Melvyn Humphrey ► Michael B. Jordan

Qui aurait cru qu'on reverrait l'aube poindre à l'horizon ?
Morts, nous l'étions déjà. Tous, plus ou moins, agonisants en silence, si faibles que l'simple fait de parler relevait du supplice divin. L'obscurité, réelle et métaphorique, nous consumait, l'un après l'autre, tiraillant les souffles capricieux jusqu'à obtenir râles d'impuissance, épuisement généralisé, étendu aux organes vitaux ; silence funeste devenu maître des complaintes étouffées, chairs anonymes flétries destinées à pourrir dans l'éclat indifférent du regard humain.
Nous autres enfants, femmes et hommes, n'étions plus qu'un tas d'animaux. Étrangers courant droit au bûcher de l'existence insignifiante, guettant un geste, une once d'empathie du bipède moderne. Confrontés au dégoût, aux murmures désapprobateurs, au rejet commun de ce nouveau monde, pourtant décrit comme terre d'espoir, de second souffle ; rêve américain vilipendé au profit de l'insidieuse rage de (sur)vivre, qu'importe la forme ou la manière.
   

Au désir, à l'instinct de survie s'est greffée la basse pulsion, besoin primaire commun à tout être, ici pourtant élevé à l'acte du péché ultime, estomac atrophié suspendu au fil de viande interdite, manger se nourrir pour subsister, occulter la macabre réalité ; survivant, oui, mais à quel prix ? Homme-bête, rapidement jugé sans limites, odieux spécimen capable du pire, n'est-ce pas ?
Inspire la crainte, pestiféré duquel il ne faut pas s'approcher ; la légende raconte, encore aujourd'hui, qu'immigré sorti clandestinement des entrailles flottantes, pourrait croquer ton fils, ou ta mère. Son palais croustillerait toujours des restes avariés de sa propre fratrie. Chien, retourne d'où tu viens.

New-York, pomme bonne à croquer. Rejeton perfusé, pratiquement tatoué comme bétail, dans l'attente d'un retour en terre natale ; l'Amérique, dont il tire ses gènes, lui refuse l'hospitalité. Fugue, fuite vers le lointain, fuite pour rien ; être ou tenter de le devenir, quelqu'un. Réfugié sans domicile, à peine habillé, foule l'asphalte sans pitié jusqu'à terre promise, domicile vétuste de moitié concédé par l'inconnu maître des lieux ; quelques planches, cartons empilés, poubelle cramée où se réunissent les esprits débrouillards, réchaud et gaz dérobé, adolescence délinquante, sans papiers, sans identité mais putain, fier d'être vivant.

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Chétif protégé des anciens, un contact sur l'chemin pour donner légitimité à l'anonyme ténébreux, stylisé Melvyn Humphrey pour jouir, enfin, du droit d'existence. Autodidacte, rage éteinte au profit d'la discrétion nécessaire, s'faire petit pour glisser entre les mailles du filet ; intrus brave danger pour cueillir la complicité d'une fleur juvénile, son silence s'fait précieux, sa chambre donnant sur escalier d'secours devient pierre angulaire du quotidien branlant, son visage comme point d'ancrage, l'affection distillée en nourriture gratuite et ces bras pour repos passager, l'idée d'pouvoir fermer les yeux, à son côté, forme de bien-être dont il effleure l'apogée.


Étranger recueilli par l'patrimoine afro-américain du quartier anciennement sensible ; gospel, globe-trotters et boxe forment triade évidente dans l'coeur paumé du gamin, l'âme perchée hors d'atteinte, esprit continuellement tourné vers l'pays dont il devinerait presque la côte à l'horizon, désir sacré d'y retourner, besoin des siens comme partie manquante du puzzle aortique, en pleine hémorragie.
Haine silencieuse, violence placardée sur sac de sable, démarche rebelle guidant l'Robin noir à fenêtre du riche, société clivée entre opulence et misère, sa flèche en jonction.

Have Faith, never let it go.

Expiration du titre de séjour. Vagabond profil-bas, risque sa peau à poursuivre les activités. Côtoie cette gamine, habile et sensible, attentionnée inaccessible virtuose de l'aiguille, pianiste points de suture ; théâtre réaliste des faux-amants, mari et femme par intérêt.