Passe la porte fenêtre dans mon déshabillé et me présente sur sa terrasse, muette le temps d’allumer ma cigarette, et constate avec un sourire que Guizmo est à mes pieds, en manque de son maitre. Respirant longuement la nicotine, possiblement pour me calmer, parce qu’il doit se douter, que le compte à rebours est lancé. Celui de la bombe Joey. Et lorsque je recrache ma fumée, levant les yeux vers le ciel étoilé, je crache avec un agacement non-dissimulé. « On aide les jeunes filles en détresse Cooper ? » La jalousie, c’est le pire des venins qui coule dans mes veines. De ma langue je souligne mes lèvres, le contemple, de biais, les paupières plissées et reporte mon cylindre incandescent à ma bouche humidifiée. « Tu l’as baisée ? » Avant moi. Que je demande en un nuage de fumée. Le cœur martyrisé. L’esprit aliéné.
ft. @Joséphine Porter |
C’est au prix de quelques larmes versées qu’elle est parvenue à se calmer et dieu sait que j’aurais préféré la voir déverser sa frustration sur ce clebs qui n’a pas cessé de nous coller à défaut de vouloir rentrer. Une histoire d’amourette, flirt d’été qu’elle aura sans doute tôt fait d’oublier. Mais le hic dans cette histoire est qu’elle lui a donné ce qu’on lui avait formellement interdit d’offrir avant d’avoir prononcé ses vœux, si tant est qu’ils en prononcent durant leurs cérémonies païennes. Un coup d’œil rapide est jeté sur la toquante qui martèle au derrière, à travers cette baie vitrée partiellement ouverte, vieillerie que Snow a dégotée et dont il n’a jamais voulu se séparer parce qu’elle a d’après ses propres mots du " cachet", juste une excuse selon moi pour gentiment me faire chier. Pas grave, son coffrage généreux m’a permis d’y dissimuler quelques objets dont le poids modifie juste à peine le son qui empli de ses résonances sa cavité. Il faudrait être un expert pour en saisir la légère nuance lorsque sonnent les heures écoulées.
Pas aériens qui résonnent eux aussi maintenant qu’Haiwee est partie, c’est Joey qui vient prendre naturellement connaissance de ce qu’il s’est passé, d’une façon détournée, silencieuse parce que nerveuse qu’une autre ait pu tranquillement venir jusqu’ici s’aventurer, en territoire occupé. « On aide les jeunes filles en détresse Cooper ? » L’odeur de sa cigarette liée au gout de ce verre ambré que je n’ai pas encore terminé me ramènent à des souvenirs passés. « Tu pourrais en perturber un, » et je ne parle pas de ce chien mais de Snow, débarquant avec si peu de matière sur la peau. Parce qu’il s’est amouraché d’une grenouille de bénitier qui n’aurait jamais idée de porter avec tant d’élégance ce qu’étale fièrement Joey. « Tu l’as baisée ? » La question se devait d’être posée, naturellement la connaissant et muet les premières trente secondes à l’image de cette chambre partagée le temps d’un séjour à New York dont elle n’a jamais eu vent, j’ai par la suite expiré pour retrouver de mon aplomb, lui répondant : « Non. » Peut-être que, dans d’autres circonstances, j’aurais pu ce soir-là si je n'avais été pris par d'autres engagements, ceux qui me lient à elle depuis un petit moment. « Et toi ? » Parce que tout ce qu’il s’est passé avant ne regarde que moi…
Et parce qu’il reprend lentement sa respiration à la suite de ma question, j’en viens à douter de leur passé commun comme de ses intentions, malgré le fait que sa repartie soit un si simple ; « Non. » Mais encore ? Car de mémoire, je suis, moi-aussi, venue chercher chez toi, un soir, du réconfort. A l’époque déjà accrochée, c’était une Joey sans artifice, vulnérable, que je lui offrais. Comme elle. Et c’est bien pour ça que c’est autant que ça m’interpelle. « Et toi ? » Fous-toi de moi.
Comment est-ce qu’il avait dit ? Amie ? … ce mot c’est trop de possibles qu’il signifie. Trop d’embouchures pour laisser s’insinuer en mon être, resté immobile trop longtemps durant leur aparté, la jalousie. Il sait que respecter leur semblant d’intimité m’a coûté. Que je n’ai de cesse de me battre contre des émotions qui prennent plaisir à exploser. Que d’une mèche craquée, je peux vite m’embraser. La clope toujours entre les doigts, à la suite de son piètre et toi qui ne me convient pas, c’est avec un rictus vicieux, un rire qui se veut dangereux, qu’en un mouvement furtif de la main, je le désigne. « Ton copain ou ta copine ? » Tu le sais bien qu’à ce jeu, moi aussi, je peux être une version très conne de la Joséphine.
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