Gueule encore ensommeillée, froissée des excès de la veille, cheveux en bataille et emmitouflé comme il se doit en cette saison, j'ai décidé de te surprendre aujourd'hui. Bien que tu t'attendes à ma visite, j'attends la fin de journée, la quasi fermeture pour rejoindre l'endroit. Chocolat chaud en main parce qu'a priori, t'as envie de ça et je suis un bon ami, tu vois ? « Salut, elle est sur quel bassin Joyce aujourd'hui ? J'suis Colin un bon pote. » Le dit gamin qui ignore encore que son jumeau a été bien plus pour toi, si c'est pas l'ironie ? Mon sourire, personne y résiste, parce que je suis ce genre de mec qui est inoffensif et sur lequel c'est inscrit sur chacun des traits. On me renseigne me faisant savoir que tu es à proximité des requins. Fille sirène qui a ce talent d'apprivoiser les plus viles créatures de notre espèce et de celles marines... J'ouvre mes yeux de gosse à mesure que je chemine entre les contenants aqueux, y'a toute sorte d'espèces, des menaçantes, des belles, des rigolotes et toutes ces couleurs, franchement, la nature ne cessera jamais de m'émerveiller. Je te repère, chevelure souple et virelvolant encore, préservée pour le moment de l'humidité. Levant la main avec le gobelet alors que ton regard croise le mien. « Un Chocolat pour la demoiselle ? » Et l'ami qui va avec, si c'est pas beau ?

Faciès enfantin qui vient rajeunir davantage lorsque tu passes la rembarde, je trouve ça quand même terriblement classe. Sirène dans son élément, tu viens te réjouir de ma venue et il ne m'en faut pas plus pour être heureux. Tendant le goblet chaud pour le faufiler entre tes doigts. « T'as le droit à une petite pause non ? » Disons même que la journée est bientôt terminée mais je ne veux pas abuser en tirant le rideau à ta place. « T'as l'air fatiguée. » Mèche colorée que je viens prendre entre mes phalanges pour la glisser derrière ton oreille. « Mais t'es toujours belle, sois pas inquiète. » Parfois c'est une façon poli de dire qu'on a une tête de déterré, mais en l'occurrence, je ressentais plus une certaine lassitude venant de toi et ce n'était pas vraiment habituel. J'ai l'habitude de faire face à une amie certes calme mais plutôt enjouée, assez similaire à moi sur le plan du caractère. « J'ai plein de photos de bébé si tu veux pour te remonter le moral, même si ce sont des bébés humains. » Et donc pas les plus beaux à tes yeux, mais on s'en contentera non ?

Je suis heureux en prenant soin des autres, ça a toujours été ainsi. Mon père, ça reste mon plus grand échec et c'est sans doute pour ça que je m'obstine à vouloir aider les autres, être présent pour ceux qui me sont chers. Je suis pas le plus grand bavard mais je suis du genre loyal, toujours présent. Le calme apparent sous la tempête interne. « T'en fais pas pour ça ! » Je connais cet univers pour l'avoir partagé avec toi et j'ai plutôt le cœur bien accroché dans ce domaine. « Oh c'est une super nouvelle mais ouais j'espère que tu trouves un minimum le temps pour te reposer ! » Je t'ai toujours connu active, tout comme je peux l'être de mon côté, mais faut pas que tout ça te porte préjudice. « Tu vas tenir le coup ? » Sincèrement inquiet pour toi, je tiens pas pour autant à te faire la morale, tu es suffisamment grande pour prendre les bonnes décisions. « Oh ouais carrément !! » Je suis super excité à cette idée. « Viens ! » Autant te dire qu'on va retrouver notre spot habituel devant l'aquarium des raies. Une fois installé, je sors mon smartphone, et commence à faire défiler les photos, mon téléphone affichant bien trop de notifications de messages et autres, je suis nul pour ce genre de trucs, toujours à l'ouest. Mais quiconque me connaît en sera pas vexé, je préfère les vrais contacts au reste. « Là c'est Noah, et puis là c'est Nora et Ambre des jumelles, nées à 32 semaines mais déjà super fortes, Thomas, Eliott, Beatriz, et regarde Madison comme elle est chou ! » Oui j'étais vraiment gâteux avec mon boulot, un des meilleurs trucs de cette planète, célébrer chaque jour la vie qui arrive.

Je m'inquiète de ta fatigue, parce que tu fais pas mal d'activités à la fois et que j'ai aussi connu ça, ça peut être éreintant, mais je suis heureux de voir que t'as rien perdu de ton enthousiasme d'antan. « J'suis content de l'apprendre. » dis-je un léger sourire venant rehausser mes traits. « ça se voit vachement ! » dis-je en me marrant et en te taquinant allègrement. Et puis, je sais que tu traverses pas une période au top, alors moi mon truc dans ces moments, c'est les photos de bébé, les mini humains, trop mignons, et presque égaux les mini animaux. Je te regarde à ta question, souriant à nouveau. La question se pose c'est clair, parce que c'est le métier que j'ai choisi, ça veut pas forcément dire que j'ai ce genre de projets dans la vie. « J'aimerais oui... » Epaules haussées et un regard complice qui vient se révéler. « Et avoir une vraie famille. » Parce que sans doute que la mienne était trop bancale, je veux exorciser ces failles en construisant mon propre refuge, un cocon à ton image. « Et toi ? » Tu seras toujours en voyage mais après tout, t'as grandit ainsi, et t'es unie à tes parents alors ça me semble pas délirant.

Mon sourire s'épanouit sur mon visage. Je sais que je veux des enfants, je m'imagine pas sans ça dans l'avenir mais les lignes sont encore floues, j'ai personne et pas de projets sur ce versant, alors c'est le temps qui décidera si j'incarnerai ce rôle ou non. « Merci » ! dis-je en passant mes phalanges sur ton épaule, rapprochant doucement ta silhouette de la mienne avant de désposer un baiser tendre sur ton front. Je serai un papa d'enfer, c'est d'une certitude, je suis tout simplement fait pour ça. Et toi ? T'en sais rien. Et honnêtement, c'est normal aussi à nos âges, t'as tout le temps de penser à ces choses là. Et puis, plein d'autres projets en tête. Regard qui se ternit lorsque l'émotion s'invite un peu trop entre tes poumons. L'aveu s'opère alors que tu évoques ce mec dont tu m'as vaguement parlé. Ignorant tout simplement qu'il s'agit de mon propre jumeau. « Comment ça t'as merdé ? » On est encore jeunes, des erreurs on en fait, parce qu'on se construit tout simplement. « Si c'est le bon pour toi, c'est certain que ça s'arrangera, faut faire confiance... » Moi je crois en ces choses là. Et des fois on le pense tellement fort, qu'on en est persuadé. Le bonheur ce sera peut-être avec lui mais possiblement aussi avec un autre. Et pour le moment, tu peux que accepter ce qui se présente sous tes orbes, vivre le malaise du cœur, pour mieux avancer.