces à l’oreille. Pourquoi tu ne me l’as pas dis plus tôt ? C’était qui ? Est-ce qu’elle est déjà venue à l’appartement ? L’ambiance a totalement changé et je crois presque que je préfère lorsque l’on se tire dans les pattes.

the duo's flat. wed, sept 28th w/ @Charles L. Davies

Passer ou pas, je ne peux pas l'assurer vraiment je tente de m'en rassurer. Mais je lâche un peu le pourquoi je suis comme ça, sans l'envie profonde d'aller dans les détails. Oué avec toi. Et comme je ne veux pas trop plonger dans les abîmes de ce sujet, je te confie aussi un autre secret. Ma tête bouge pour te remercier des condoléances présentées, ça me touche que ton comportement s'adoucisse, que j'obtiens ton intéressement. Elle s'appelait Temperance. Un prénom qui résonnera toujours au fond de moi. Une rencontre improbable gravée dans mon coeur, aujourd'hui en souffrance. Et même si je ressens de la tristesse en parlant d'elle, j'ai aussi les souvenirs qui reviennent et l'envie de les partager Je l'ai rencontré au Mexique. Et pour tout dire, nous nous sommes vus qu'une seule et unique fois Je prenais un petit déjeuner tranquillement et cette fille était entrain de me dessiner sur une serviette en papier. Qui est bien rangée dans ma chambre Elle est venue me la déposer, en disant des mots comme si elle lisait en moi. Comme si elle me connaissait. Et elle m'a proposé de la suivre pour la journée, pour partir un peu à l'aventure. Le jour d'aventure inoubliable. Nous étions des inconnus mais la confiance régnait. Je m'en veux car jamais je n'ai cherché à la revoir ici et je crois qu'elle le savait car à la fin de notre périple mexicain, elle m'a embrassé. Une histoire valable qu'à des milliers de kilomètres mais une relation qui a continué de compter pour moi. Elle avait une maladie. Je l'ignorai totalement jusqu'à ce qu'elle termine à l'hôpital... et qu'elle y meurt. Une réalité qui me fait soupirer. Les mains qui viennent sur mon visage pour le malaxer, reprends toi Charles.

Ils veulent tous mon numéro ? Tu peux leur donner, ça ne me gêne pas. Que je lance avec un clin d’oeil. Je suis toujours partante pour faire de nouvelles rencontres. J’ai pas trop le temps de te questionner plus sur les intentions de tes amis que tu me lâches une bombe. Ça me déstabilise carrément et je sens une boule se former dans ma gorge. Ça me rappelle ma mère, le décès et tout ce qui a suivi. La surprise, l’incompréhension, la colère. Le temps perdu qu’on pourra jamais rattraper mais aussi ton soutien. T’as posé des vacances, t’as craqué une somme sûrement colossale pour venir me soutenir avec Raphaël et c’est pas rien quand même. Putain, voilà que je me sens carrément minable parce que j’ai rien vu. J’ai préféré te pousser à bout que de te poser les bonnes questions. Toi, il faut te prendre entre quatre yeux et t’interdire de bouger avant d’avoir la réponse à toutes nos questions. Je ne ferai plus l’erreur. J’écoute ton histoire - de très courte durée - avec cette Temperance et souris légèrement. La vie nous rattrape trop vite quand on revient à nos habitudes. La moue triste, je pose ma main sur ton avant bras et l’éloigne de ton visage. T’as pu lui dire au revoir ? C’est important. Mais j’ai pas l’impression que tu ais pu le faire parce que tu dis que tu ne l’as pas revu ici. Peut-être que sur son lit d’hôpital… Et tu me fais chier Charles. Je sais que t’as été escort, tu connais mon secret avec Raph, t'es venu au Brésil quand ma mère est décédée et t’es pas capable de me parler des gens que tu rencontres ? De la peine que tu ressens quand ils décèdent ? J’ai pas le droit d’être en colère contre toi parce que tu souffres mais j’ai vraiment envie de te coller au mur et de te crier dessus, sache le.

the duo's flat. wed, sept 28th w/ @Charles L. Davies

Je pourrai te dire comment mes proches m'embrouillent l'esprit. Te sortir les questions qu'ils me posent et demander les explications sur ce que t'as pu raconter a Taylor. Mais ce sera ramené la principale raison de mes tourments sur le tapis alors autant éviter et te raconter une chose qui m'est arrivée. Un truc que j'ai jamais vécu mais que toi tu comprend. Enfin, je ne fais pas un comparatif entre ma perte et la tienne, mais le résultat de cette merde est le même. Ce sont des personnes qu'on ne verra plus. Mon visage caché par mes mains, ce n'est que de courte durée quand tu viens de la tienne, enlever un de mes bras. Cette question, elle me fait soupirer Nan... J'ai pas pu. Et il est énorme ce putain de regret. Attend, je rêve ou t'es entrain de m'engueuler? Je tourne la tête dans ta direction pour bien te fixer et être sur que je ne suis pas entrain d'halluciner. Ho ça va tu connais aussi mes secrets. Celui de mon passé d'escort oui. Enfin une partie. Je balance ça, dans l'inconscience que ça pourrait te démarrer. Ca toupille là-haut alors je ne fais plus réellement attention. Pis tu me racontes pas tout les gens que tu rencontres ou que t'embrasse. Fort heureusement nan? On fait quoi quand on est triste? Pour faire passer, pour oublier. On regarde un film? On retourne se coucher? On se fait un câlin? Y'a que quand je suis dans mes coups d'une nuit que je ne pense pas, sauf que je ne suis pas une machine alors je vais devoir trouver comment me sortir de ça autrement.

Mon charme va jusqu’à atteindre les personnes de ton entourage et je ne peux pas nier le fait que j’aime énormément cela. Je souris comme une idiote avant que le sujet change complètement. Putain, je m’y attendais pas à celle-là et je n’aime pas franchement toutes ces émotions qui se bousculent en moi. Je suis si triste pour toi et en même temps en colère parce que tu n’as rien dit. Je pensais qu’on partageait plus que ça. Il faut croire que je me suis trompée. Je devrais pas tourner cela autour de moi mais c’est l’incompréhension et la colère qui parlent, je crois. Encore plus quand j’entends que je ne connais pas tous tes secrets. Y a un pincement sur le palpitant que je n’aime pas du tout mais j’essaye de passer outre. Ouai mais si t’es triste pour son décès, c’est pas qu’une personne que tu as rencontré comme ça. Elle a eu un effet sur toi, elle a laissé sa trace sur toi. Mort ou vivant, je me fiche bien des trois-quarts des gens que j’ai pu rencontrer. C’est juste que s’ils n’ont pas d’impacts dans ma vie… Who cares ? Pas moi. Je sais pas Charles. Moi je suis sortie, j’ai bu, je me suis défoncée. Mais le lendemain, c’est toujours pareil, la tristesse est toujours là. J’hausse les épaules et finis par souffler Qu’est-ce qui te ferait du bien là, maintenant, tout de suite ?

the duo's flat. wed, sept 28th w/ @Charles L. Davies

Ce que je fais en ce moment se résume en un mot : La fuite. Puis quand le mot a fait tout son effet, j'ai rajouté, la fuite des responsabilités. Je venais de déposer ce que j'avais de plus intime en moi, il n'y avait plus de barrière entre nous pour tempérer l'étincelle ; la fuite des responsabilités et ce sentiment d'être à la lisière de l'effondrement interne. D'être un lac à sec qui se creuse de sillons. Ben parce que j'sais pas... Elle avait quelque chose de mystérieux mais qui apaisait. J'aurai voulu la revoir. Pas pour une histoire d'amour ni même un coup d'un soir. Je voulais qu'elle soit une amie, une compagnie pour mes beaux jours comme mes jours de pluie. Pareil. Mais c'est jamais eux qui crèvent. Ce pourcentage dont je me fiche bien. Je te demande conseil sur comment enlever la tristesse mais ta réponse me fait soupirer. Parce que j'ai déjà essayé et comme tu le dis, ça revient toujours. Oué... c'est un truc qui se règle avec le temps pas vrai? Le genre de phrase que te fait vriller dans un instant de détresse, ce typique "ca va aller, avec le temps ça va passer." Y'a rien qui passe. Ca va juste se loger dans un coin de coeur ou de tête et ça se fait juste plus discret. Jusqu'à la prochaine grenade dégoupillée. Poser ma tête sur tes jambes, un film à la con et des caresses dans les cheveux. Ben quoi? T'as demandé et voilà ce que j'aimerai.

Je ne supporte pas de te voir comme cela. En plus d’être mauvais pour toi, ça me peine réellement. J’aimerais pouvoir t’aider mais si tu me dis pas ce qu’il se passe, je ne peux rien faire pour toi, absolument rien. Et puisque je n’ai peur de rien ni de personne, je pose les bases de la discussion. Je ne compte pas passer par quatre chemins pour te faire ouvrir les yeux. Je n’ai pas le temps pour cela et nous n’avons plus cinq ans. Tu peux pas vivre avec des regrets. Que je souffle rapidement. T’aurais voulu la revoir, ça ne s’est pas fait et c’est ainsi. Il y a des tas de choses que l’on a tous envie de faire et si ça n’arrive pas, c’est ainsi. Cela ne veut pas dire que ça ne comptait pas mais juste que ça ne devait pas arriver. Le destin, un truc comme ça, non ? Il y a des choses qui se passent quoi que l’on fasse, d’autres que l’on loupe quoi qu’il se passe. Ouai, il parait. Que je dis en haussant les épaules. Je ne sais pas si c’est vraiment cela ou pas et je m’en fous, pour être honnête. Si je ne souffrais pas depuis le décès de ma mère, ça voudrait dire qu’elle n’avait jamais compté et on en est loin. Ou alors ça devient plus supportable. Et je crois que c’est ça. À un moment, on est habitué et ça fait moins mal, c’est plus gérable. Je ne sais pas trop ce que je pourrais dire de plus, j’ai pas de solutions miracles et pourtant t’as pas idée à quel point j’aimerais. Je te demande ce que tu veux et ta réponse me fait rouler des yeux. Je choisis le film. Que je lance en ronchonnant, passant rapidement sur Netflix pour trouver un film complètement con et inutile mais qui nous occupera. Je m’installe et tappe mes cuisses et dis Viens tâter le muscle. Je lève les mains, prête à te graisser le crâne. Un rêve, c’est absolument comme ça que je voyais ma matinée.

the duo's flat. wed, sept 28th w/ @Charles L. Davies

Je ne peux pas? Pourtant je ne peux pas m'empêcher. J'ai souvent repoussé au lendemain, puis au lendemain et encore au lendemain jusqu'à ce que ça devienne des mois. Des mois et la mort au bout, voilà ce que j'ai récolté. Alors elle est inévitable cette résipiscence que je traine depuis l'annonce de son décès. Plus supportable oué... Mais quand? C'est déjà trop brûlant à l'intérieur. Je me sens comme une cocotte minute qui siffle, qui un jour va complètement exploser. Si arrive ce moment où mon eau bouillante éclabousse tout le monde, je veux te préserver. Peut-être que ça explique pourquoi je te tiens un peu plus à distance et que je ne te dis rien. Tu demandes ce que je veux sur l'instant et je te donne la première idée, envie, qui me vient à l'esprit. Ta réaction fait naitre un sourire Tout c'que tu veux! N'importe quel style, sous tes caresses je risque d'avoir les yeux fermés. Je me précipite, la tête positionnée et la main sur le coté de ta cuisse comme pour bien te maintenir. Interdiction de partir! Le film est lancé, tes doigts commencent les massages et putain, ça fait du bien. Mais avant que l'intrigue soit bien lancée, je tourne le visage pour fixer et le tien et te dire sincèrement Merci Gigi. D'être là et de continuer à m'épauler même quand je te déçois. Merci d'être toi et d'être dans ma vie.