Hasard qui te fait croiser son chemin à cette heure tardive alors qu’un orage est en train d’éclater dans la ville de Boston. La pluie qui tombe depuis déjà la fin d'après-midi et d’après les prévisions, ça ne risque pas de s’arrêter cette nuit. Tu rentres après un combat peu difficile, quelques billets faciles et peu de marque qui peuvent témoigner d’où tu viens. Combat écourté par les adversaires, par peur de l’orage qui tonne dans le ciel et des inondations qui étaient en train de se produire dans ce bâtiment abandonné. Voilà ce que tu fais sur la route à cette heure tardive, casque vissé sur la tête alors que le vent est fort,  la pluie qui obstruait ta visière, heureusement peu de gens sur ta route habituelle. Regard qui croise cette pauvre femme qui marche sous la pluie, tu te serais sans doute pas arrêté voulant rentrer au plus vite mais tu reconnais rapidement ses cheveux chataîn et son regard ombré, visage fermé et déterminé. SALOME !  tu t’arrêtes non loin d’elle, le moteur qui continue de tourner, la visière que tu relèves. Qu’est ce que tu fou sous la pluie ? Question que tu poses par principe mais tu n’as pas envie de t'éterniser sous la pluie. Monte ! Tu ouvres le coffre de ta moto pour lui filer un casque.

sourde face au vacarme céleste qui se déchaine depuis quelques heures. les bruits étouffés. la conscience anesthésiée. monde qui venait de voler littéralement en éclats. t'avais rien vu venir. en à peine une soirée, ce bonheur à peine frôlé venait de t'échapper. volatilisé. en quelques minutes. il était parti. claquant la porte. et toi t'étais restée abasourdie. laissée derrière. attendant qu'il rentre. que cette colère intérieure s'apaise pour venir se réfugier dans tes bras. comme à son habitude. t'as attendu. patiemment. jusqu'à ce que tu prennes conscience qu'il ne reviendrait pas. sentiment d'écoeurement, la poitrine qui t'opprime. l'égo froissé. émotions négatives condensées. marchant sans réel but. laissant la pluie dissimuler ses larmes trop longtemps réprimées. une voix détonne dans ce fracas interminable. voix familière que tu ne pensais pas revoir. pas dans ces conditions. — va-t-en benjamin. le dégage que tu retiens au dernier moment. réalisant qu'il faisait un pas vers toi. qu'il réalisait à son tour que ce visage tourmenté était déchiré par la douleur. et que ces larmes étaient réelles. — t'occupes pas de moi tu grondes, jetant un dernier regard dans sa direction avant de le dépasser.

Mains qui resserre plus que nécessaire les poignets de ta moto, tu n’aimes pas conduire dans un vent si fort, la moto pourrait dévier à chaque instant surtout avec la pluie qui rend la chaussé beaucoup plus glissante que tu ne le voudrais. Une seule hâte, te mettre à l’abris. La pluie ne t’a jamais dérangé mais l’orage, l’orage c’est clairement pas une histoire d’amour, traumatisé dans ton enfance manquant de peu de te noyer dans un torrent de boue en voulant jouer avec des copains lors d’un orage violent d’ailleurs l’un des votre n’a été retrouvé que 3 jours plus tard, un corps sans vie. C’est à ce moment là que tu t’es rendu compte que l’orage était dangereux et que certains actes avaient des conséquences désastreuses, tout ne peut pas être qu’amusement. Histoire dont tu ne parles jamais, d’ailleurs grâce à papa et maman Rothschild, tu n’as jamais été sur les lieux. Une voix lointaine, difficile à entendre sous tous ces torrents de flottes qui vous tombent dessus en quelques secondes, voix qui malgré toi te provoque des frissons, voix que tu n’as pas entendu depuis quelques années déjà ou jamais avec une telle proximité. Fait pas ta gamine et monte sur cette putain de moto ! Dents qui se ressert et rapidement ton esprit qui te rappelle à quelle point elle peut t’enerver. Sourcils qui se froncent instinctivement quand tu croises ses yeux et malgré la pluie tu te rends compte que ce sont des perles salées qui dévalent ses joues. Doigts qui viennent attraper son poignet quand elle essaye de t'échapper. Tu n’as pas l’air d’avoir les idées en face des trous ! Je ne vais pas te laisser là. Alors arrête tes caprices d’enfants pourri gâté et monte. Tu ne lui laissa même pas le temps de répondre avant de visiter ton deuxième casque sur sa tête, de toute manière tu n’allais pas là laisser là.  

j’pense à tout ce qui n’a pas fonctionné. à ces erreurs accumulées. le passé semblait intemporel. toujours prêt à revenir comme un boomerang et saccager ses efforts récoltés. il venait de dire oui. m’ouvrir ses bras pour ne jamais plus me relâcher. promesse qui n’avait désormais plus la même saveur. les mots qui n’avaient plus la même valeur. il venait de s’envoler sans un regard en arrière. en emportant avec lui ces fragments de myocarde qui demeuraient pour lui. — en quoi je fais ma gamine là au juste ? j’veux juste marcher et oublier ma putain de vie de merde ! c’est trop demandé sérieusement ? le coeur crie à ma place. il s’égosille, se fracture davantage. il a mal. terriblement. ne le vois-tu pas benjamin ? ne comprends-tu pas que t’es la dernière personne que je veux voir ? toi qui me rappelle ce que je n’ai plus. ce que j’ai perdu. ses doigts attrapent mon poignet et je suis incapable de résister vaillamment. plus la force de me battre contre cette famille. plus la force d’exiger un moment de répit. la douleur continuera de me lancer, tant que je demeurerai liée à eux. casque visé sur ma tête, les yeux levés au ciel, je pousse un grognement dégoûtée avant de venir m’asseoir derrière lui. — emmène moi là où la douleur n’existe pas. là où je pourrai tout oublier j’ordonne avant de reposer mon visage sur ton torse. chaleur qui se propage malgré cet amas de vêtements. malgré cette barrière qu’il avait érigée contre moi et ma tendance à détruire tout ce que je touche.