Si c’est au Sidh que les jeunes femmes se retrouvent le plus souvent, Natalia a cette fois pris la peine d’inviter Lyra dans son appartement. Si Lyra a déjà eu l’occasion d’y venir, ce n’est pas non plus un lieu où elles se retrouvent régulièrement et cela aura sûrement suffi à faire comprendre à la jeune mariée que quelque chose cloche. La recruteuse et formatrice du Sidh n’est pas du genre à appeler à l’aide, préférant de loin se débrouiller toute seule mais elle est consciente qu’elle ne pourra pas gérer ce problème seule. Cela fait plusieurs fois qu’elle croise en fille des jeunes femmes de 16 ou 18 ans grand maximum qui ne parlent pas un mot d’anglais et se retrouve à faire le trottoir. Elle a essayé d’échanger avec elles, profitant de sa connaissance quasi bilingue de la langue russe mais ces dernières se sont refermées immédiatement, clairement apeurées. Après quelques jours, semaines d’hésitation, Natalia a finalement décidé de payer l’une des jeunes femmes pour ses services, et l’a emmené dans une chambre d’hôtel - hors de question de l’amener chez elle, elle ne sait que trop comment la mafia russe fonctionne - et a essayé de la faire parler. Ekaterina - ce n’est sûrement pas le vrai prénom de la jeune femme - lui a confirmé ne pas être là volontairement, à demi-mots, mais a refusé de dire quoi que ce soit de plus. Natalia lui a donc offert un repas chaud et quelques heures de repos avant de repartir comme si de rien n’était. Elle espère que la jeune femme saura fermer sa langue mais a vérifié que l’arme qu’elle porte toujours sur elle, était bien chargée et en état de fonctionnement, au cas où.
Vêtue d’un bas de jogging et d’un crop top blanc, Natalia ouvre une bouteille de vodja déjà bien entamée et en verse l’équivalent de trois doses dans son verre. Elle qui ne dort jamais beaucoup, dort encore moins depuis cette découverte. Si son esprit a tendance à lui rappeler des souvenirs dont elle se serait passée, elle peut au moins le distraire, tandis qu’elle n’a aucun pouvoir sur ses cauchemars qui la ramènent à une époque bien sombre de sa vie. Avalant une gorgée de l’alcool de pomme de terre, elle se perd dans ses pensées et sursaute légèrement quand on sonne à l’interphone. Elle vérifie à l’aide de la caméra qu’il s’agit bien de son amie et lui ouvre avant de lui sortir un verre qu’elle ne sert pas, incertaine de ce qu’elle souhaitera boire. Pendant les quelques minutes - secondes ?, qui séparent la sonnerie de l’interphone à celle de la porte de cet appartement situé au 7ème et dernier étage, Natalia peut presque sentir les mains se poser sur elle et un violent haut-le-coeur vient la secouer. Elle arrive de justesse à l’évier et s’essuie la bouche avec le torchon rapidement avant d’aller ouvrir à Lyra - après avoir vérifié son identité à travers l’oeil-de-boeuf. “Entre Zayka.” Littéralement, petit lapin en russe - après autant d’années passées à baigner dans cette culture, elle fait forcément un peu partie de Natalia, qu’elle le veuille ou non.