jeudi 18 août 2022, en toute fin de matinée

Prendre telle dose chaque jour. Revenir tel jour puis tel autre jour pour les injections. Prendre rendez-vous avec M. Elias Wertheimer pour un potentiel suivi ou d'autres exercices adaptés, peut-être. Ne pas hésiter à utiliser la machine à oxygène que j'ai dû me procurer suite au coma l'an dernier. Ce sont les dernières recommandations du médecin alors que je m'apprête à affronter le monde extérieur, à nouveau. Moins fatiguée grâce à tout le repos qu'on m'a imposé, mais toujours un peu plus que d'habitude. Probablement un peu plus maigre qu'avant le début de certains symptômes, ceux qui m'ont bien souvent coupé l'appétit. Les maladies laissent des traces, qu'on le veuille ou non. Je récupère tout ce qu'il faut, glisse le tout dans mon sac stérilisé dans tous les sens depuis que j'ai été admise en chambre stérile. Quelques messages envoyés, notamment à mes parents et mes sœurs, pour leur dire que je peux enfin sortir, et voilà que les portes se referment vraiment derrière moi. Je force mes poumons à se remplir d'air frais, avant de faire quelques pas et de me stopper. « Anders ? » Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai comme du mal à y croire. Que tu sois là. Avec Anaé, surtout. C'est soudain, mais j'ai le cœur qui se serre si fort que ça me donne envie de pleurer.

@Céleste Courtin-Clarins | La voiture garée devant l'hôpital, appuyé sur le capot, Anaé dans mes bras, j'attends sagement que Céleste sorte du bâtiment. Trois semaines que la demoiselle était retenue à l'hôpital pour avoir contracté je ne sais quelle pathologie inconnue. J'ai beau persisté à penser qu'elle aurait dû aller voir un médecin plus tôt, ça m'avait quand sacrément inquiété et fait chié pour elle de la savoir en si mauvaise santé, et surtout, coupée du monde. Et si encore, elle supportait l'absence de ses potes ou de sa famille, je savais que celle d'Anaé lui faisait plus mal que tout. D'où mon retour précipité du SC et mon attente actuelle pour la ramener chez elle, avec sa fille. Surement la surprise de sa journée. Quelques heures en leur compagnie, et si tout allait pour la française, elle aurait plus d'une journée pour rattraper le temps perdu avec sa fille. Mon visage se relève lorsqu'on m'interpelle. Un sourire se dessine alors que je me redresse avec Anaé dans mes bras, la tournant au mieux vers sa mère. « Ooooh ! Regarde qui est là ! » Je m'avance vers Céleste pour la rejoindre. « Je suppose que c'est pas utile que je te demande si tu veux la prendre. » Anaé déjà à bout de bras, prêt à la déposer dans ceux de sa mère.

jeudi 18 août 2022, en toute fin de matinée

C’est beaucoup trop d’émotions d’un coup. L’effet de surprise, la joie de pouvoir sortir et de revoir ma fille, le fait d’avoir eu le cœur complètement crevé par ce que j’ai vécu comme une séparation forcée et, ne nous voilons pas la face, la fatigue aussi. Un véritable cocktail d’émotions, qui ne trouve rien de mieux que de m’envahir. J’essaie, tant bien que mal, de ravaler mes sanglots à la simple vue de mon petit bout dans tes bras, déjà tendus vers moi. Ton commentaire me fait doucement rire. Un rire plein de larmes, mais aussi plein de soulagement. « Non, pas vraiment… Oh mon bébé, viens là ! » Tout sourire, Anaé change de bras, s’agrippe, gazouille. Et moi, je la serre contre moi, pose ma tête contre la sienne, laisse son odeur me rendre le sourire. J’ai mal à la tête à force de retenir mes larmes — celles qui rendent mes yeux brillants —, mais je suis tellement heureuse de la retrouver, la couvre de baisers. Mon bébé koala. Elle n’est pas malade, mais ça ne l’empêche pas de rester comme ça, dans cette position propice aux câlins qui sonnent nos retrouvailles. Je me doutais qu’un jour ou l’autre, la maman que je suis allait devoir affronter un séjour en chambre stérile  en étant privée de sa fille — mais je ne pensais pas que ça allait arriver si tôt. Alors je la garde précieusement contre moi, nous berce doucement toutes les deux, et pose mes yeux clairs sur toi. C’est un peu comme si tous les évènements récents s’atténuaient. Les douleurs, les mauvaises nouvelles… tout ça. « Tu n’étais pas obligé, mais merci d’être venu… Comment est-ce que tu vas ? Ça s’est bien passé ? » Après tout, sans y avoir été préparé, tu as été jeté encore plus loin dans le grand bain de la paternité. Toi qui souhaitais y aller à ton rythme, ta formation a été quelque peu accélérée.

@Céleste Courtin-Clarins | J'ai eut beau penser que Céleste avait un peu provoqué l'univers, je suis content de la revoir dehors, libre, et presque en forme, ainsi que de la voir renouer avec sa fille. Je peux comprendre qu'elle lui avait manqué pendant ces trois semaines, mais qu'elle avait aussi manqué à Anaé. Elle ne semblait pas véritablement perturbée par son absence ces derniers jours, mais à la voir dans les bras de sa mère, il était clair qu'elle lui  avait manqué. Surement n'en avait-elle montré aucun signe car j'avais tout fait pour la préserver du stress ou de l'angoisse que pouvait représenter la situation. Allez savoir. Quoiqu'il en soit, je laisse la mère et la fille se retrouver, attrapant les quelques affaires de Céleste qui lui avaient été apporté pour les mettre dans le coffre de la voiture. « Je suis sur que tu m'aurais insulté de tout les noms si tu ne m'avais pas vu aujourd'hui. Enfin non, pas moi, ta fille. » J'en plaisante, mais je sais très bien que c'est ce qu'il se serait passé. Je referme le coffre, attends près de la portière, le regard posé sur Céleste. « Ca va oui. Et ça s'est bien passé. Mieux que je l'espérais. C'était de l'énergie de veiller sur elle aussi longtemps mais je suis content de l'avoir fait. Enfin, si la prochaine fois on peut le faire dans d'autres conditions, ça serait cool quand même. » Genre à Boston, avec ses deux parents en bonne santé. En dehors de ça, ça avait vraiment été trois belles semaines entre elle et moi. « Bon allez, en voiture, jte ramène chez toi. Avant que les gens viennent se plaindre qu'on a laisser sortir un zombie. » Bon ok, c'était un coup bas, mais fallait bien quelqu'un pour lui dire.

jeudi 18 août 2022, en toute fin de matinée

Ah, ces petits bras autour de mon cou, ces petites mains qui s'accrochent dans mes cheveux avant de pousser sur mes épaules. Ces belles prunelles azurées qui se perdent dans les miennes, et ce sourire qui m'avait tant manqué… Rien de mieux pour calmer ce sentiment malaise général, aider les quelques douleurs à s'apaiser un peu plus malgré la prise des médicaments du jour. Traitement lourd qui, je l'espère, n'aura pas d'incidences ni effets indésirables au quotidien. « Insulté de tous les noms, carrément ? » Et après, on dit que je suis une drama queen ! « Non, j'aurais probablement pesté et je t'aurais demandé de me l'amener ce soir. Par contre, si tu avais refusé… » Je ris légèrement, et vois Anaé sourire à ça. Elle a ce petit rire, aussi — non pas qu'elle soit contre son père (quoique !), mais ce serait plutôt une touche de mimétisme. Ses fossettes me font craquer, alors je la dévore de bisous, pour la faire rire encore plus. « Si tu savais comme je t'aime, toi. » Que je lui souffle après un baiser déposé sur le bout de son nez, tandis que tu me livres ton ressenti sur ces trois semaines où tu as pu profiter de et baigner dans sa présence. « Je valide le dans d'autres conditions. Cela dit, je refuse les trois semaines de privation. » C'est trop. Beaucoup trop pour mon cœur de maman. Ou peut-être que je les aurais mieux vécues si je l'avais choisi, comme lorsque tu es allé roucouler avec ton copain en vacances pendant deux semaines environ. Puis je fronce les sourcils face à la gratuité de ton commentaire. Anaé gazouille, et je m'adresse à elle : « Oh oui mon amour, nous sommes entièrement d'accord. Tu te rends compte de ce que ton père vient de dire ? » L'air à moitié sérieux, elle répond avec ses bruits de bébé alors que je la glisse dans son siège. « C'est un véritable scandale, hein ? » Même s'il est vrai que sans maquillage et après des jours et des jours d'hospitalisation, d'examens, de douleurs et de fatigue, je ne dois pas ressembler à grand-chose. Un bébé bouclé à l'arrière, et une maman qui se cale dans le siège avant. Qu'est-ce que j'ai hâte de rentrer à la maison. « Tu devrais faire attention, je suis quand même la mère de ta fille, mh ! Allez. Raconte-moi vos vacances, ce que vous avez fait tous les deux. » Au lieu d'être un taquin bouffon — propos que je ne tiendrai pas devant ma fille, aussi petite soit-elle !

@Céleste Courtin-Clarins | Je rends sans difficulté Anaé à sa mère. Non pas que je sois pressé de m'en débarrasser ou quoi, mais pour ne pas l'avoir vu pendant presque aussi longtemps en juillet, j'avais bien compris que ce petit être pouvait en réalité très vite nous manquer. « C'est bien ce que je dis, si tu n'avais pas vu ta fille aujourd'hui, tu m'aurais insulté de tous les noms. » Mais on aurait surement pu dire que je l'aurais cherché. Je regarde Céleste rire, Anaé l'imiter, ce qui me fait sourire également. Visiblement, c'était de joyeuses retrouvailles malgré la santé encore fragile de Céleste. Je les laisse profiter de ce moment, chargeant le coffre avec les affaires de Céleste. Il n'y a pas grand chose, mais entre ses affaires et celles d'Anaé, ma voiture commençait vraiment à ressembler à celle d'un père de famille. Quand on disait qu'un enfant c'était des centaines de micro changements en plus des plus évidents. « Va sérieusement falloir qu'on reparle des prochaines vacances d'été alors. Même si on a encore le temps. » L'été n'est pas encore fini, mais ni elle ni moi n'avions l'intention de bouger de Boston désormais, alors la garde d'Anaé ne serait pas un problème. Quand à l'année prochaine, et bien se suppose qu'il faudrait réajuster certaines choses pour que l'on puisse tout les deux profiter de nos vacances mais aussi de notre fille de façon égalitaire. D'un petit commentaire désobligeant, je l'invite à monter en voiture pour que je puisse la ramener chez elle et que l'on profite de ces retrouvailles dans un endroit plus conviviable. Pas sûr que je lui dise, mais moi aussi j'étais rassuré de la savoir loin de l'hôpital. « Non non non. Là tu fais fausse route ma chère. Parce qu'elle est en train de dire qu'elle est d'accord avec moi. Il est temps que tu retravailles ton LV3 bébé. » Je profite que les paroles de notre fille soient encore sujette à l'interprétation pour essayer de convaincre sa mère qu'elle est de mon côté. Dans quelques années, notre fille serait capable de nous contredire d'elle-même, et c'était sûr que j'allais moins en rigoler. Installé derrière le volant, j'attends que toutes les ceintures soient bouclées pour démarrer le moteur et prendre la route. « Je suis limité à un programme simple. Beaucoup d'activités aquatique pour la rafraichir, les balades tôt ou tard pour éviter les coup de chaud. Rien de sensationnel, car tu te doutes que les balades dans le désert en quad étaient exclues, mais beaucoup de visites culturelles du coup. Ou des journées à flâner sur la plage ou la piscine avec des amis. »