Ombre de tes vestiges, je ne suis pas un homme épris de morale, la justice, j'ai fait ce choix de la donner à ma façon. Il serait hypocrite de prétendre que ce monde l'est, que les actions ne sont pas orchestrées en fonction de la volonté des puissants. Pouvoir illusionniste, toujours au service des mêmes. Les privilégiés, les Egoïstes, ceux suffisamment malins pour ne pas se laisser attendrir par les misères des plus faibles. Ainsi est notre monde, et ceux qui n'en ont pas conscience, ne sont que candides, idiots, heureux imbéciles. La réalité est impitoyable. Ceci explique, ma présence à tes côtés. Souffle ténu qui vient se révéler en halo de fumée sur ton épaule. Réplique du Blond en version brunie. L'ange déchu et le Loup endiablé. Même laine sombre pour recouvrir le crâne, jusqu'aux bout des phalanges gantées du cuir caractéristique. Je suis venu simplement parce que tu me l'as demandé. Je connais ton impulsivité, cette colère qui te brûle jusqu'au sternum, enflamme les méninges et laisse la raison abdiquer dans un recoin houleux. Je couvre tes arrières pour qu'il ne puisse rien t'arriver. Raisonneur logique, obsédé des preuves, j'en connais toutes les coulisses de ces horreurs déguisées. Serrure et clé. « Fais-moi un résumé. » Voix grave aux accents rustres, qui vient pourtant s'éprendre dans un murmure velouté de l'air. Mes orbes détaillent la cahute qui viendront sans doute accueillir ta haine et tes plus sombres venins dans quelques minutes.

Je sais que je suis ici pour te permettre d'avancer dans ta propre enquête. Mais je dois savoir un minimum pour savoir à quoi m'attendre. Ce que je dois chercher aussi. Ici, ce sont des informations concernant les bombes artisanales qui servent au pyromane. Repaire de camés, d'âmes désespérées et errantes. La crasse et la misère sont de mises, loin d'attendrir mes sens, habitués aux pires atrocités. Je relève toutefois, mon écharpe afin de ne pas laisser mon identité se révéler trop facilement. La pièce du rez-de-chaussée est déserte, alors que ma paume repose contre mon flanc où dort paisiblement le silencieux que j'ai en acquisition. Maison hantée et famélique, aux relents d'urine, de sueur et de crasse, humidité emplie d'une atmosphère fongique, et poussière qui vient comme se coller au derme encore libre de tissu. J'entends un grincement, maigre, ténu. « L'étage. » dis-je en appuyant le propos du guttural de mon timbre. J'avance dans la manœuvre, jusqu'au bas de l'escalier où j'observe que le passage est libéré de tout intrus. Ma silhouette se fige, avant de t'observer pour t'intimer de passer tandis que je couvrirai tes arrières, habitudes d'avancée toute militaire , et puisque il s'agit de ton enquête, je serai l'ombre qui viendra rôder dans ton échine vengeresse.

Si la discrétion habite mes gestes, il n'en est pas le cas pour toi. Homme rustre, pragmatique, mais surtout en colère. Je ne peux avoir qu'une certaine tendresse pour cette rage qui exulte dans tes gestes, dans tes pas. Parce que je fus comme toi. Bien trop en colère pour exister sainement. L'armée, mes ambitions avaient gommé ces traits colériques, mais surtout la boxe et le krav-maga qui m'avaient aidé à canaliser le tout. Homme compartimenté, maintenu dans ses éclats. A l'étage une horde de gamins défile, accueillant mon regard circonspect. Au passage, je viens tirer sur mes gants de cuir, l'arme toujours au poing. « J'ai pas pour habitude de reculer face à une crèche, même si je n'aime pas les gamins. » Voix éraillée qui s'articule entre les lambeaux épars des murs miteux de l'endroit. Finalement, ouais, nous ne sommes pas si loin de ces misères de Dahl, je m'attends presque à trouver Charlie dans la pièce suivante. Satyre d'un Wonka pyromane ou alchimiste. « J'te couvre. » dis-je simplement, ombre du moment, c'est le rôle que j'incarne, folie armée et froide dans ton dos. Ils comprendront vite que j'hésiterai pas à activer la mécanique assassine si c'est pour ton salut.

Le tableau pourrait s'orner de pathétique si il ne renfermait cette atmosphère lugubre de danger. Je te suis dans l'étage sombre et désaffecté. Laissant mon regard s'échouer sous ton commentaire pour repérer le fil ténu qui donnera accès à l'antre du Sauvage. « Il aime jouer. » dis-je en posant mes yeux aléatoirement sur les plafonds, les murs. C'est un pervers qui jouit du pouvoir qu'il peut incarner, caché à l'abri derrière ses fils et ses bombes. Bien qu'il soit dangereux, c'est prévisible. Loup rôdant à tes arrières, je pénètre avec toi dans cette pièce, arme en main. Découvre, le Roi de pacotilles orné de sa couronne ventrale d'explosifs, le gamin à ses côtés en rôle d'humble valet. Tableau loin de m'émouvoir. Je pointe le canon vers le front du type. Je suis le second rôle aujourd'hui, l'ombre, qui vient se tapir. Il doit vouloir quelque chose. Sinon, il n'aurait pas effectué toute cette mise en scène. « On vous écoute. » Mécanique huilée qu'il a sans doute préparé, on a pas d'autres choix pour le moment que d'avancer dans sa toile et espérer être malin de lui. Seul avantage qu'on partage, celui de n'avoir rien à perdre.