Les solitaires comme toi et moi ont besoin de buts pour avancer dans leur absurde existence. Trop de gisants dans nos cimetières, trop de peines en fardeaux pour faire de nous des hommes à l'esprit clair. La bonté s'incarnera dans d'autres chairs, pour notre part, on a décidé de suivre ce chemin étrange et tortueux qui ne décide pas vraiment du camp sombre ou du camp clair, servant notre propre morale en dépit des lois établies et communes. Sans foi, ni loi sinon la nôtre. Et puisque ta vengeance se terre dans celui qui a pris ta vie même, en tant qu'ami, je ne peux que t'accompagner dans cette quête. « Des failles qui ont besoin d'être comblées. » Il y a souvent ce problème de narcissisme chez les tueurs en série, un besoin étrange de briller à tout prix, même si c'est de la plus obscure des façons. « Des choses qui te font penser qu'ils sont plusieurs à agir ? » Peut-être des évènements simultanés, ou trop proches dans le temps et éloignés pour avoir été commis par la même personne. Simplement une stratégie pour se préserver, effectivement tout est possible. « Quels matériaux utilise-t-il pour provoquer les flammes ? Est-ce que ça te semble compliqué ou plutôt simple ? » Je n'ai aucune connaissance en la matière mais pour ce qui est des meurtres sur lesquels je peux enquêter lors de mes autopsies, les gestes traduisent souvent l'expertise avancée ou non du tueur. « Possible, à moins que ce ne soit toi qu'il veut atteindre. » Regard placide et posé parce que mon instinct me dit que c'est toi qu'il veut détruire, prendre tout ce que tu as, pourquoi, je l'ignore ? Mais le constat est là, il souhaite t'attirer dans ses filets, te laissant quelques indices mais jamais suffisamment pour se faire attraper. « Tu veux bien m'appeler la prochaine fois qu'il agit ? » Parce qu'il y aura une prochaine fois, c'est certain. « Je vais regarder les fichiers entre temps. » Crois-moi lorsqu'une obsession s'impose à mon cerveau, je n'ai aucune raison de lâcher avant d'avoir résolu l'énigme.

J'tarde à réaliser, à quel point ton soutien m'est précieux. Avec ton point d'vue, ton recul sur la situation, peut-être que certains détails m'auraient sauté aux yeux. Mais j'préfère être aveuglé par la fatigue, par c'te colère qui prend l'pas sur l'ensemble des autres sentiments. J'vais finir par tout envoyer chier, l'boulot et les proches; parce que c'est ma façon d'faire quand j'tombe au fond du trou. Ca m'tue d'y penser, mais j'ai déjà prévu les papiers, dans l'cas ou... Tu comprendras si ça arrive. Pour l'heure, j'ai qu'une idée en tête, et t'as l'air bien décidé à m'épauler, même si c'est pas d'la façon la plus légale qui soit. " Sans doute. " t'as probablement raison, et j'aurais dû l'comprendre avant. Ces monstres ont besoin qu'on leur offre de l'attention, qu'on les glorifie dans un sens, même s'ils n'apparaissent à l'écran que pour leurs crimes. " Les dates. Les mécanismes, parfois différents, qui donnent pourtant l'même résultat. " quoique, j'me prends à penser qu'il emploie volontairement des incompétents, parfois, pour brouiller les pistes. Suffit qu'les flics aient un truc à s'mettre sous la dent et l'attention est détournée. " C'est la que c'est fort.. Il fait brûler, juste assez pour créer d'la fumée, mais pas assez pour embraser la baraque. Le feu s'éteint tout seul, privé d'oxygène. Pourtant, il n'est pas vraiment mort. Il attend simplement qu'une personne ouvre une porte, une fenêtre.. Qu'on lui offre l'air. Et boum, ça explose. Les victimes provoquent leur propre mort. " tu l'auras compris, il possède des connaisses en la matière. Il sait doser l'combustible, et connait probablement un minimum l'quotidien de ces gens, pour prévoir l'explosion. J'avoue, c'est un travail d'une admirable précision. C'est complexe à mettre en oeuvre; alors réussir autant d'coups "parfaits", ca devient hallucinant. Mais il a tué Tan' et c'est tout c'que je souhaite garder, pour m'motiver. " Moi ? " tu sembles presque sur de toi, alors que ça m'semble tout sauf évident. Mais peut-être que d'ton point d'vue, t'as un aperçu plus global de cette merde. J'sais pas, j'dirais surtout qu'on joue au chat et à la souris. S'il voulait s'en prendre à moi.. Ce n'est pas moi qu'il viserait. " Evidemment. Ca devrait pas tarder. Merci pour ton aide, vieux frère. " j'ai bien besoin d'un esprit aussi futé qu'le tien pour avancer. Sans parler d'ton soutien, qui compte bien plus que je n'le laisse paraître. T'es comme un frère Albus, comme la famille.

Je ne suis pas expert en incendie mais plutôt calé en atrocités humaines. Les profils des tueurs, leur mode opérationnel, j'ai appris beaucoup de choses à leur sujet de par mes observations, mes fréquentations professionnelles aussi. Souvent, un mode opératoire apparaît, les failles narcissiques parlent dans les répétitions d'actes, comme un besoin impérieux de signer les crimes, de se les accaparer et c'est souvent là que réside leur faiblesse. Toile qui se tisse entre l'agresseur et les forces de l'ordre. J'acquiesce simplement lorsque tu me dévoiles la piste qui te laisse penser qu'ils sont plusieurs à agir. Quand au mode, il est tout simplement saisissant de cruauté. « C'est un professionnel du sujet apparemment. La fascination de l'élément semble classique. » Laisser le feu accomplir son propre règne de dévastation. « Mais si il sait berner des professionnelles aussi efficaces que Tanwen il est redoutablement doué. » Toi et moi, on le sait parfaitement. Mon sourcil se lève et je sais que plusieurs criminels coupables de pyromanie étaient au départ du bon côté. « Peut-être un ancien pompier ? » Seuls les soldats du feu peuvent acquérir autant de connaissance sur le sujet. Pour moi certains liens se font et même si ils ne sont pas véridiques, il faut y penser. « Réfléchis-y, pense à d'anciens ennemis. » Avec ton caractère, ils sont sans doute un certain nombre. « J'attends de tes nouvelles dans ce cas. Si je peux te rendre utile, tu sais que je suis là. » Manœuvre maladroite et détournée, pour t'avouer que cette même affection fraternelle, je la partage avec toi.

C'est presque comme une chasse à l'homme. J'ai juré d'traquer cet enfoiré jusqu'au bout du monde, si nécessaire. Mais depuis l'premier jour, je n'ressens que solitude et frustration, quand j'ouvre les pages du dossier. Tanwen n'y croyait pas, j'm'en rappelle comme si c'était hier. J'entends encore sa voix m'inviter à la rejoindre sous les draps, alors que j'étais enfermé dans cette spirale devenue obsession. J'avais raison, et ça m'bouffe. J'avais raison, mais ma volonté n'a pas été suffisante. Ma vigilance non plus. Aujourd'hui, j'réalise simplement que j'aurais dû t'en parler, et ce, dès l'départ. Un allié de ta trempe, ça aurait changé la donne. Tu m'aurais donné les outils, comme tu l'fais ce soir, dans c'bar. Si tu savais comme j'regrette tout ça; cette merde et les ennuis qui en découlent. Combien d'vies emportées par ce psycho' ? Combien d'familles détruites par les flammes ? J'en fais toujours des caisses parce que ça concerne Tanwen, mais ça va bien plus loin. Tu sais, la nuit, quand j'ferme les yeux.. J'vois pas seulement son visage à Elle. J'les vois tous. Tous autant qu'il sont. Femmes. Maris. Enfants. Des innocents. " C'est traître. Un feu sans flammes. Une explosion et tout vole en éclats. " c'est un piège, même pour nous, soldats du feu. " Ce jour là, c'était différent. Il a déclenché l'accident lui-même, avec un système à distance. " il visait les camions rouges, aucun doute là dessus. Tanwen, notre compagnie; je l'ignore. Mais deux personnes sont mortes ce matin là. L'hypothèse avancée semble de mise, même si je n'voulais pas y croire, question d'principes. Parce qu'on devrait être comme une grande famille; c'est toujours comme ça qu'on nous présente. " Il va falloir ressortir les archives.. Les vieilles photos. " des choses restées en Californie. J'secoue légèrement la tête, grince volontairement des dents; putain, j'suis passé à côté d'mon sujet. La moitié des éléments pourraient reposer à la maison, à proximité des affaires de Ces affaires. J'ai pas envie d'y retourner, mais j'crois pas avoir le choix. " Si encore ils étaient rares, ça irait.. " visage tordu par un maigre sourire, conscient que d'ce côté là, j'suis pas en reste. Les gens ont toujours tendance à m'détester, pour mon caractère et mon comportement, en majeure partie. Et tu sais comme moi, que j'suis pas si facile à vivre. Bref, la liste est longue. " J'aurais dû faire appel à tes services depuis un moment.. A croire qu'la solitude rend aveugle. " crois moi, j'ai consciende l'importance capitale de ton rôle dans l'histoire. On fait vraiment la paire, y a pas d'doute possible.

Je n'ai pas besoin que tu me dises pour imaginer les tourments qui viennent t'étreindre la nuit. Ôter le sommeil de tes méninges au profit de ces visages, les bruits en fond, et cette même impuissance aux entrailles. Je le sais. Parce que des images similaires viennent se parer à mes songes bien trop maigres pour tenir. C'est le fardeau qu'on nous impose à nous héros des temps modernes. Pompiers, militaires, policiers, médecins, mêmes chaos qui viennent agiter des nuits censées être paisibles. On a beau dire, on est jamais vraiment paré pour absorber de pareils atrocités, l'esprit se défend à sa façon et simplement, on s'habitue. « Il voulait particulièrement toucher la brigade en exercice. » De savoir si c'est la fonction même ou ta bien aimée, nous ne le savons pas encore. Mais la trame se précise dans nos têtes. « Tu vas devoir y retourner ? » Puisque j'imagine que tes documents sont restés en Californie, si tu es venu ici c'est pour le poursuivre mais également pour prendre un autre départ. Un rictus vient pourfendre ma gueule animale lorsque tu parles d'ennemis. On a ce talent commun toi et moi pour les amasser, mais sans doute pas avec les mêmes armes. Il faut croire que le feu et la glace dérangent tout autant. « Il n'y aura qu'à remonter les pistes, savoir ce qu'ils sont devenus. » Et sans doute que tu ne t'épargnes pas de nombreuses heures d'observation. « Je t'accompagnerai. » Là-bas et tu remarqueras que je ne pose pas la question. Je sais quand la nécessité s'impose et tu auras besoin d'y voir clair dans cette situation. « Ludo s'occupera du petit et préviens là pour Lilith, organise-toi avec elle. Je t'envoie mon planning. » Il faut avancer, démêler cette situation. Parce que c'est aussi ça l'amitié, savoir accompagner la prise de rennes et se mettre en mouvement. « Toi et moi, on a jamais appris à demander de l'aide. » Tête qui s'incline parce qu'on est des êtres solitaires, des survivants malmenés et bancals, mais qui ont appris à faire avec.

Tu as cette prestance l'ami, ce calme si charismatique que je n'puis posséder. Ca m'a toujours impressionné, moi qui suis impulsif et rageur; doué pour prendre les décisions sur de brusques coups d'tête, sans forcément m'soucier des conséquences. T'incarnes l'exemple au sein même de nos ténèbres, d'cette imperfection qui nous façonne. En l'espace d'une heure, les plans changent et l'enquête prend un autre tournant; tout cela grâce à toi. J'ignore encore dans quoi on s'engage mais j'me dis que quelque part, on n'fait que frotter à la surface du problème. J'ai cette impression, c'pressentiment dans la tête, qu'on va sérieusement s'foutre dans la merde. Que ça risque de partir en vrille. Mais t'sais quoi ? J'suis prêt à jouer d'la dynamite s'il le faut. J'ai pas qu'des dossiers en Californie, j'ai aussi d'quoi faire sortir la marmotte de son trou. " Un passage va s'imposer, en effet. Quatre ou cinq jours, l'temps de tout récupérer. " pour être honnête, l'idée ne m'enchante pas vraiment. Retourner là-bas, c'est retrouver la maison; nos affaires, des souvenirs en pagaille. Et j'ai furieusement besoin d'tourner la page. " En espérant qu'ils n'soient pas cinquante dans le Massachusetts... " s'il n'y en a qu'un ou deux, les conclusions seront vite tirées et j'pourrais me mettre en chasse. Océanes relevées, presque surprises par ta proposition qui n'en est pas une. C'est une affirmation, j'comprends déjà que tu feras partie du voyage. A vrai dire, j'pensais d'abord à Ludo pour ça; mais vu nos rapports et les souvenirs avec Tan', j'ai plutôt intérêt à l'écarter d'ces histoires. " Entendu. " seul mon regard te remercie, là où les mots ne tracent plus leur route. Effectivement, on n'sait pas demander de l'aide; l'un comme l'autre on avance, on fait avec c'qu'on a, même quand c'est presque rien. " Fin novembre, début décembre pour l'voyage. Le temps d'organiser nos plannings et d'ajuster avec Ludo. " qu'elle s'prépare à s'occuper seule de Jared et Lilith, une petite semaine. Qu'on retourne dans l'passé, pour mieux faire cramer l'présent.

J'ai cette habitude d'analyser les choses avec une certaine froideur, du détachement, c'est même une de mes plus grandes qualités. Je garde la tête froide. J'ai bien trop souvent perdu la raison dans mes jeunes années et puis l'armée m'a renforcé, ensuite les études de médecine, la traumatologie et plus encore la médecine légale. Alors, si je peux t'apporter ça, cette distance, je le fais sans hésiter. Parce que je sais combien Tanwen était précieuse à tes yeux et que je l'adorais moi aussi. « D'accord, je vais m'organiser de mon côté et on va bien avancer. » Parce que toi et moi, on n'a pas de temps à perdre. « J'appelerai des collègues au pire pour nous aider à trier. Des personnes de confiance. » Regard appuyé. Autant dire, des initiés qui comme moi ne sont pas tous blancs et qui m'en doivent une. Je suis pas vraiment un ripoux mais j'ai toujours servi ma propre ambition et j'ai pas la naïveté de croire que ceux qui nous gouvernent sont les bons. Alors je fais au mieux. « Parfait. » Je vais pouvoir mettre les choses en place de mon côté également. Mon téléphone vibre et je prends rapidement un appel qui me renvoie sur mon service. « Je dois filer. Tu me tiens au jus. A bientôt vieux frère. » Main posée sur ton épaule, je viens par ce geste simplement te montrer que je suis là, que je bouge pas, nouveau cerbère de tes enfers. Ce mec explosera avec ses horreurs et tu pourras compter sur moi pour pas laisser de traces.