Toujours assise dans l’un des cabines des toilettes en train d’essayer de sécher les larmes qui coulaient le long de mes joues, je venais me confier à Briony. Elle était l’une des rares personnes qui connaissaient l’existence de ce viol, ou plutôt de cette tentative de viol. Jamais je n’aurais pensé en parler à une personne comme elle. Ce n’était pas ma grande amie et ce ne le serait très certainement jamais, mais j’avais l’impression qu’il était beaucoup plus simple de lui en parler à elle que d’en parler, par exemple, à Elios qui pourtant était au courant de ce qui s’était passé. Peut-être que le fait qu’elle aussi ait eu l’horreur de vivre une chose pareille il y avait quelques années de cela faisait que j’avais confiance en elle, du moins sur ce point-là. Lorsque je lui indiquais que deux jeunes hommes avaient eu l’idée la plus farfelue que s’en prendre à ma petite personne, elle ne répondait pas, se contentait de s’approcher de moi et de me regarder avec effroi, avec horreur. Je ne savais pas comment réagir. Je ne savais plus quoi lui dire. Poussant un soupir, comme pour me donner du courage, j’ouvrais la bouche, parlais tout doucement. Je ne savais même pas si s’était audible. « Je … Je n’ai plus vraiment le temps d’aller à la patinoire avec tous les cours que j’ai en ce moment et … et j’ai obtenu l’autorisation de m’entrainer sur la patinoire du campus, … le soir … après les … joueurs de hockey, et … » Et plus rien, je n’arrivais plus à parler, mais juste à éclater en pleur. Repenser à ce qui venait de se passer à peine quelques semaines auparavant était presque surhumain pour moi. J’avais tellement envie de mourir, qu’on me laisse tranquille. Je me sentais sale, honteuse. Je n’arrivais même plus à regarder les gens dans les yeux.

J'refusais cette réalité, celle que des hommes restaient encore et toujours des barbares qui ne méritaient pas d'vivre. La peine de mort était mise en place pour ce genre de personnes et j'étais pour de les mettre sur la chaise. Quitte à ce que ce soit moi qui appuie sur le bouton de la mort. J'aimerai les voir tous souffrir, ressentir cette putain de douleur. Nan, en fait, faut pas qu'ils crèvent. C'pas marrant. Faudrait qu'ils soient condamner à la torture pour toujours. Parce qu'ils s'rendent pas compte de l'état dans lequel ils nous laissent, nous victimes de leurs pulsions sexuelles. On est mal, on se sent salis, faibles, démolis. Des fois, on a même l'impression de mériter ce qui s'est passé, tellement l'enjeu psychologique est important. C'est horrible et j'pouvais vraiment pas laisser Robbin à son sort, comme ça, même si on s'appréciait pas. Fallait qu'on reste soudées, nous, femmes violées. C'était comme ça puis c'est tout. « Je … Je n’ai plus vraiment le temps d’aller à la patinoire avec tous les cours que j’ai en ce moment et … et j’ai obtenu l’autorisation de m’entrainer sur la patinoire du campus, … le soir … après les … joueurs de hockey, et … » Quand j'disais que le sport c'était mauvais et nocif, j'avais pas totalement faux. Si j'comprenais bien l'histoire de Robbin, ça s'était passé près de la patinoire. Quant à moi, dans des vestiaires de tennis. Coïncidence ? Je ne crois pas. Bref, on s'en fout. Robbin craquait à nouveau et cette fois-ci, je franchis l'espace qu'il y avait entre nous, pour la prendre dans mes bras, pour la réconforter. Je passais une main dans son dos, doucement. Chuuut.. ca va aller.. C'est bidon de dire ça j'vous jure mais parfois ça peut faire du bien de l'entendre. Savoir que quelqu'un est là et vous comprends.

Je n’aurais jamais pensé que la première personne à qui j’allais réussir à parler de ce que j’avais eu l’horreur de vivre en me rendant à la patinoire de l’université pour la toute dernière fois, serait Briony. Pour me faire parler, elle m’avouer qu’elle aussi avait eu le malheur de tomber sur un détraqué qu’il n’en avait voulu qu’à son corps. Je ne comprenais pas comment on pouvait faire autant de mal à quelqu’un uniquement pour privilégier son plaisir personnel. Toutes ces personnes méritaient de brûler en enfer. En même temps que je pleurais comme une madeleine, je me rendais compte que cette situation était étrange et que nous avions, décidément, bien plus de chose en commun que nous pouvions l’imaginer. En plus d’Hendrix, nous avions la même vision de chaque chose, de l’amour peut-être. La seule différence qui persistait est que de mon côté l’agression que j’ai subi est beaucoup plus récente et que je ne savais pas encore comment gérer cette douleur. Allez savoir pourquoi, mais elle se précipitait vers moi pour passer l’une de ses mains dans mon dos et tenter de me réconforter comme elle le pouvait. Chuuut.. ca va aller.. Je n’arrivais pas à faire cesser mes larmes. J’étais vraiment au fond du gouffre. Je ne savais plus quoi dire. Je voulais oublier, mais je n’y arrivais pas et croiser ce type toute la journée me rendait nerveuse. Je n’arrivais pas à passer outre, à passer à côté de lui la tête. Il me faisait peur. J’avais le sentiment qu’il pouvait recommencer à n’importe quel moment, que j’étais impuissante face à lui. Toujours assise par terre, Briony non loin de moi, je venais poser ma tête sur son épaule, essayant de sécher mes larmes.

Elle ne me rejetait pu, j'avais réussi à gagner sa confiance en quelques secondes, en lui disant que j'avais été moi-même victime d'un viol, confidence que j'faisais rarement à des personnes lamdas. Robbin devait trouver quelqu'un qui pourrait la comprendre, qui avait aussi ressenti ces différents sentiments, qui ne dirait pas un "oublies tout ça, vas de l'avant" sans savoir de quoi il parle. J'étais là pour elle et même si on s'entendait pas forcément bien, qu'elle avait essayé de piquer mon mec, c'était inconcevable que je la laisse tomber un point c'est tout. Que voulez-vous ? A la base, j'suis Quincy moi en entrant à Harvard. Je passais une main dans le dos de la belle patineuse -loin d'être fade, qu'on soit clairs là dessus- en essayant de la calmer. J'vais pas la forcer à tout m'raconter mais à un moment donné va falloir que j'en sache quand même un peu plus pour pouvoir aller pêter la gueule au bon mec. J'demanderais à Hendrix de venir m'aider tient, ça lui fera plaisir, surtout quand il apprendra ce qui s'est passé. J'vais pas lui cacher ça. Au contraire, j'vais lui conseiller d'être présent pour la Quincy. Fallait pas qu'elle ait peur des hommes comme moi j'avais eu peur pendant des années, devenant même lesbienne. C'pour dire. Robbin vint poser sa tête contre mon épaule et j'avais de plus en plus mal au ventre. J'me souvenais de tout ce qui s'était passé quand j'avais eu 17 ans, ça m'revenait en tête c'était horrible. Tiens.. J'lui tendis un bout de papier toilettes pour qu'elle essuie un peu ses larmes, plus efficacement qu'avec ses mains. T'sais leurs noms.. ?