SI Liz se targue de plutôt bien se connaître, cette situation aussi inédite que difficile bouleverse toutes ses certitudes. Le seul fait qu’elle soit en train de réfléchir au fait de donner son rein ou non en est la preuve. Cela fait des années qu’elle part du principe qu’elle a mis sa famille derrière elle et ne les considère plus que comme des vulgaires inconnus. Elle ne sait même pas pourquoi elle répond au téléphone une fois par an - grand maximum - quand Kevin McCarthy l’appelle mais elle n’y réfléchit pas plus que ça. Il y a bien longtemps qu’elle a cessé d’espérer une réconciliation ou quelque chose qui y ressemble si l’homme qu’elle considérait comme son père lui manque, elle sait que cette période de sa vie est désormais révolue. C’est comme s’il était décédé, si ce n’est que son sosie est toujours bien présent et trouve toujours un moyen de se faire remarquer par l’ensemble des Etats-Unis - quand ce n'est pas dans le monde entier. Elle sait aussi qu’elle sera toujours associée à lui, qu’elle porte son nom ou non, et c’est la seule raison pour laquelle elle n’a finalement jamais entamé la démarche de changer son nom. Si les choses avaient suivi leurs cours et qu’elle était devenue l’épouse de la femme en face d’elle, elle aurait sûrement demandé à prendre son nom mais plus pour qu’elles aient une vie paisible, et les enfants qu’elles auraient peut-être eu également. Aujourd’hui, la question ne se pose plus. Et même si le mariage avait eu lieu, la maladie de son géniteur lui aurait rappelé qu’elle serait toujours sa fille.
Beth soupire doucement lorsque Ria lui dit que le fait de tenir à ses frères et sœurs ne doit pas être la seule raison pour laquelle elle accepte de donner son rein. Pourtant, elle n’en voit pas de meilleure. Certes, son passif entre évidemment en ligne de compte, mais si l’un des parents de Ria avait eu besoin de son rein, elle ne se serait même pas posée la question et aurait immédiatement fait les tests pour. Et si Liz adore ceux qui auraient dû être ses beaux-parents, cela aurait surtout pour s’assurer que la femme de sa vie ne perdrait pas ses parents. Elle ne peut cependant entièrement la contredire car ne pas aider son père pour ses frères et sœurs est justement ce qu’elle ne parvient pas à se résoudre à faire. Le seul fait d’avoir l’impression de ne pas avoir le choix la pousse à avoir envie de dire non, même si elle n’en a pas encore conscience. L’ancienne skieuse repensera souvent à cette conversation, et à ces mots prononcés par l’ambulancière. Un peu perdue dans ses pensées, elle se redresse et finit par dire : “Mais est-ce que le fait de détester quelqu’un justifie le fait de ne pas lui sauver la vie ?” C’est plus une question rhétorique qu’autre chose mais elle ne peut s’empêcher de penser au serment que son ex-fiancée a prêté. C’est évidemment bien différent ici puisque cela affecte la santé des médecins directement (la plupart du temps) mais c’est quelque chose qui raisonne un minimum en Liz et l’empêche de dire “non” directement, même si cela a été sa pensée initiale.
Lorsque Ria lui demande de lui promettre de ne pas prendre sa décision dans de mauvaises circonstances, Liz acquiesce et finit son verre, libérant la main de Victoria par la même occasion. Elle lui répond verbalement en reposant son verre : “Promis”. Elle ne précise pas qu’elle ne peut que promettre d’essayer, car Ria doit bien s’en douter. Un léger sourire vient accueillir sa proposition, même si Liz doit se mordre doucement la langue pour être distraite de la situation de vide qui l’envahit au moment où sa peau ne touche plus celle de sa belle. “Shake it off?” Inutile de préciser l’interprète (et auteure) de la chanson, et la situation lui paraît assez appropriée à la situation. Elle fait alors signe à la personne en charge de la playlist qu’elles veulent s’inscrire et sans que trop de temps ne passe, elles se retrouvent à s’époumoner sur scène. Et t’inquiète, la soirée ne fait que commencer.