Tu l'avais recroisé sans réellement faire exprès. Faut dire qu'avec tes soucis financier et tout ce qu'il s'était passé dernièrement t'avais pas encore pu reprendre contact avec tout le monde et t'évitais aussi d'autre personnes, comme ta cousine Rosie par exemple. Pour Caleb, c'était différent, t'avais jamais eu l'occasion de lire ses messages, ton père les ayant sûrement effacé dès la réception de ceux-ci. Il avait tellement contrôlé ta vie ses derniers mois que t'ignorais donc qu'il avait cherché à être bien veillant avec toi. Puis maintenant, t'as pas non plus l'argent pour prétendre à te faire tatouer à nouveau, ton projet t'ayant un peu sortit de la tête avec tout ça parce que c'est clairement plus une priorité pour toi. T'avais encore du mal à assumer de devoir travailler pour avoir de l'argent. Bon ton job de serveuse est sûrement pas le pire job que tu pouvais trouver, mais c'est pas non plus le meilleur, toi tu préférais pouvoir faire autre chose que de servir des clients pas toujours aimable ou souriant. Enfin soit, la question n'est pas là. Ton service fini pour la journée, tu passes rapidement à ta pseudo coloc, parce que t'es plus une squatteuse qu'autre chose, même si Braden semble totalement accepter cette situation de dépendance que tu as sur la villa. Toi, ça te fout quand même super mal. Tu pourrais presque faire la manche. T'es tombé tellement bas et pourtant tu te laisses pas aller, tu continues à sourire parce que si tu perds ton sourire, c'est là que tu t'avoueras vaincue et toi, t'es une battante.

Il te faut une dizaine de minutes pour te préparer, enfilant une jupe noire assez courte et un débardeur de la même couleur , tu brosses rapidement ta chevelure bleutée et fini par attraper ton sac et enfilée tes chaussures à talons. T'en a marre de porter tes baskets avec le travail, là c'est une occasion pour toi de te sentir un peu plus comme avant. Lex la provocante, Lex la mondaine. Sauf que tu finis quand même dans les transports en commun pour aller jusqu'à chez lui. Regard déplaisant d'un quarantenaire qui si tu l'avais pas déjà foudroyé du regard t'aurais probablement déjà proposé un plan douteux ou serait passé à l'action pour tenter de te toucher le cul. T'aimes clairement pas le métro.

T'arrives finalement à l'adresse que Caleb t'as donné. T'es jamais venue chez lui, c'est une première. L'habitude des rencontres dans son salon de tatouages, pourtant toi t'as pas réfléchis plus que ça quand t'as accepté sa proposition de le voir en dehors des heures de travail. T'en a marre de réfléchir à tout et de toute façon tu dois rendre des comptes à personnes. "Salut Caleb !" Lances-tu alors qu'il te tourne le dos pour rentrer chez lui. Tu l'avais aperçu en t'approchant, de loin t'avais eu quelque doute de savoir si c'était lui ou non, bien que la tenue inchangée de celui-ci aurait dû te le confirmer bien plus tôt. "Tu vas bien ?" Tu t'avances alors vers lui pour lui faire la bise comme deux amis qui se retrouvent depuis un bail.

A peine tu lui fais remarqué ta présence qu'il se retourne vers toi pour te laisser entendre que t'es à l'heure. "J'le suis toujours quand j'ai pas des emmerdes." Parce que t'es pas conne, tu sais que tu lui as fait perdre de l'argent avec le rendez-vous que t'avais pas pu annulé. Pour un tatoueur c'est la misère quand les clients agissent de la sorte. Tu le sais, parce que ta tatoueuse sur Amsterdam t'en avait parlé plus d'une fois et même en la suivant sur les réseaux sociaux t'avais eu l'occasion de voir plus d'un coup de gueule de sa part. Pourtant, tu t'étales pas trop. T'as pas envie de commencer à balancer toute ta vie et pourrir l'ambiance, parce que si t'es là, c'est clairement pas pour avoir une séance de psy'.

Tu le suis alors à l'intérieur, comme son invitation gestuelle te le proposait, puis en même temps, t'allais pas non plus rester sur le seuil de la porte toute la soirée, sauf s'il voulait te claquer la porte au nez et se venger de ton absence à ce fameux rendez-vous, mais si c'était le cas, il ne t'aurait clairement pas donné son adresse, ni même proposé de te voir son jour de congé. Sauf que tu poses la question à pas poser. Comment ça va. Il tourne pas autour du pot. "En vrai, j'ai zéro anecdotes et j'ai pas envie de gâcher la soirée alors on va éviter d'parler de ça, sauf si c'est réellement pour ça que tu m'as fait venir." T'en doutes, mais tu poses quand même la question. Tu sais pas ce qu'il peut bien penser et toi t'en as marre de parler de ton père, de son attitude avec toi et de justifier ton absence. "Mais toi, explique pourquoi ça va pas au taff." Parce que dans tes souvenirs, il semblait kiffer son job et être très enthousiasme, vis à vis de ton projet par exemple... Mais bon, ça remonte à six mois alors forcément, il a pu se passer des choses. Peut-être que t'es pas la seule conne à avoir prévu pour un rendez-vous finalement infaisable.

Tu le suis dans son appart' pour finalement arriver dans la cuisine. Tu te permets de poser ton sac sur un meuble pour être un peu plus libre dans tes mouvements et étant dans un lieu privé, tu ressens pas le besoin de le garder prêt de toi. "Clairement que j'en veux une !" Parce que t'es une adepte des soirées, tu uses même de faux papiers pour pouvoir aller au soirée. T'as commencé trop tôt à sortir, et maintenant dans ton pays tu pourrais le faire sans soucis, mais pas ici. T'aurais peut-être du rester là bas et te planquer chez tes potes plutôt que de changer de continent. T'avais pas réfléchis à ça surtout, mais ici, en cas de gros pépin, tu pouvais toujours allez chez Rosie, ton père ne pourrait pas intervenir sans un délai ensuite. Tu te poses alors sur l'un des tabourets du comptoir, croisant tes jambes tout en regardant Caleb en attendant qu'il te parle du pourquoi il se sent mal quand il pense à son travail, parce que toi, tu comptes pas balancer les merdes que ton père t'as fait, ou alors pas tout de suite, peut-être un peu plus tard quand t'auras bu un peu pour pas avoir l'impression de détruire l'ambiance.

Tu pourrais jouer au jeu des confidences avec lui, lui balancer tout ce qui va pas dans ta vie depuis que t'as disparu des radars, mais en vrai, t'as pas envie de faire chier ton monde avec ça, c'est pas ton genre. Toi t'es cadavres tu les laisses dans le garage, même pas dans le placard, et surtout tu tentes de pas les trimballer avec toi. Toi, tu veux toujours avoir l'air de la fille positive que pas grand chose peut atteindre et qui tient tête quand on la fait chier. C'est pas tout les jours faciles, mais c'est comme ça que tu veux être. Le genre de fille sympa comme à cet instant où tu t'entends lui proposer de l'aide alors même que t'as déjà trouvé un taff et que t'aimerais garder du temps pour lui. "Tu sais, je suis plus étudiante, alors si t'as besoin d'aide, je peux voir pour venir t'aider d'une façon ou d'une autre, bon j'ai un taff de serveuse, mais genre quand j'ai fini chez Mike, je viens t'aider. Si ça peut te soulager un peu et me faire pardonner mon absence, c'est avec grand plaisir." T'es trop gentille, Elio arrête pas de te le dire et un jour tu vas vraiment te retrouver dans des belles emmerdes... Enfin t'y es déjà à cause de William, mais ça tu peux le dire à personne, pas même pour plaisanter. Chantage de merde qu'il te fait, mais tu l'as bien cherché aussi... Tu savais qu'en jouant avec le feu tu risquerais de te brûler et là, tu t'es clairement pas loupée...

Tu prends alors la bière qu'il te donne le laissant poursuivre sur ses explications. Avant t'aurais réagit d'une toute autre façon quand il parlait de prix, mais maintenant, c'est clair que comme tu fais attention à ton argent, t'as plus vraiment la même relation avec les dépenses qui peuvent paraître futile pour d'autre. Mais tu comprends quand même pas pourquoi ça atteint aussi son domaine et tu réfléchis en buvant une première gorgée de ta bière. "Les gens sont cons. Ils pensent juste qu'à leurs gueules sans penser aux conséquences de leurs égoïsmes." Souffles tu alors sans réellement donner plus de précision parce que dans ta tête, tout ça c'est plus que clair. Le gars qui veut un beau tatouage, il doit y mettre le prix, pas juste penser à sa gueule et avoir quelque chose de beau pour que dalle alors même que le tatoueur il prend le temps de travailler en amant du moment ou la personne se fera piquer. C'est pas juste une histoire de quelques heures. "Beaucoup négliges le temps de travail." Tu finis par rajouter, malgré tout.

Tu laisses alors se détourner de toi pour mettre de la musique alors que tu continues de siroter ta bière écoutant maintenant la musique qu'il vient de mettre. "Sinon, tu participes au Summer Camp? " Question des plus randoms parce que tu veux changer le sujet, parlé de quelque chose de plus appréciable autant pour lui que pour toi.