15.10.2021 - 5h du matin | @Levi Duque | Installée dans un fauteuil près de Levi, je tue le temps en dessinant des moutons sur des feuilles que m'ont laissé les infirmières. La fatigue est là, bien présente, et lutter contre elle devient difficile, surtout après avoir éprouvé autant d'émotions ce soir. De la peur, instantanément à la lecture de ce message. Elle m'avait torpillé le coeur, jusqu'à ce que je puisse en apprendre plus. Ses jours ne seraient pas en danger, il aurait besoin de soins, d'une perfusion et de beaucoup de repos par la suite, mais son diagnostique vitale n'était pas engagé. Pourtant, la peur ne s'est pas envolé. En discutant avec le personnel pour comprendre ce qu'il s'était passé, j'ai appris. Le lieu où cela était arrivé, le nombre de personnes admises ce soir. Une dizaine, tous après une soirée au People Republik. Mon sang n'a fait qu'un tour, et j'ai à nouveau imaginé le pire. Jewell, Aaron, Soan... Mais aucun d'eux n'avait été admis ici, ou dans n'importe quel autre hôpital de la ville. Un soulagement, car je ne savais pas si après Aleksei et Levi, j'aurais pu supporter la vision d'une autre personne que j'aime dans un lit d'hôpital. Eux deux, c'était déjà de trop. Surtout de cette façon. Main qui vient attraper la sienne, je dépose doucement mes lèvres  sur le dos de celle-ci. « J'espère que tu vas vite te réveiller, parce que chaque minute que tu passes ici, c'est du temps perdu pour notre futur mariage ! Et tu sais que je me vengerais pour ça ! » Fausse menace qu'il ne peut surement pas entendre, j'essaie surtout de dédramatiser, de me rassurer. Il va ouvrir les yeux. Il doit ouvrir les yeux.

C’est toujours le même rêve qui revient, tu n’arrives pas à trouver la sortie de ce foutu Labyrinthe . Est-ce que c’est ça le purgatoire ? Tes songes se transforment peu à peu, t’es moins bien qu’il y a dix minutes, car tu commences à sentir le mal. Ton audition revient graduellement à la normale, y’a tout un tas de bruit autour de toi. Des bip agressants, le respirateur artificiel qui fait semblant d’insuffler de l’air dans tes narines. Le truc qu’il t’on foutu dans le nez est vachement inconfortable mine de rien. Depuis combien de temps tu dors ? La douleur est insupportable. On t’aurait coupé la main, ça aurait fait moins mal. T’as l’impression que ta peau brûle en permanence. T’as eu des points de sutures à plusieurs endroits, tu dois avoir l’air d’un clown avec un cocard à l'œil ou, encore mieux, d’un zombie vu la quantité de bandage utilisé pour couvrir le haut de ton corps. Tu sais que tu dois ouvrir les yeux, mais tu n’y arrives pas, car la lumière risque de t’éclater les iris et pour être honnête, t’es bien, là, dans la pénombre. Quelqu’un te prend la main. Tu ressens le doux picotement provoqué par le contact de sa peau contre la tienne. Tu entends les mots qu’elle prononce. Cette voix tu la reconnaîtrais entre mille. ‘’ Heureusement que tu as choisi cette main bébé. ‘’ T’as la voix d’un ours mal léché qui vient à peine de sortir de son hivernation. Parler te fait mal, respirer est devenu un supplice sans nom. T’as la perfusion de sang qui t’éclate les veines, putain qu’on t’achève. ‘’ C’est toi qui voulait attendre de trouver la robe parfaite. ‘’ L’ombre d’un sourire cherche à naître à la commissure de tes lèvres. T’as envie de la toucher, de la tenir dans tes bras, mais c’est impossible pour le moment.

@Levi Duque | Les heures ont été longues ici. Quand bien même elles furent peu nombreuses depuis mon arrivée aux urgences, j'ai l'impression d'y avoir passé des jours entiers. Contrecoup de l'angoisse, de la peur, de la terreur de voir quelqu'un de si cher à mon coeur allongé là, inconscient. Il devrait se réveiller, son diagnostic vitale n'est pas engagé. C'est ce qu'on m'a dit, c'est ce que j'ai entendu, lu sur des rapports auxquels je n'aurais pas dû avoir accès. Mais comme pour tout, si on était suffisamment réfléchi, alors on trouvait une solution. Difficile d'ailleurs de croire que j'arrivais encore à réfléchir. A ce qu'il fallait faire, à ce qu'il fallait dire, si on m'interrogeait aussi, si les choses se compliquaient pour Jewell et Soan. Même s'ils n'étaient pour rien dans cela, il suffirait que quelqu'un fouille un peu trop pour qu'il s'attire des ennuis. Et à moi aussi par la même occasion. Malgré tout, l'essentiel de mes inquiétudes restaient pour Levi. Beaucoup de sang de perdu, des points de sutures, des jours de convalescence, voir des semaines de rééducation pour sa main l'attendait surement. Il allait devoir être patient avec lui même et prudent. Mais vu son caractère de tête brulé, ça ne durerait pas. Et c'était bien le plus inquiétant. Je garde sa main dans la mienne, resserre instinctivement mon étreinte en entendant le son de sa voix. Elle est grave et rauque, comme si ses cordes vocales n'avaient pas servies depuis des mois. « Parce que je sais ce que je fais ! » Larmes de soulagement qui viennent humidifier mes yeux, je me retiens de ne pas fondre en larmes. « Parce que je veux t'en mettre plein les yeux, et à la terre entière aussi. Je continue sur ma lancée, parler de choses légères, qui nous amusent habituellement, pour me soulager, et lui aussi. Ne pas commencer à l'étouffer de suite avec mes questions. « T'as de la chance quand même ! Au levé du soleil, je partais avec un infirmier. » Bien sur, il sait que je n'aurais jamais quitté cette chambre avant qu'il ait ouvert les yeux. Jamais.  « Tu veux que je tamise la lumière pour que tu puisses ouvrir les yeux la belle au bois dormant ? »

Tu as la tête en vrac. Ton cerveau reçoit des signaux d’alarme venant des quatre coins de ton corps. Le seul endroit ou t’a pas mal pour le moment, c’est à la bite et fort heureusement, cet organe est intact. Ça te prend quelques minutes pour réaliser que tu es de retour parmi les gens, que ta conscience revient peu à peu malgré ton réel envie de continuer à dormir. Mais ça serait égoïste de ta part de rester seul, de faire croire à l'inconscient alors qu’on te réclame et qu’on a besoin de toi ici. ‘’ Par pitié mon ange, ne me fait pas rire. ‘’ La douleur est insupportable, tout comme la lumière, le bip agressant du moniteur qui s'affole en même temps que les battements de ton cœur. Tu tentes d’ouvrir un œil, juste un peu pour voir le visage de ton amie. Elle est toujours aussi belle cette petite tête blonde. ‘’ À poil t’es à couper le souffle, pas besoin d’une robe. ‘’ C’est la pure vérité. Malgré les apparences, tu restes un mec hyper simple. T’as pas besoin d’une croqueuse de diamant toujours sur son trente et un, même à la maison. Une femme en jogging pour toi à plus de charme que la dame dans une robe hors de prix. ‘’ Si tu pouvais l’éclater cette foutu lumière, ça me ferait d’autant plaisir. ‘’ Mais avant de la laisser s’éloigner, tu libères ta main de son emprise pour venir caresser la courbe fine de sa joue et en cueillir chaque goutte de pluie saline. ‘’ Une Kaine qui pleure, j’imagine que je dois prendre ça comme un honneur ? ‘’ Ton ventre tressaute lorsqu’un rire le menace, mais tu grimaces aussitôt et te recroqueville de douleur ce qui ne fait qu’empirer les choses. ‘’ Y’a personne dans ce bled pourri pour m’injecter de la morphine ? N’importe quoi putain sérieux c’est horrible. ‘’ T’as pas l’habitude de te plaindre. T’es celui qui ferme sa gueule et qui souffre en silence, mais là, t’as perdu absolument tous tes repères. Tu vois cette visite à l’hôpital comme un échec. T’as pas été à la hauteur d'Iron man ce soir. T’as pas pu écrasé vingt-cinq mecs à toi seul sans une égratignure. En plus d’avoir une brèche dans l’ego, ta conscience à prit un sacré coup. ‘’ T’as des nouvelles de Blaine ? ‘’ Sait-elle au moins qui il est et s’il a été admis en même temps que toi ? La douleur quelque peu estompée, tu reprends ta position allongée, attendant sagement que les lumières se ferment.

@Levi Duque | Je me pince les lèvres, en le voyant grimacer. Je ne le voyais plus grâce à la couverture qui le couvrait, mais il avait été sacrément blessé à  l'abdomen. Raison pour laquelle il a perdu autant de sang. Heureusement pour lui, la personne qui l'avait poignardé ne savait pas où viser. Le coup aurait pu lui être fatale. Quelque part, il avait eut de la chance dans son malheur. Et si physiquement, il allait être très limité, son esprit lui, semblait toujours aussi vif. « Tu laisserais tous nos invités me voir dans ma tenue d'Eve, me dévorer du regard à ta place ? » Je sais très bien qu'il pensait ce qu'il disait, que si ça ne tenait qu'à lui, on se serait marié il y a déjà quelques semaines à Vegas, dans la simplicité même, juste pour le plaisir de le faire, de vivre à fond notre jeunesse. Sa main quitte la mienne pour venir essuyer ma joue avec la plus grande délicatesse. « Comme un honneur, ou comme l'annoncement de l'apocalypse, j'ai pas encore décidé. » Parce que quand bien même je reste surement la plus sensible de cette famille, je sais moi aussi faire preuve d'une cruauté froide quand il s'agit de me rendre justice, ou à ceux que j'aime. Et s'il fallait traquer ceux qui avait fait ça, j'étais parfaitement apte à le faire. Pourtant, je l'affirme avec un sourire amusé, naïf, parce que cette apparence de fille un peu niaise, insouciante, c'est aussi ma couverture dans ce monde. Je m'éloigne du lit pour éteindre les lumières principales de la pièce, n'allumant que les petits luminaires, dispersés un peu partout dans la pièce, veillant à ce que ça ne soit pas non plus de trop, préservant une certaine pénombre. De retour près de lui, je dépose mes lèvres sur son front. « Tu peux ouvrir les yeux maintenant, ça ne devrait plus t'agresser. » Je regarde le moniteur avec ses constantes. Sans être experte en médecine, je sais ce que bon nombre représente et comment les lire. « Il suffit d'appeler une infirmière pour ça. » Ce que je ne me gêne pas de faire, appuyant sur la petite sonnette prévu à cet effet. Je l'aide à se rallonger confortablement, me pince les lèvres en réfléchissant. Etait-il prudent de lui dire ce que je savais au vue de son état ? J'hésite, mais me lance, espérant pouvoir le rassurer et l'apaiser malgré les graves nouvelles qui touchent son ami. « Je ne devrais pas te dire ça... » Parce que je ne devrais pas être au courant. « ... Mais il a été admis à l'hôpital aussi. Je... Je ne sais pas ce que dit son rapport, car je ne peux pas le voir mais... J'ai entendu les médecins parler d'un truc et... Je crois qu'il a été drogué. Au bar... » Et ça, ce n'était pas plus rassurant que le reste.

Cette idée de mariage, c’est un délire qui remonte à la rentrée. Votre séparation n’a pas aidé et l’ennuie encore moins. Passer les vacances loin de l’autre t’a fait comprendre à quel point Elvira est importante pour toi et à quel point la place qu’elle occupe dans ta vie est immense. Comme tu comptes rester célibataire pour le reste de ta vie, autant épouser ta meilleure amie pour lui épargner un mariage de merde et tous les deux vous pourrez construire votre bonheur à votre manière. ‘’ Ça prouve à quel point je suis généreux. ‘’ Priver l’humanité d’une telle beauté, c’est être sacrément égoïste. ‘’ Je te défend de partir en guerre contre qui que ce soit. ‘’ Siffles-tu d’une voix encore endormie. Elle semble innocente et docile lorsqu’on la croise au détour d’une rue, mais Evie à un sacré caractère. Elle est prête à tout pour les gens qui lui sont chers, à quel point, ça par contre tu l'ignore. Il y a quelques parts d’ombre, chacun à ses petits secrets, mais aujourd’hui, il n’y a pas de place pour cela dans cette chambre. Les lumières se tamisent et déjà ça fait toute la différence. Tu sens que tu ne risques plus rien à ouvrir les yeux avec les néons en moins. Sourire qui étire le coin de tes lèvres lorsque la belle vient embrasser ton front, tes paupières s’ouvrent enfin. Il te faut plusieurs battements de cils avant de pouvoir distinguer les formes correctement. La pièce est blanche, beaucoup trop blanche et moche. Ton regard migre vers la sonnette d’urgence et en moins de temps qu’il n’en faut pour dire banane, tu te retrouves confortablement installé dans ton lit. La douleur est atroce, inconfortable. Tu ne connais pas l'étendue des dégâts, pas encore du moins, mais tu sais qu’il y a pas mal de dommages, dont le plus important à la main. Malgré ta situation, il y a une chose qui te préoccupe davantage. Blaine. Tu poses des questions à son sujet dans l’espoir d’avoir une réponse. Tu veux savoir s’il est en vie d’abord et avant tout. Ta meilleure amie tente de t’expliquer au mieux, d’être la plus douce possible dans ses explications. Tu serres la mâchoire et le moniteur cardiaque part en vrille lorsqu’elle mentionne la drogue. Tu te souviens de ce détail, de l’écume à sa bouche. ‘’ Mais il est vivant ? Ils ont foutu quoi dans son verre ? ‘’ Tu as la haine, t’es à deux doigts de sortir de ton lit pour partir à la chasse aux cons. T’es loin d’être en état et vu la situation, tu ne risques pas de faire peur à qui que ce soit. ‘’ Et les policiers, là ? Ils servent à quoi ? ‘’ Autre que boire du café et bouffer des donuts.

@Levi Duque | « Ooooh ! Mais c'est que je vais épouser le meilleur des hommes alors ! » J'ai un petit rire alors que je le regarde attendri. Je sais qu'avec moi, il l'était, sans même que j'ai à réclamer quoique ce soit. Comme quand il s'inquiète, alors que c'est lui qui est cloué au lit, que je puisse faire quelque chose de stupide et dangereux. Il ne sait pas à quel point ses mots sont pertinents, car aucune information sur ce qu'il s'est passé ce soir n'a été ignorée. Qu'importe qui étaient ceux qui avaient causé cela, ils allaient le payer cher. Oui, j'allais partir en guerre. Je ne sais pas encore contre qui, ni l'impact que cela aurait, mais j'avais bien appris certaines de mes leçons. Aucune des attaques menées contre nous ne devait rester impuni. Et même si ce n'était pas mes frères ou moi qui avions été directement attaqué, ça ne devait pas rester sans conséquences. Semer le chaos au People's Republik, c'était tout simplement nous provoquer. Ce qui était désormais réussi. Ce que je ne peux lui révéler sans prendre le risque qu'il s'énerve, s'excite et aggrave son état. Je fais donc ce qu'on m'a appris à faire le mieux, joue sur les apparences. « Contre qui veux-tu que je partes en guerre Levi. Et puis tu m'as vu ? Comme si je pouvais représenter un danger. » Léger rire qui passe la barrière de mes lèvres, derrière mon apparence se cachait pourtant bien un danger, souvent ignoré ou sous-estimé, ce qui me laissait souvent amer, mais en même temps, c'était le meilleur moyen de me protéger.

Je l'aide à s'installer plus confortablement, à rendre les lieux plus agréables pour lui. Dans l'optique qu'une chambre d'hôpital puisse de quelque façon être agréable. Je m'inquiète de le voir grimacer, aimerait lui dire de lever le pied, mais il ne semble pas de cet avis. Comme beaucoup, il s'inquiète pour d'autres avant lui même. L'état de Blaine le préoccupe, je le vois bien dans son regard. Alors je me décide à être honnête, révélant doucement des informations auxquelles je n'aurais pas du avoir accès. Mais si je ne lui donnais pas, il risquait de vouloir aller les chercher lui même. « Il est vivant mais... Inconscient. » Et pour le moment, les médecins n'avaient pas l'air de savoir quoi en penser. « J'ai entendu parler de Fentanyl... C'est un analgésique puissant, qui peut aussi servir de drogue... » Et qui donc aurait pu le tuer à trop forte dose... Ce que je me garde de lui dire pour ne pas l'inquiéter ou l'énerver plus. « Ils interrogent tout le monde, vont surement fouiller le bar, les vidéos de surveillances, etc... » Ou faire semblant de le faire, mon frère ayant des accords avec eux sur tout ce qu'il pouvait se passer au PR. Autrement dit, l'affaire était surement déjà enterrée.