anxiété à son comble lorsqu'elle pose les pieds dans cette clinique. un blanc immaculé, une sensation de neuf, de sécurité aussi mais pas pour elle qui par son illégalité ne peut d'ordinaire fréquenter ce type de lieu. bien qu'en avance, elle s'annonce à l'accueil, précisant ton nom alors on la fait patienter. talon tapotant frénétiquement le sol tandis que les mains moites s'entremêlent. elle angoisse de ce rendez-vous, pour la simple et bonne raison qu'elle ne te connait pas encore et que l'inconnu lui fait terriblement peur. s'imagine déjà que tu refuses de t'impliquer dans le scénario quelque peu étranger de cette grossesse et future vie à quatre. ne veut pas décevoir quito, encore moins alexis. porte qui s'ouvre et une carrure impressionnante se dessine sous ses yeux. instinctivement, sans même vraiment savoir pourquoi elle se lève." Docteur Montgomery ? " question presque timide de sa part. peur du moindre faux pas.

La secrétaire passe sa tête dans mon bureau, me dit les mots que j'attends depuis le début de la journée. Elle est ici. Je ne vais pas mentir : quand Alexis m'a parlé de cette histoire, j'étais loin d'être emballé et je ne le suis toujours pas tellement. Disons que mon naturel méfiant n'aide pas et j'ai du mal à cerner comment tout ça va finir. Bien sûr, j'ai déjà eu des cas de mères porteuses lors de mon internat et ma résidence en pédiatrie, mais pas tant que ça. Disons que c'est pas quelque chose de facile, que de trouver une mère porteuse. Lorsque j'arrive au niveau de la salle d'attente, je vois bien que Serafina est stressée. On arrive à lire ce genre de chose, sur le visage des gens quand on est médecin : parce qu'on a vu ces traits beaucoup trop de fois, ne serait-ce que pendant nos études. "Bonjour Serfina", que je lui dis en souriant, parce que mon but est de la mettre à l'aise. "Suivez-moi !" Je lui fais un signe de tête et nous amène jusqu'à mon bureau. "Installez-vous Je m'assoie sur ma chaise, la regarde s'installer avant de dire, "Déjà, je me demande si on pourrait pas se tutoyer ? Alexis est ma meilleure amie et ce bébé sera très probablement un ami de mes enfants alors.." Alors on risque de se côtoyer un bon moment. Je déteste le vouvoiement, en plus.

elle qui déteste par dessus tout parler d'elle même, encore moins s'ouvrir aux autres. mais elle n'a pas vraiment le choix. se rassure comme elle peut en se disant que tu es une connaissance d'alexis et quito et qu'il ne peut rien lui arriver de mal. rien ne pourra être pire que ce qu'elle traine déjà derrière elle. silhouette à l'embrasure de la porte, les mains moites qui serrent fortement son sac à main avant de poser la question bête de savoir si c'est bien toi. ton sourire qui fait diminuer la pression et pourtant son coeur bat encore la chamade. se fait toute petite pour rentrer dans le bureau. à peine est-elle posée sur la chaise qu'elle se sent obligée de remercier." merci à vous de m'accorder un peu de temps. " tu avait sans doute autre chose à faire que de gérer leur plan bizarre. et pourtant." je. oui d'accord. je n'ai pas l'habitude du tutoiement. je n'ai pas beaucoup d'amis à vrai dire. " se mord intérieurement la joue pour avoir osé dire ça à voic haute." c'est rassurant de savoir que cet enfant ne sera pas seul. mais je sais qu'il sera bien entouré. quito et alexis seront de bons parents. " et elle une "mère" présente malgré tout." j'ai quelques papiers de santé. mais pas grand chose, je me suis toujours fait soigner dans des cliniques gratuites et solidaires. mais il ne m'est jamais rien arrivé de grave. " par chance son corps était résistant.

J'ai promis à Alexis que je m'occuperai de tout ça alors je le fais. Il me parait important de rencontrer Serafina une première fois car je ne la connaissais pas du tout. C'est probablement aussi pour ça que toute cette histoire ne m'a pas rassurée quand Alexis m'en a parlé en premier. La demoiselle a l'air assez timide et j'essaie de la mettre à l'aise en lui proposant qu'on se tutoie, même si ça n'a pas l'air de marcher tant que ça. J'hoche la tête quand elle parle de ses papiers et je tends la main pour prendre le mince dossier. "C'est mieux que rien, merci beaucoup", que je lui dis en lui souriant. Je me redresse un peu sur ma chaise, "Je suis aussi sûr qu'ils feront des bons parents" Je croise les bras, laisse un léger silence. "Est-ce que tu te sens prête pour ça ? La grossesse, le fait de leur donner le bébé ?" C'est quelque chose qui est loin d'être facile. "Alexis m'a dit que tu feras un peu partie de sa vie malgré tout ?" Ce qui n'est pas tant une mauvaise chose en soit, mais il faut faire attention à ne pas interchanger les rôles.

elle a tant de mal à s'ouvrir, sortir de ses carapaces quand bien même une clinique est sensée être safe à 100%. hélas elle vit dans la peur depuis trop longtemps que c'est devenue une habitude. les maigres papiers qu'elle tend, sachant déjà qu'il y a un sujet important qu'elle devra évoquer avec toi. cet accident qu'elle n'évoque jamais. beaucoup trop douloureux. mais tu la sors de ses pensées avec cette question cruciale de consentement." je ne serais pas toute seule dans cette grossesse donc cela aidera. et oui j'y ai réfléchi. j'ai pesé le pour et le contre. c'est une bonne action et j'en serais fière. " la gorge serrée à l'idée de faire enfin quelque chose de bien dans sa vie." oui je pense qu'il est quand même essentiel qu'un enfant connaisse son histoire. et puis ce serait étrange de ne pas être incluse alors que je connais quand même le couple. " les mains qui froissent le tissu du jean." je dois évoquer un sujet qui n'est pas inscrit dans mon dossier médical. mais cela doit rester confidentiel. "

Parfois, l'appât de l'argent fait que certaines femmes foncent un peu tête baissée dans la décision de devenir mère porteuse. Sans vraiment penser aux conséquences que cela va engendrer. Alors je me dois d'être sûr et certain que Serafina soit consciente de tout ça et sa réponse me fait penser qu'elle en a bien conscience. Tant mieux, j'ai tellement pas envie qu'il arrive une merde à Alexis. J'hoche la tête à sa deuxième réponse, "c'est vrai, mais il faudra faire attention quand même. Ne pas le perturber et lui emmêler les pinceaux." Tout dépendra de comment les choses sont présentées dès le départ. J'hausse un sourcil quand elle me dit qu'elle a besoin d'évoquer quelque chose et j'ouvre son dossier en balayant le peu de documents à l'intérieur. "Je suis un ami d'Alexis mais tout ce qui se dit ici est strictement confidentiel." Elle n'est pas officiellement ma patiente donc ça n'est pas totalement vrai, mais je pars du principe qu'à partir du moment où on est dans mon bureau, rien ne sort de ces murs. "Je t'écoute" Je referme le dossier en la regardant.

le projet semblait fou et quelque peu étonnant mais c'était leur choix. et si jamais ça venait à tourner au vinaigre, ils ne pourraient s'en prendre qu'à eux mêmes. sierra s'était mise dans des situations bien pires. elle avait pesait le pour et le contre d'offrir son corps et surtout cet enfant avant de signer. tout était réfléchi, pensé et pas fait à la hâte ce qui la rassurait." vous avez raison. mais on a quelques années devant nous pour bien écrire le scénario qu'on lui présentera. " et elle le sait qu'elle ne devra jamais se présenter en tant que mère face à lui. le deuil est déjà fait. encore faut-il qu'elle soit capable de porter cet enfant malgré sa tragédie passée. celle que personne ne connait ici, parce qu'il est beaucoup trop douloureux de l'évoquer encore. ce deuil il ne sera jamais fait." alexis a du vous parler de ma situation. je suis sans papiers. " tremble de le dire à voix haute. ravale ses larmes." j'ai atterri ici parce que j'ai fui mon petit ami... après une fausse couche. " il n'y a pas besoin de décrire plus. le lien se fait trop rapidement." alexis et quito sont au courant de cette fausse couche. pas de la nature de celle-ci mais je les ai prévenu que peut être une grossesse ne pourrait pas fonctionner. je ne voulais pas leur donner de faux espoirs. "

Serafina a l'air posée et réfléchie, ça me plait beaucoup. Disons que ça m'aide à avoir confiance petit à petit, chose qui n'était pas gagnée depuis que Lexie m'a parlé de toute cette histoire de mère porteuse. J'hoche la tête quand elle me parle du fait qu'elle soit sans papier : information que j'avais déjà. "Je suis au courant oui. Sache que la clinique est ICE free , donc aucun agent de ICE n'a le droit de venir arrêter qui que ce soit ici." Et j'ai fait tout ce qui fallait administrativement parlant pour que ça soit quelque chose d'officiel. Hors de question que mes patient·e·s ne se sentent pas en sécurité ici. Sourcils légèrement froncé, j'écoute le reste de son récit qui n'a pas l'air facile à raconter. Léger soupire, je me lève et viens m'assoir sur la chaise à côté de la sienne, "Je suis désolé, pour la fausse couche" C'est quelque chose qui n'est pas facile à gérer et qui peut devenir un gros traumatisme pour certaines femmes. "Si la fausse couche était accidentelle, alors il y a peu de chance que celle-ci soit un frein à cette grossesse." Car elle a été provoquée par une force extérieure, pas à cause d'un quelconque problème au niveau de son corps.

éviter l'hôpital, elle le fait depuis des années par manque de papiers mais aussi d'argent. et fort heureusement qu'elle n'a pas une santé fragile, qu'elle peut se contenter d'une seule visite par an dans des cliniques bénévoles. acquiesce d'un signe de tête lorsque tu lui affirmes qu'elle n'a rien à craindre ici, quand bien même elle se doutait que quito et alexis avait pris soin de prendre ce handicap en considération. confiance qui lui permet d'évoquer ce douloureux évènement du passé, à l'origine de sa fuite. les mots sont difficiles à poser mais pas besoin d'aller plus loin pour que tout se dessine dans ton esprit. sourire timide face à ta compassion quand bien même ses excuses ne sont en rien nécessaires et ne l'aideront pas. ce qui l'aide c'est de savoir que cela n'empêchera en rien de porter un enfant." c'est une bonne nouvelle, pour tout le monde. " y compris pour elle même et ses rêves d'être mère à son tour." vous... pardon tu... pourrais m'expliquer comment ça va fonctionner médicalement parlant ? le meilleur et le mauvais scénario. " prévoir l'éventualité que le chemin soit semé d'embuches, éternel pessimiste.

C'est marrant : je ne pensais pas devoir être le seul à être rassuré dans l'histoire. Parce que la demoiselle a l'air aussi de prendre très au sérieux son rôle de mère porteuse, au point de se demander si sa fausse couche passée pourrait avoir des conséquences sur sa grossesse. Bien sûr, aucune certitude : si la médecine est en générale assez précise, il existe encore beaucoup de zones d'ombres dans énormément de domaines et l'exception peut également exister. J'hoche la tête en lui souriant et je me lève pour venir m'assoir sur la chaise près de la sienne, histoire de créer un espèce de climat de confiance. "Tu vas nous donner le calendrier de ton cycle pour qu'on détermine ta période d'ovulation. On procédera à l'insémination dans les 36 heures suivant le déclenchement de l'ovulation. C'est une procédure médicale encadrée et normalement indolore." Je me penche légèrement en avant, "Tu seras suivie ici et normalement, tu devrais également accoucher ici, je peux te faire visiter après si tu veux. Nous avons aussi des programmes d'aide après accouchement ; d'aide physique et psychologique" Et après ce genre d'expérience, ce n'est pas plus mal. Si elle vit mal la situation alors, elle pourra être suivie psychologiquement.