La clinique, c'est comme ta maison maintenant. Tu y passes d'ailleurs probablement plus de temps que dans ton propre appartement. C'est ici que tu te sens vivante, utile, en contrôle. Beaucoup mieux que seule dans le logement simple que tu louais depuis deux ans déjà. Un bel endroit mais où tu t'y retrouvais seule. Quoi que la tranquillité de l'endroit faisait du bien après une grosse journée bruyante que tu pouvais avoir ici par moment.
Un autre patient qui quitte, parent satisfait de la consultation. Du repos et des antibiotiques pour le gamins qui s'en remettrait rapidement. On te dit de prendre une petite pause, un petit dix minutes. T'en profites pour te faire un café, envoyer un message à Lily pour prendre des nouvelles. Tu en avais très peu depuis votre retour à Boston après les fêtes. Les cours devaient la ternir occupés et tu voulais t'assurer qu'elle aille bien malgré tout. Ta pause finalement terminée, tu reprends ton matériel et fonce vers le premier dossier disponible sur la pile qui n'arrête pas de grandir. L'hiver et ses petits virus commence. Tu parcours rapidement le dossier des yeux, visualisant la situation; une gamine qui fait de la fièvre depuis quelques heures et dont les symptômes ne diminuent pas avec les quelques solutions essayées plus tôt. Tu refermes donc le dossier, appelant l'enfant qui devait se trouver dans la salle d'attente avec un parent. Plus souvent la mère mais pas cette fois-ci. On peut pas dire que t'es surprise de voir l'enfant avec un homme mais plus par le fait que celui-ci t'appelle par ton prénom avant même que tu aies posé le regard sur lui. Regard qui croise automatiquement le sien. "Jeremiah? Qu'est-ce que..?" Tu n'as pas le temps de finir ta question, voulant lui demander ce qu'il faisait aussi que ton attention est attiré vers l'enfant qui réclame celle de son père apparemment. Autre question que tu aurais voulu demander quoi que la réponse te semble assez évidente; Jeremiah est papa. Un choc pour toi qui avait déjà pensé que vous auriez pu avoir ce genre d'avenir ensemble, toi qui était encore loin d'être rendu à ce stade de ta vie. Pas que tu ne le voulais pas, simplement que tu n'avais pas trouvé chaussure à ton pied. Lèvres qui se pincent, tu te focalises sur l'état de l'enfant, essayant de mettre de côté les sentiments et questions qui se bousculent dans ta tête. "Euh... ouais. On va regarder ça." dis-tu en invitant la petite fille à s'assoir sur le banc d'observation. "D'autres symptômes à part la fièvre? Est-ce qu'elle boit bien? Mange bien?" Juste à observer le petit visage de l'enfant, tu pouvais tout de suite voir qu'elle n'avait pas la grande forme.

Pris par surprise, tu clignes rapidement des yeux pour t’assurer que tu ne rêves pas la présence de la jeune femme. Seulement, tu n’as aucune raison de le faire, ne repensant que rarement à votre histoire pour être tout-à-fait honnête. Boston is the new London. C’est la seule réflexion qui te vient, à force de constater que ton passé s’est réuni dans la métropole américaine, par le plus grand des hasards. Si un tas de questions se bousculent dans ton esprit, auxquelles la jeune femme n’a pas à répondre, la priorité reste la petite dont tu décris rapidement les symptômes en ignorant la question, non formulée jusqu’au bout, de ton ex petit-amie. « Je la force à boire. Elle n’a pas mangé grand chose mais j’imagine que c’est normal. » Brûlante, il y a peu de chance que Cami aie l’appétit, tu l’as pas obligée à manger son repas ce midi. Assise sur la table d’oscultation, tu lui ôtes son écharpe, à laquelle elle s’accroche, grincheuse. J’ai froid, papa. « Je sais, mon cœur, mais le docteur doit t’observer. On la remet vite après, d’accord ? » Peu convaincue, elle a pourtant un petit hochement de tête, et tu l’imagines trop fatiguée pour débattre et avoir le dernier mot. Cela prouve à quel point elle ne doit pas être bien, car il est souvent difficile de lui faire entendre raison. Tu glisses tes doigts dans celle de ta fille pour la rassurer et relèves la tête vers Romane, les lèvres pincées. Tu ne sais pas trop ce qu’il convient de dire dans cette situation, pas certain qu’elle aie envie d’entendre l’histoire de ta paternité. « Je vis à Boston depuis fin 2020. » Tu lâches finalement, pour expliquer, au minimum ta présence en ville, à défaut de lui sortir tout le récit sur la naissance de Cameron. « Et toi ? Je ne t’ai jamais vue ici. A la clinique, je veux dire. On venait souvent, avant. » Lorsque sa mère y était infirmière et tu réalises que ça ne coule pas de source. « Elle n’est pas malade, sa mère travaillait ici jusqu’il y a peu. » Elles se sont peut-être croisées, cotoyées… le monde est vraiment petit. Tu en as toujours eu conscience mais plus encore depuis que tu as posé tes valises de l’autre côté de l’autre côté de l’Atlantique. Plusieurs chapitres de ton passé se trouvent à Boston, alors que la ville n’est pas forcément la première destination aux Etats-Unis auxquels vous, européens, pensez. « Tu es toujours infirmière ou tu es devenue docteur ? » Tu  demandes, parce que tu aimerais bien qu’un pédiatre consulte également la petite afin d’avoir l’avis d’un docteur, même si tu ne dénigres en rien le métier d’infirmière.

@Jeremiah H.-WilliamsLes journées finissaient par se ressembler à la clinique. Souvent les mêmes petits bobos, les mêmes petits virus qui revenaient année après année. Mais tu prenais le temps de vérifier chaque cas comme il se doit, de mettre enfant et parents en confiance pour que ceux-ci se sentent à l'aise de te dire tout ce qu'ils avaient comme remarques ou questionnements vis à vis de la situation. La petite installée sur la table d'osculation, tu ajoutas à la suite de son père: "On va faire ça vite, promis. J'ai juste quelques petits tests à faire." Un petit sourire pour la rassurer, tu commences à installer l'instrument sur son doigt pour le rythme cardiaque et celui sur son bras pour la pression. "L'important, c'est qu'elle reste hydrater" dis-tu pour rassembler le père sur lequel tu avais maintenant mis un nom, et des souvenirs. Londres, ta maison que tu avais quitté depuis de nombreuses années maintenant et pourtant, même à Boston, tu y retrouvais des personnes que tu y avais connu autre que ta famille. "Depuis 2 ans aussi." Vous étiez probablement arrivés dans les mêmes semaines, ou la même année du moins. "J'ai été avec les infirmières sans frontière avant." Ce qui explique pourquoi tu ne t'es pas trouvé à Boston plus tôt. "Et après, j'ai eu envie d'être plus proche de Lily." Ta petite soeur que tu protège probablement trop. Alors que tu relatais ces quelques faits sur ta vie, tu continuais de faire les examens pour comptabiliser les signes vitaux de la gamine. "Ouais, ta température est assez élevée." Il fallait qu'elle soit vu par le médecin assez rapidement pour au moins donner un diagnostic sur la raison d'une aussi forte fièvre et lui donner les moyens de la faire baisser pour le confort de la petite. "Infirmière." Tu n'avais jamais eu l'ambition d'aller dans des études de médecine. Infirmière, ça te convenait tout autant. "D'ailleurs, j'vais aller chercher le médecin. Tu peux remettre ton écharpe, ma belle." continuas-tu en souriant doucement à la petite fille. Autant elle avait besoin d'être vue rapidement, autant tu ne te sentais pas très à l'aise avec Jeremiah. Votre histoire remontait à loin mais elle avait eu de l'importance pour toi. Et tu réalisais que toutes ses années plus tard, tu en étais encore au même stade alors que d'autres avaient commencé à accomplir des projets de vie.

Même si c’est surtout à Cameron que Romane s’adresse, tu hoches la tête lorsqu’elle explique qu’elle va faire quelques tests pour s’assurer que tout va bien. Il faut absolument que tu penses à prévenir Beatriz avant que quelqu’un d’autre s’en charge car la mère de la petite risque de t'étriper si elle apprend par un ancien collègue qu’elle va mal. Tu n’as pas souhaité l’inquiéter pendant ses cours, à l’approche des examens, mais à sa place, cela ne te plairait pas d'être tenu à l’écart, quel que soit la raison. « D’accord. » Tu ne sais pas trop quoi ajouter. T’as fait en sorte de la forcer à boire autant que possible, même si Cami a parfois râlé et refusé de boire de grandes quantités. Tu ne penses cependant pas qu'elle risque quelque chose à ce niveau, mais tu aimerais savoir ce qui ne va pas chez elle et surtout faire tomber sa fièvre. En attendant de voir un docteur, tu donnes de rapide explication à ton ex petite-amie sur ta présence à Boston, sans entrer dans les détails car ce n’est ni le lieu ni l’instant pour le faire. Et puis, au fond, tu n’es pas certain que Romane ait envie de l’entendre vu comment s’est terminée votre histoire. « Oh wow. Ça a dû être une sacrée expérience. » Lewis doit d’ailleurs le savoir mais vous n’avez pas vraiment parlé de sa mentor depuis que vous vous êtes séparés. Pour ce que tu en sais, ils pourraient encore être en contact à ce jour même si tu penses que ton petit-frère aurait pensé à te signaler que Romane est à Boston. « Oui c’est ce qui m’inquiète. Elle dit qu’elle a mal quand elle fait pipi. » Tu aurais d’ailleurs dû le préciser dès que vous avez passé la porte car il ne faut pas être médecin pour se douter que les symptômes sont liés et qu’il est fort probable que Cami ait une infection urinaire. tu aides la petite à remettre son écharpe sans trop l'emmitoufler car ce n’est sûrement pas une solution alors qu’elle est brûlante. « D’accord, merci. » Tu dis lorsqu’elle vous annonce qu’elle va aller chercher le médecin. Ou plutôt quand elle l’annonce à Cameron, car tu vois bien qu’elle fait en sorte de ne pas te regarder ou s’adresser directement à toi à moins d’y être forcée. « Désolé de te prendre par surprise, j’ignorais que tu bossais ici. » Et quand bien même, c’est ici que se trouve le pédiatre de la petite mais tu aurais pu la prévenir il y a un petit temps que tu étais en ville, et papa, si tu avais su.

@Jeremiah H.-WilliamsT'aurais réellement pas su dire ce qui te mettait le plus mal à l'aise dans la situation. Évidemment que le fait de revoir Jeremiah, de le trouver toujours aussi attirant si ce n'est pas plus pouvait facilement mettre un malaise dans la pièce, petite pièce qui vous coinçait près l'un de l'autre. Tu étais passée à autre chose, t'avais pas eu le choix. Puis les années avaient passées et c'est pas comme si t'avais rencontré personne d'autre entre-temps. C'est juste que tu t'attendais pas à le revoir, à revivre vos moments ensembles dans ta tête à sa simple vue. Mais il y avait aussi le fait qu'il avait une fille. Pas que tu le lui reprochais. Loin de là. Mais ça te faisait réaliser que tu en étais au même stade de ta vie depuis des années. Même ton jumeau avait des enfants, deux filles. Et toi, qu'est-ce que tu avais? Ton boulot. Et c'était angoissant de voir que tu faisais du surplace comme ça, de voir que quelque chose ne se déroulait pas comme prévu dans ta vie. Te concentrant sur le bilan de la gamine, tu repris l'écran que tu avais pour ajouter le dernier commentaire du père. "Détail assez important. On va ajouter ça pour le docteur. Je vais remplir les papiers pour une analyse d'urine. Il y a une salle de bain au bout du corridor." continuas-tu de façon professionnelle avant de t'arrêter. "Mais tu dois déjà le savoir vu que c'est pas la première fois que tu viens." T'allais quitter la pièce pour aller chercher le docteur quand Jeremiah continua, en s'excusant cette fois-ci. "C'est... c'est rien, t'inquiètes." T'allais pas en faire tout un plat quand même, n'aimant pas te retrouver dans ce genre de situation. "Ça fait longtemps et... et on a pris des chemins différents depuis." Et vous aviez probablement changer également. Tu n'étais plus la même fille que tu avais pu l'être à Londres. Ces expériences avec les infirmières sans frontière t'avaient fait réfléchir sur ce que tu étais, ce que tu pouvais apporter aux autres. Une façon de gagner en maturité.

Si tu essayes de faire un peu la conversation afin que ça se passe pour le mieux, puisque vous n’avez pas le choix d’être dans la même pièce, Romane ne réagit pas plus que ça à son expérience avec infirmière sans frontière. En même temps, tu ne sais pas trop à quoi tu pouvais t’attendre vu la manière dont les choses se sont terminées entre vous. A rien, sans doute, parce qu’elle est bien la dernière personne que tu imaginais croiser aujourd’hui, ici. « Oui, on connait. » Tu confirmes, un peu mal-à-l’aise et récupère la petite sur la table pour la prendre dans tes bras puisqu’elle te réclame. Ce n’est jamais plaisant d’affronter son passé, moins encore lorsque celui-ci est synonyme d’erreur. Si tu ne regrettes pas votre relation, ni même la fin de celle-ci puisque tu ne serais pas l’homme que tu es aujourd’hui sans la tournure des événements, tu regrettes clairement ton comportement avec l’infirmière qui méritait mieux. Tout est entré dans l’ordre pour toi et, après dix années à ramer, la femme de ta vie se trouve à présent à tes côtés mais tu ne sais pas vraiment si à sa place, c’est le genre d’information que tu souhaiterais obtenir. Au moins ça n’a pas été vain et tu n’es pas parti pour des sentiments éphèmères mais c’est faible comme lot de consolation.  « Oui, c’est sur. J’aurais juste préféré pouvoir te prévenir plutôt que te prendre par surprise. » Pour ta présence mais aussi et surtout ta paternité.
L’infirmière quitte la pièce et c’est un médecin qui la remplace rapidement dans la salle d’osculatation. On s’occupe de l’analyse d’urine de Cami et en attendant les résultats, t’en profites pour appeler sa mère et lui résumer la situation. Sans surprise, Bea te dit qu’elle arrive, puis le pédiatre vous confirme l’infection urinaire et le fait qu’il préfère garder Cami une petite demi-heure pour voir si le suppositoire fait baisser sa fièvre. C’est Romane qui prend à nouveau la relève, le médecin lui résume le diagnostique et tu lui adresses un sourire contrit. « T’es encore en contact avec Lewis ? » T’as peut-être tout fait planté entre eux aussi, pour ce que tu en sais mais ton frère t’en a beaucoup voulu quand tu as tout fait planté entre vous, alors peut-être qu’il a réussi à sauver leur amitié.