mardi 21 septembre 2021

Et voilà, nous y sommes. Presque trois mois après t'avoir dit oui et un mois après avoir demandé le divorce de vive voix, nous voilà devant l'avocat qui s'occupe de la fin de notre histoire. Il ne manque plus qu'un seul papier : celui que nous devons rédiger ensemble pour définir les... termes de ce dernier contrat. Vu notre situation, l'avocat a accepté de nous laisser un instant toutes les deux, seules, dans une salle à part. Coucher sur papier nos volontés dans ce divorce. Celui qui va réellement mettre fin à tout ce qui a pu se passer et qui n'aurait, sans doute, jamais dû se passer. La porte se referme derrière nous une fois que nous sommes installées avec cette feuille vierge et ce stylo prêt à être utilisé, nous coupant du reste du cabinet. « Bon... » Ok, ne nous le cachons pas, c'est vraiment étrange comme situation. Mais là, je ne veux pas commencer par la paperasse. « Je n'ai... pas eu le temps de te demander en arrivant, parce que nous avons été accueillies immédiatement, mais... tu vas bien ? » Je ne sais pas, c'est la moindre des choses. Je me soucierai toujours de savoir comment tu vas, tu sais. Tu restes ma meilleure amie d'enfance avant tout.

mardi 21 septembre 2021

w/@Alizée Wertheimer
Ta réponse -- qui n'en est pas vraiment une -- me prend au dépourvu. Allez, signons ces papiers qu'on en finisse, vraiment ? Même pas un ça va, merci de m'avoir demandé ? Parce que tu vois Ali, je sais que ça ne va pas super fort et ça me travaille, ça me rend malade parce que je veux seulement que tu sois bien et heureuse. Que tu retrouves le sourire après l'épreuve que tu as traversée. Même si j'ai mal supporté l'annonce de ta grossesse pour des raisons diverses et variées qui n'ont plus lieu d'être, ce n'est pas pour autant que je te souhaitais de traverser ce genre de malheur. C'est ma manière d'essayer de revenir vers toi, de te montrer que je te porte toujours dans mon cœur et que je suis toujours ta meilleure amie d'enfance... et tu la balaies d'un revers de main sans même hésiter. Je peux le comprendre ; mais il n'empêche que ça me refroidit. Parce que ça fait mal. Je fais un pas en avant, et me voilà en train de reculer d'une dizaine de pas en arrière. C'est ce que tu voulais, je suppose ? En plus, tu te renfermes dans la rédaction de ce dernier papier. Ok, soit. J'avais oublié ce petit caractère de cochon que tu peux avoir. « D'accord. Alors tu peux marquer que tu renonces au port de mon nom de famille, dis-je, me rappelant des quelques idées de l'avocat pour nous lancer sur la rédaction de ce papier qu'il nous faut impérativement, que tu gardes ta villa, tes meubles... » Et moi je garde mon appartement, mes meubles aussi, tout ce qui m'a toujours appartenu, quoi. Je te laisse écrire, bras croisés, avant que je ne pose une main sur mon épaule, la pianotant du bout de mes doigts. « Ça va, merci... » Moi aussi, je reste brève. Alors que j'ai un tas de choses à te dire. Mais quand je dis que tu m'as refroidie... Et pourtant, tu sais, je n'aime pas ce que nous sommes devenues. Ma meilleure amie me manque.

mardi 21 septembre 2021

w/@Alizée Wertheimer
Je laisse échapper un petit rire au fait que tu aies pris mon nom de famille le jour de notre mariage. Nom de famille que tu t'apprêtes à perdre mais ce n'est qu'un détail. « Au pire, il y a toujours mes sœurs. Il me semble qu'elles sont encore célibataires toutes les deux. » Ou alors, elles me cachent leur nouveau statut amoureux -- et je ne pourrais jamais leur en vouloir, étant donné que je leur cache le mien. Enfin, je le cache à tout le monde. À elles, à mes parents et même à toi. Alors que je me suis toujours dit que, le jour où je serais de nouveau en couple sérieusement, tu serais la première au courant. Mais nous marchons beaucoup trop sur des œufs en ce moment, tes émotions sont sens dessus sens dessous avec ces histoires de grossesse et de fausse couche, et nous avons le nez en plein dans notre divorce ; je doute que ce soit une bonne idée de tout te révéler maintenant. Pour le moment, je remarque surtout le sourire qui se dessine sur tes lèvres. C'est moi ou il est communicatif ? Tu m'intrigues, là. « Pourquoi est-ce que tu as l'air de te marrer d'un coup ? » Finalement, la tension semble s'évaporer petit à petit. Elle était beaucoup trop électrisante et suffoquante, si tu veux mon avis, elle me faisait encore plus mal que notre dispute de la dernière fois. Alors oui, je viens de me braquer parce que je ne pensais pas me retrouver face à une Alizée glaciale au départ, mais tu fonds petit à petit et, d'un côté, ça me rassure. Nous nous supportons mutuellement, nous nous aimons depuis plus de vingt ans -- alors oui, ça me rassure de voir que, quelque part, notre amitié est toujours là. Malgré le gros coup qu'elle s'est pris le mois dernier, elle n'est pas très loin, prête à refaire surface et nous lier encore une fois. Et très honnêtement ? Je n'attends que ça. Et, cette fois, c'est toi qui fais un premier pas vers moi. Tu crèves l'abcès. Je me mords la lèvre inférieure, clairement pas fière de ma réaction, coupable de t'avoir fait du mal. « Je sais que je t'ai blessée, et je comprends ta réaction. » Par contre, toi, tu ne comprendras jamais la mienne. Il te manque trop de pièces de ce puzzle, des pièces délibérément jetées et oubliées depuis. « Et ça m'a fait mal de... d'avoir réfléchi par la suite et de m'être dit que j'ai été la pire des meilleures amies. Je ne l'ai jamais voulu. Et tu... tu sais que je n'ai jamais voulu te faire de mal non plus, hein ? » que je te demande, posant presque timidement ma main sur la tienne, dégageant même le stylo qui, pour le moment, me gêne un peu. Je serre ta main, prête à retirer la mienne au cas où tu ne veuilles d'aucun contact physique là, maintenant. « Hey, tu n'as rien gâché. Je m'éclaircis la gorge, hausse les épaules, un peu détachée. On l'a toutes les deux voulu, c'est pour ça que je ne t'ai jamais repoussée. Je pense juste que nous nous sommes... perdues entre-temps. Alors oui, je t'ai dit qu'on arrêtait le sexe, mais ça ne veut pas dire que je regrette tout. Ça ne veut pas non plus dire que notre amitié a été gâchée ou que je ne veux plus qu'elle existe ou autre. Vraiment Ali, tu es... t'es ma meilleure amie. Depuis toujours. Je ne peux pas me débarrasser comme ça de toi, tu es trop importante à mes yeux. » Ma meilleure amie d'enfance, ce n'est pas rien ! Alors je conclus, avec un petit sourire relativement timide, « Il est hors de question que je te perde, surtout pas pour une histoire de cul. À la vie, à la mort, oui. »

mardi 21 septembre 2021

w/@Alizée Wertheimer
« Dis-moi seulement, pourquoi as-tu voulu te marier avec moi ? Je sais que ça ne voulait rien dire, que c'était pour me sortir de mon mariage arrangé... » Lequel n'a finalement pas eu lieu - et pourtant, nous avons toutes les deux tenu à rester la légitime épouse de l'autre, alors que nous pouvions défaire nos liens aussitôt. « Mais puisque le concept du mariage lui-même ne t'a jamais vraiment plu, alors pourquoi ? » Viennent ensuite les explications. Brisons la glace de cette manière, expliquons-nous, prenons le temps de nous parler et de nous comprendre. J'ai l'impression que les reproches fusent, mais je suppose que je les mérite ; on récolte ce que l'on sème, n'est-ce pas ? Mais j'essaie tout de même de me défendre comme je peux. Tu n'as qu'une partie de l'histoire, finalement. « Aucune de nous deux n'a voulu adresser la parole à l'autre pendant des jours alors que nous avons toujours eu quelque chose à nous dire... Je ne me sentais pas de revenir en faisant comme si rien ne s'était passé. Je conçois que c'était probablement maladroit de ma part. Mais il m'a fallu du temps, à moi aussi, pour digérer tout ce qu'il s'était passé. » À cause de mes réactions, de mon caractère et de ma franchise parfois blessante, les autres me diabolisent à chaque fois quand quelque chose tourne mal. De temps en temps, quand c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase, j'ai envie de crier sur toutes ces personnes pour qu'elles se rendent compte que non, je ne suis pas une fille insensible et sans cœur. Que moi aussi, comme tout le monde, j'ai le droit d'avoir des réactions, j'ai le droit d'être en colère ou triste ou déprimée pour x ou y raison, j'ai le droit de me sentir trahie et d'être blessée. Que tout cela ne fait pas de moi le grand méchant de loup de chaque histoire, finalement. Je ne suis pas un monstre, contrairement à ce que beaucoup pensent. Alors oui, j'ai ma petite façade, ma petite forteresse ; je n'en reste pas moins un être humain doté d'une certaine sensibilité et de sentiments. Un être humain capable de faire des erreurs. Comme tout le monde. Mais quand on se doit d'être une jeune femme modèle et parfaite, les petits écarts sont sans doute plus difficiles à digérer. « Eh bien justement, parce que nous sommes au-dessus de tout ça, je pensais que j'étais assez importante pour que tu fasses attention à moi et à ma santé, comme je le fais avec toi. » Ça passe notamment par cette foutue protection, mais je soupire, secoue la tête et retire ma main de la tienne, pour la passer encore une fois dans mes cheveux. « Bref, ne remettons pas ça sur le tapis, une légère pause, puis, il va nous falloir du temps à toutes les deux, mais je m'autorise à y croire. » À ce qu'on reparte sur de bonnes bases et que tout redevienne comme avant. Parce que oui, toi et moi, ce n'est pas que du cul. Et ça ne sera plus du cul. Je trouve que nous sommes bien mieux en tant que meilleures amies pures et simples.