Un jour peut-être, Zack considèrera que Louise et Jade - et le reste de la famille Desrosiers - font partie de sa famille et aura l’impression que le bonheur de Raphaël sera un peu du sien. Il leur reste cependant un long chemin à parcourir et Zack se contente d’être heureux pour son petit-ami. Après ces vingt-quatre heures d’horreur (plus que ça, maintenant), cela fait du bien de voir le visage de quelqu’un s’éclairer. Une pointe vrille bien sûr l’estomac de Cassidy qui ne peut s’empêcher de trouver profondément injuste que la terre continue de tourner quand son monde à lui vient de s’effondrer mais il tient suffisamment à son petit-ami pour savoir être heureux pour lui. Une part de lui trouve d’ailleurs un peu d’espoir dans son sourire et l’émotion dans sa voix quand il parle de ce petit être qui vient de naître. Il aimerait pouvoir être de ceux qui croient en Dieu, qui se disent qu’il y a quelque chose après la mort; alors, il pourrait demander à sa mère de protéger la petite et se dire que si elle devient la bonne fée de Jade, elle ne sera peut être pas morte en vain. Mais peut-être est-ce pour ça que Zack n’a jamais su faire le deuil de ses soeurs et aura du mal à faire celui de sa mère. Se dire que la vie s’arrête comme ça, abruptement, sans raison et qu’il ne se passe plus rien après. Si Zack n’était pas si centré sur sa perte, il s’interrogerait sûrement sur l’intérêt qu’il y a à vivre, à construire quelque chose si c’est pour que tout s’envole en poussière du jour au lendemain. Bien sûr, on lui répondrait que c’est ce qui fait le charme de la vie et la rend si précieuse mais celle-ci n’est-elle pas déjà assez semée d’embûches pour que l’on puisse s’épargner ce genre de décès ? “C’est à ce point ?” demande-t-il, tâchant de se concentrer sur la conversation quand Raph lui répond d’un air perplexe. Il ne semble pas convaincu une seule seconde que sa mère appréhendera mieux les choses avec le temps, mais Zack ne la connaissant pas aussi bien que lui, a du mal à se dire que les choses ne s’amélioreront pas un minimum quand la petite grandira. Peut-être sa mère fait-elle une dépression post-partum ? “Ne compare pas, c’est une autre étape de sa vie…” Raphaël n’a pas une once de jalousie dans sa voix mais Zack ne voudrait pas qu’il se mette à réfléchir de la sorte et finisse peiné. “Et tu étais trop petit pour savoir s’il te regardait comme ça.” Il n’ajoute pas que cela ne veut certainement pas dire qu’il sera plus présent pour la petite qu’il l’a été pour son fils ou sa fille, car il ne peut souhaiter qu’un père moins absent à Jade mais ce n’est pas des yeux qui brillent à la naissance d’un enfant qui veulent dire quoi que ce soit. Rien n’est jamais si facile que ça.
Zack s’éloigne doucement - à peine - quand Raph lui dit de ne pas s’excuser. Il déglutit, acquiesce mais n’ajoute rien. Il sait au fond que Raphaël a raison, mais gère aussi les choses comme il peut - du moins mal qu’il le peut, même si “gérer” n’est sûrement pas le mot approprié. Il ne repousse évidemment pas son petit-ami quand il l’attire contre lui et secoue doucement la tête à sa question. Il a grignoté quelque chose plutôt dans la journée, sur les injonctions de sa tante mais n’a aucune idée de l’heure qu’il était et même s’il cherche à y réfléchir, ne retrouve pas à quoi cette tarte salée était. “Non, allons-y.” dit-il. “Je dois aller pisser, de toute façon.” A trop boire de bière… Il reste là pourtant quelques secondes avant de se décider à se lever et marche un peu plus droit que quand il s’est dirigé vers Raphaël à son arrivée, mais ce n’est pas encore ça. Sa main accrochée à la sienne, il pénètre dans la maison et manque de trébucher sur le pas de porte qui a, pourtant, toujours été là. Après s’être rattrapé de justesse sur le meuble, il évite le regard de son petit-ami avant d’aller vérifier si son père dort, puis de se soulager. Quand il revient, il se retient de se servir un nouveau verre avant d’enlacer Raphaël, lui demandant ce qu’il prépare.