poste de police jeudi 30 décembre 2021

Embarqué. Une deuxième fois en même pas un mois. Je n’arrive pas à y croire ! Assis sur la banquette de la voiture de police, je peste. Vous vous rendez compte quand même que c’est ce petit con qui est en tord et pas moi ? Un gros caillou dans la boule de neige. Pour faire peur, pour faire mal, je n’en sais rien. Mais la chose dont je suis sûre c’est que la vitre de ma salle de bain est maintenant brisée en milles morceaux et que je vais devoir me débrouiller pour la faire réparer à quelques jours de la nouvelle année ! J’aurais pu faire un petit quelque chose de fortune pour ne pas avoir froid - et ne pas chauffer la rue - mais… L’alcool consommé à midi avec les mots que j’ai eu pour le gamin et les hommes en costume ne me permet pas de faire quoi que ce soit puisque c’est au poste que l’on m’emmène. S’il y avait un doute sur le fait que j’aime ou déteste cette ville, il n’y en a plus aucun à ce moment même. On s’en rend bien compte mais vous n’y êtes pas allés avec le dos de la cuillère dans le florilège d’insultes et de menaces que vous avez balancé à un gamin. On vous a demandé cinq fois de vous calmer ! Là, au moins; vous l’êtes. Forcément, me retrouver embarqué comme un gamin m’a bien calmé. Mais j’espère que ça lui a appris quelque chose à ce petit con : on ne manque pas de respect à ses aînés. Ni même à la police. Et ronchon, je soupire fortement en tournant le visage vers la fenêtre. Le paysage blanc du Massachussetts ne change pas trop de ce que l’on avait avant. Ce qui change, par contre, c’est le fait que je vais me geler les couilles en cellule de dégrisement parce que je n’ai qu’un t-shirt sur le dos. Ils me gardent là plusieurs heures et, quand ils me relâchent, je me rends compte que je n’ai ni clé, ni argent, ni même téléphone pour que l’on vienne m’aider. Est-ce que je peux appeler quelqu’un pour venir me chercher ? Que je demande, passant une main dans mes cheveux, complètement con et déçu de mon propre comportement. Et quand le coup de téléphone est autorisé, je réfléchis bien à qui je vais pouvoir demander ça. Je fais le tour dans mon esprit et la réponse est simple : Taylor. Je compose le numéro des urgences de l’hôpital, donne mon identité et demande si le Docteur Foster est toujours là. L’infirmière prend quelques secondes avant de me dire Elle est sur le départ. Je vous la passe ! Ça m’enquiquine de lui demander quoi que ce soit mais je n’ai pas trop le choix. Et quand sa voix résonne dans le combiné, je dis rapidement, C’est le Docteur Anderson-Jenkins, est-ce que vous pouvez venir me chercher au poste de police ? Sans poser trop de questions ? Si possible. Mais je sais que je vais y avoir droit et cela est plus que normal. J’en aurais aussi et des tas !

Sans poser trop de questions, c’est pas assez précis ? Que je souffle, ronchonnant légèrement quand elle souffle son « pardon ? ». Il n’y a pas de pardon qui tienne. Je ne veux pas qu’elle pose de questions, qu’elle me donne son avis et que toutes les urgences l’entende. Ça pourrait nuire à ma réputation et je crois que je n’y survivrais pas. Moi le militaire si froid, si droit, si tout… Voilà que je me retrouve comme un con derrière des barreaux. La cellule de dégrisement, c’est bien celle qui est la plus humiliante à mes yeux. J’aurais peut-être même préféré finir aux urgences avec une entaille tout le long de la main. Pourquoi ? Tout simplement parce que j’aurais pu inventer n’importe quelle connerie plutôt que d’avouer que je me suis énervée sur un gamin arrogant. Une chose est sûre, les enfants ce n’est pas pour moi ! Merci. Que je murmure doucement parce que cela me fait bien mal de le dire et de le penser. Je ne sais pas qui j’aurais pu appeler d’autre. Peut-être Joséphine mais je crois qu’elle m’aurait laissé croupir en cellule plutôt que de venir m’aider. Non, pas de caution. Que je soupire doucement, passant une main dans mes cheveux. Pas besoin de claquer une petite somme d’argent quand on a fait l’idiot comme je viens de le faire. Là, c’est juste le côté moralisateur qui prime et ça ne me plaît vraiment mais alors vraiment pas. Pas le temps de la remercier à nouveau qu’elle raccroche et je fais de même. Je raccroche le téléphone sur sa base et regarde le gardien de la paix. Du coup, je peux y aller ? J’ai le droit à un résumé des faits et un avertissement. Il parait que si on réitère les choses, vis à vis des minutes, on prend plus cher que de taper dans un adulte. C’est triste mais je crois que je comprends. Ces petits trucs chétifs ont besoin d’être un peu plus protégé alors que certains auraient plutôt besoin d’être élevés à la dure. On m’invite à rester à l’intérieur - mais de l’autre côté des grilles - et ne peux m’empêcher de pester quand la jeune Fosters débarque et me tacle de son ton presque condescendant. Ceci dit, je ne peux pas lui en vouloir. J’aurais fais la même chose. J’ai menacé un gamin après qu’il ait pété la vitre de ma salle de bain avec une boule de neige pleine de cailloux. Forcément, dans le quartier, j’impose et ça ne plaît pas. Je me lève et dis Quoi ? Vous allez me dire que je suis vraiment débile ? Je suis prêt à l’entendre. Parce que ce n’est pas loin de la vérité sur ce coup.

C’est triste, quand on y pense. Me voilà obligé d’appeler et de prévenir une collègue - une subordonnée - pour qu’elle me sorte de ce merdier dans lequel je me suis mis tout seul comme un grand. Je crois que ma mère, de là où elle se trouve, me juge comme pas possible. Elle ne doit vraiment pas apprécier de voir que son grand garçon agit comme un idiot. Et j’en suis désolé, réellement. Seulement, l’alcool dans les veines, les tourbillons de pensées et me voilà complètement con. Parce que vraiment, quand je raconte le récit de mes tribulations, je me rends vraiment compte que je suis un abruti fini. Qui menace une bande de gamins pour si peu ? Et bien moi ! C’est aussi simple que ça. Je la vois se contenir - se retenir de rire - et ne peux m’empêcher de la foudroyer du regard. J’espère qu’elle a le professionnalisme assez haut pour ne pas se moquer de moi à l’hôpital. De toute façon, je crois qu’elle sait ce qu’il l’attendrait si elle venait à pousser de ce côté. Et j’en ai rapidement la confirmation. ​​C’est l’alcool. C’est pas franchement une excuse Valentin. Et même si c’en était une, elle serait sacrément pourrie. Et puis sérieux, ils auraient pu blesser quelqu’un avec leurs boules de neiges pleines de cailloux. Je leur ai donné la leçon de leur vie, voilà ce dont je tente de me convaincre. Même moi je n’y crois pas mais j’essaye de garder la face. Je l’écoute et lance un coup d’oeil par dessus mon épaule. J’en grimace et souffle Vous avez envie de finir en cellule aussi ? Ce n’est pas une expérience que je recommande à qui que ce soit. Ce n’est pas agréable, les bancs collent et sont froids. Messieurs… Un sourire, une pseudo courbette et je pousse la porte du commissariat pour qu’elle sorte avant moi. Je ne sais pas à quoi ressemble sa voiture. J’aurais pu rentrer en bus mais je n’avais rien sur moi. Pas de monnaie, pas de carte, rien. Et le seul numéro que je connaissais était celui de l’hôpital. Les infirmières ne vous ont rien demandé ? Quelle connerie vais-je devoir inventer demain ? Elle est là toute la question. Je vous suis. Parce que je ne peux pas faire autrement de toute façon et bordel que ça me pèse de le dire, tout ça. Elle n'est pas méchante mais j'arrive toujours à lui remettre son insubordination dans les dents quand je le peux... C'est sur que ça, elle va s'en servir contre moi.

Je suis en train de perdre le contrôle. Je suis en train de perdre mon contrôle et cela me perturbe plus que je ne l’aurais pensé. Pourquoi est-ce que je n’ai juste pas râlé, foutu un carton sur ma vitre et laissé les choses se tasser ? Non, au lieu de cela, j’ai préféré m’énerver, les menacer et… me retrouver au poste. C’est difficilement que je m’avoue que le problème, c’est moi mais cet excès de colère n’annonce rien de bon et ne me correspond pourtant pas. La diplomatie, c’était mon point fort mais depuis la perte de mon repère, je ne sais plus trop ce qui fait parti de moi et quels sont mes points forts, surtout quelques jours à peine après les fêtes de fin d’années. Voilà à quoi m’ont servi ces quelques heures en cellule de dégrisement. Et maintenant que je suis avec Taylor, c’est la honte qui m'envahit. J’essaye de la cacher le mieux que j’essaye mais mes excuses et explications sont bancales. Je le vois bien dans son regard bien qu’elle soit plutôt conciliante. Enfin, elle ne me contredit pas. Est-ce que cela veut dire qu’elle est de mon avis ? Je ne sais pas trop et ne cherche pas à savoir, cherchant principalement à retrouver le cours de mes pensées et filer d’ici. Je ne suis pas à l’aise dans ce lieu, il faut se le dire. Et une fois dehors, c’est déjà mieux. Pas la meilleure des choses - j’ai toujours l’air d’un con avec mes chaussons aux pieds - mais toujours plus agréable que dans cette cellule où je n’avais rien à faire. Ou peut-être que si… Enfin, cette altercation avec la police est derrière moi et vas y rester. Maintenant, c’est sur mon choix d’appel à un ami que je me concentre. Que disent les infirmières, ces commères qui me font toujours rouler des yeux. Et face à ses mots, j’ouvre grand les yeux. Sérieusement ? Que je souffle avant qu’elle spécifie les cancans de l’hôpital. Mais je ne veux pas d’enfants. Ni me marier ! Pourquoi s’imaginent-elles de telles choses ? Ai-je tout du profil de l’homme qui veut se marier et avec des enfants ? Et elle aussi ? Mais lorsqu’elle éclate de rire, mon ton consterné et paniqué disparaît pour laisser place à l’incompréhension. Ça vous amuse ? Ou est-ce que je devrais passer au ‘tu’ maintenant que l’on se connaît un peu mieux et qu’elle vient de me sortir de cellule ? Elle le fait sans soucis mais moi, j’ai encore un peu de mal. Pendu à ses lèvres, je l’écoute et me redresse légèrement quand elle me ‘rassure’. Je l’écoute alors que je contourne le véhicule et entre dans ce dernier quelque peu… rassuré. Le plan a marché. Je lui donne l’adresse de mon domicile et lui pose cette drôle de question. Et vous, vous en voulez des enfants ? Parce que si quelqu’un me fait une remarque un jour, je pourrais toujours dire que ça ne nous intéresse ni l’un ni l’autre - si c’est le cas - et leur clouer le bec ! Et le mariage ? C’est important ? Je suis chrétien catholique pratiquant et croyant mais je crois que j’ai un peu plus de mal avec l’idée de l’amour. C’est même sûre en fait. Et cette discussion risque d’être… intéressante sur bien des plans. Mais je préfère cela qu’un blanc pesant tout le long du trajet. Si elle a meilleur sujet de conversation, je suis preneuse ! Mes yeux sur elle, j'attends qu'elle mette le contact et que l'on se dirige vers mon logis.

Je n’ai jamais été le mec rigolo, celui qui te fait passer la soirée de ta vie et te fait rire jusqu’au bout de la nuit. Oh non. Moi, j’ai tout de Sheldon Cooper dans The Big Bang Theory, je ne comprends pas grand chose aux sarcasmes et les blagues, il vaut mieux me les expliquer. Ma mère a toujours été très sérieuse et l’environnement dans lequel j’ai grandi a toujours été trop sérieux. Ou peut-être qu’on ne riait pas des mêmes choses, certains sujets un peu trop difficiles à aborder et d’autres qui faisaient carrément flipper. Le mariage et les enfants en est un pour moi. Je ne veux rien de cela - et pour un chrétien catholique pratiquant, c’est difficile à concevoir - mais c’est ainsi. C’est peut-être mon manque total de confiance en le commun des mortels qui me fait dire cela, je n’en sais trop rien. Assis dans la voiture, je tente de revenir sur ce sujet de conversation qui devrait la motiver et nous éviter un blanc un peu trop pesant. La majorité des femmes veulent des enfants alors pourquoi pas elle ? Mais comme depuis que nous nous sommes rencontrés, Taylor me donne à nouveau une Masterclass sur “comment ne pas enfermer qui que ce soit dans une case bien précise”. Cette femme me fascine. Face à son aveu, je serre les dents et une grimace déforme mon visage. Faire plaisir à son compagnon en enfantant ? C’est bien l’idée la plus saugrenue que j’ai pu entendre depuis un petit moment. Et puis, ils sont ex maintenant. La question des enfants est-elle celle qui les a séparé ou y a-t-il autre chose ? Je ne suis pas assez curieux - ni proche de la brune pour demander - alors je me contente de répondre Je confirme, on ne fait pas un enfant à quelqu’un pour lui faire plaisir… C’est gentil pour la personne, mais malheureux pour soi. Parce qu’un enfant, c’est pour toujours. Enfin, non, il y a des relations qui ne décollent jamais même entre une mère et son enfant. Puis il y a l’abandon, tout ça. Vous vous êtes évidée une belle épine du pied, en tout cas. Si elle n’en veut pas, elle ne sera pas heureuse et une personne malheureuse, c’est difficile à côtoyer, à voir souffrir. Nous ne sommes pas les araignées dans Harry Potter et la Coupe de feu, à souffrir face à l’Endoloris jeté par Croupton Junior. Ce n’est pas pour rien que c’est un sort impardonnable. Mes yeux sur elle, je fronce les sourcils à sa confession et dis Je crois que… Votre réponse est sérieuse ? Ma phrase se fait vraiment entendre comme une question parce que j’ai du mal à croire qu’elle veuille se marier à Vegas. Il n’y a rien de beau et de fascinant là-dedans. Ce sont majoritairement des âmes en peines qui ‘tie the knot’ dans cette ville du Nevada. Pourquoi ? Parce que ces unions peuvent rapidement être annulées sans rien impliquer alors forcément, c’est facile de faire une connerie et de l’effacer sans même s’en offusquer. Et puisque j’ai l’impression de la fixer depuis tout à l’heure, je regarde droit devant moi et fixe le feu qui vient de passer au rouge. Ses réponses fusent un peu dans ma tête. Elle n’est pas comme les autres, la future Docteure Foster. A moins que je ne vois qu’une partie de sa personnalité. Après tout, ce petit rendez-vous montre bien le côté impulsif de ma personnalité que je m’attèle à cacher depuis toujours. Est-ce que vous venez de dire que je suis un bon médecin ? Si elle voulait flatter mon égo, elle a réussi et bien comme il faut. J’en souris, bêtement et réfléchis un peu plus à sa phrase. Ou c’était un compliment pour vous ? Parce qu’elle a aussi du mal avec l’amour, à ce que j’en comprends. Je ne sais pas trop quoi dire de plus. De toute façon, nous entrons bientôt dans mon quartier avec cette discussion risque de bientôt prendre fin.