Dans la chambre de Charleston à la Adams en train de regarder un film tranquillement, je m'endors. En même temps ça m’arrive très souvent depuis la rentrée. Je jongle entre les cours, les potes, les enfants que je garde dans trois logements différents, les deux chiens que je dois promener et Rose. Ce bébé pour qui je donnerais ma vie, fille de mon frère qui bosse tout autant que moi. On est une famille brisé et il ne reste que nous deux et le bébé. Alors ouais à faire tout ca je suis exténuée. J’ai promis à Capucune que cette année j’allais m’amuser même avec le boulot. Seulement je suis crevée. Quand je me réveille, je suis en retard pour aller en cour de Dessin. Mon ami dort encore à côté de moi. Je me dépêche de prendre mes affaires et je décampe. Une fois dans les escaliers, je slalome entre les étudiants jusqu’à ce que ce soit le choc frontal. Je me prends Roman de plein fouet et je fini les fesses par terre. Bordel ça fait mal. T’as fais de la musculation ou quoi ? Le gars a à peine bouger lors du choc. Bon c’est pas dans ces conditions que j’imaginais qu’on finirait par se revoir tout les deux. Désolé. que je finis par dire parce que c’est moi qui ne regardait pas où j’allais. Il faut dire que j’ai l’impression de passer mon temps à m’excuser envers lui en ce moment.

Quand je me lève ce matin, c’est pour trouver l’appart’ vide à nouveau. Fini les petits déjeuners partagés, bonjour la solitude - qui n’est pas totalement de refus au petit matin. A se demander où Darko finit ses nuits en ce moment, ce que je ne manquerai pas de lui demander lorsque j’aurai enfin l’occasion de croiser sa route. Je me lance pour une petite demi-heure de jogging sur le tapis de course, par flemme de mettre le nez dehors, prends rapidement une douche et me mets en route pour la Adams house une fois le petit dej’ engloutis. J’y ai oublié mon cours jeudi dernier et n’ai pas le choix de passer le récupérer avant de me rendre à la faculté.  Je n’ai même pas le temps de faire deux pas dans le hall d’entrée que Dina me percute de plein fouet, projetée en arrière avec l’impact. « Pas plus qu’avant, non. » Je réponds comme si la question avait son importance. Je dois même avoir perdu un peu de masse musculaire au cours du Summer Camp durant lequel je me suis un peu laissé aller, mais j’vais peut-être lui épargner les détails. « Rien de cassé? » Je demande et main tendue vers elle, j’attends qu’elle la saisisse pour l’aider à se relever. « T’as rejoins la Adams? » C’est çà, ou elle se tape un frère et se fait la malle à l’anglaise au petit matin. Hum. Je crois que je me passerai de la réponse.

Je suis en retard pour aller en cours, bon c’est pas non plus un cours où je suis en difficulté. Seulement, je me dois d’être présente et de ne pas me faire remarquer puisque ma bourse est en jeu. Je veux pas me mettre en difficulté. Apparemment, la règle de plus tu te dépêches plus tu perds du temps est vérifié. Je me retrouve par terre et j’ai face à moi Roman qui au dernières nouvelles ne voulait plus me voire. J’ai pas forcement envie de me confondre en excuse parce que moi aussi je suis fâchée. Roman me manque, mais je ne vais pas lui montrer. Parler de sa musculature, c’est pas vraiment ce que j’avais en tête, mais c’est sortie tout seule. Je prends la la main qu’il me tends et je me relève. Je passe ma main dans mes cheveux pour essayer de me donner une contenance. Non ça va, j’ai juste les fesses un peu douloureuse. Je rougie en lui donnant cette information. J’ai bien envie de savoir si ça l’ennuie que j’étais dans la chambre de Charleston. Je sors de la chambre d’un gars que je connais ici. Bon on a fait que regarder un film, mais bon lui n’est pas censé le savoir.

L’année passée, j’étais tranquille ici. Mon meilleur pote, les frérots de la maison et basta. Après Wendy c’est maintenant Dina que j’ai la joie de croiser chez les Adams et je commence à me dire que j’aurais peut-être dû demander mon transfert ailleurs en début d’année. Le problème est que je suis là depuis la création de la maison et c’est aux bleus que va ma loyauté, je ne pense pas être capable de leur tourner le dos. Je ne le ferai certainement pas pour une ex et demi - ou une demi ex, à ce stade je ne suis sûr de rien. C’est automatique, lorsque Dina me parle de ses fesses, mon regard se perd sur sa silhouette comme si je pouvais voir le mal, alors qu’elle me fait face. « Faut trouver une âme généreuse pour te mettre de l’arnica. » Ou ouvrir les yeux quand elle court dans les couloirs mais il est un peu tard pour ça maintenant que le mal est fait. Je hoche la tête lorsque la brune me dit sortir de la chambre d’un gars ici, feignant l’indifférence. Du moins, j’essaye, parce que mon sang ne fait qu’un tour. « Ah bah comme ça tu l’as déjà ton candidat. » Il n’y a plus qu’à remonter et aller se plaindre, comme le monde est bien fait. « Quoi que vu la vitesse à laquelle tu fuyais... T'as peut-être pas envie d'y retourner. » Je lui souris, narquois, sans trop savoir si je souhaite avoir plus d’information ou, au contraire, me barrer et la laisser en plan puisque madame n’a rien de cassé.

Faut dure que quand je suis venue voire mon ami hier soir, j’ai pas pensé que Roman avait une chambre ici. Il y a quelques temps , quelques mois c’est avec lui que je venais passer la nuit. Pourtant, je ne veux plus penser à lui. Seulement, je viens clairement de lui rentrer dedans, ça aurait pu être n’importe qui, mais c’est Roman. Me retrouver face à lui, m’oblige à me remettre en mémoire son corps et tout le reste. Comme un flash. Quand il me parle d’arnica, c’est lui que je vois faire et ça me va pas du tout. Je tente de rester impassible, mais difficilement. Je joie la carte de la jalousie. J’ai besoin de savoir que je compte toujours malgré le silence. Savoir que ça le touche. Il est fort, mais y a le ton de sa voie qui change. Je me mords la lèvre finalement. Je devrais lui proposer c’est vrai. Merci pour le conseil. dis-je en lui lançant un clin d’œil. Je sais que ça va pas arranger les choses, mais ça m’agace son silence, d’avoir été aussi facilement supprimer de sa vie. Il me manque, sinon je n’aurais pas pensé à son anniversaire. Je plante mon regard dans le sien et ajoute : Mais on sait tout les deux que tu aurais préféré la mettre toi-même. Je me pince les lèvres. Je me suis rapproché de lui sans vraiment m’en rendre compte. Je t’ai rentré dedans parce que j’ai oublié de me réveiller pas parce que je fuyais. Puis pourquoi j’essaie de me justifier ?

J’espère, sincèrement, que mon ex petite amie ne s’est pas décidée à s’inscrire à la Adams, car je n’ai aucune envie de la croiser chaque jour et de devoir collaborer avec elle lors des compétitions entre maisons. Si Dina ne m’a rien fait personnellement, elle a trahi son propre père et à raison ou à tort, cela ne change pas le fait que je la mets à présent dans le même panier que mon père et mon frère. Parmi ces gens qui n’hésitent pas à tourner le dos aux siens, soit la dernière chose dont j’ai besoin dans ma vie. J’ai suffisamment perdu il y a quelques années, je prends maintenant les devants pour couper toute personne au comportement semblable de ma vie, avant de m’attacher. Peut-être que je l’étais déjà, dans son cas, mais elle a fait son choix et moi le mien. « Avec plaisir. » Dis-je, me retenant pourtant de rouler des yeux face à son petit jeu, supposé me rendre jaloux j’imagine. Ça m'agace cette attitude immature mais je ne suis clairement pas la personne la mieux placée pour le lui faire remarquer. « Ça, c'est ce que tu crois. J’ai le choix si l’envie me prend de jouer au docteur. » Si elle souhaite jouer à qui peut rendre l’autre jaloux, on peut être deux à jouer. Mais sincèrement, je ne me suis pas levé ce matin dans l’optique de me prendre la tête avant même d’avoir passé les murs de Harvard. « Dans ce cas, tu ferais mieux d’y aller. » Dis-je tout en m’écartant pour lui laisser la voie vide, accompagnant même mes paroles d’un signe de main qui l’invite à sortir. Je ne voudrais pas la mettre plus en retard qu’elle ne l’est déjà après tout !

Cette situation devient pesante. Mon ex petit ami semble toujours remonté contre moi. Je ne supporte plus de payer pour quelque chose qu'on lui a fait. On avait aucune raison de rompre avant tout ça. Alors oui chaque fois que je le vois, ça me fait un truc. Cette fois-ci j'ai envie de le piquer un peu et je vois que ça marche au début. Puis, très vite il se reprend. Je lève les yeux au ciel, je crois qu'on n'y arrivera jamais tout les deux. Je pensais que ça allait mieux, mais j'en suis plus aussi sûre. J'étais loin de me douter qu'en voulant protéger ma famille, j'allais perdre mon petit ami. Je crois pas avoir de similitude avec la famille de Roman, je crois même que c'est deux histoires complètement différentes. Faut croire que l'on a pas la même vision des choses. Moi je prends pour ses proches et c'est insupportable. Bon, on va arrêter ça maintenant. Je suis crevée et j'ai pas envie de me disputer avec lui dans le hall de la Adams. Et lui non plus visiblement. Toucher où ça fait mal, on en est capable tout les deux et moi je veux le retrouver, pas creuser un peu plus le fossé entre nous.  En dépit des apparences, ça me fait plaisir de te croiser. Allé drapeau blanc, je suis la première à faire un pas vers lui. Bon je peux déjà sortir l'airbag je m'attends à tout. Hm, si tu y tiens vraiment. Et merde.

Je n’ai aucune envie de devoir justifier, pour la énième fois, mon choix de tout arrêter avec Dina. Elle ne peut pas comprendre que je ne puisse pas avoir dans ma vie des personnes qui n’hésitent pas à planter des couteaux dans le dos de leurs proches, hors je ne changerai pas d’avis sur ce point. Peut-être qu’elle a eu raison de se protéger mais cela ne change pas le fait qu’elle a perdu toute ma confiance en trahissant son père. Et puis, soyons honnête, je n’ai jamais tenu une relation plus de quelques semaines - mois, quand tout se passait vraiment bien -, nous n’étions pas l’exception. Si je suis honnête, j’ai peut-être même sauté sur l’occasion lorsqu’elle m’a offert une porte de sortie sur un plateau d’argent, avant qu’on soit trop impliqués. Notre amitié fait qu’on l’était sans doute déjà un peu mais d’un autre côté, elle me connait depuis assez longtemps pour savoir que je ne fais pas dans le long terme. En commençant à sortir ensemble, on a tiré un trait sur notre amitié. Je lève les épaules, dans l’indifférence la plus complète, même si je soulagé qu’elle ne soit pas d’humeur à monter au front ce matin. Je viens à peine de me réveiller, franchement, je ne suis pas prêt. J’inspire et expire lentement lorsqu’elle me dit qu’elle est heureuse de me voir et reste silencieux, ignorant quoi répondre à ça. Je ne peux pas en dire autant car amis ou amants, ça ne change pas son acte. « C’est pas que j’y tiens, c’est que t’es en retard. » Je lui rappelle tout de même que je ne suis pas celui qui la chasse, elle m’est rentré dedans de plein fouet parce qu’elle était en retard et les minutes s’écoulent.