Parfois tu te réveille avec un mal de tête explosif. Une sensation tellement douloureuse qu’elle te donne la nausée. Un sentiment qui te ferait presque jurer de ne plus toucher une goutte d’alcool.
Presque.
Mais te connaissant tu ne le feras pas. Tu n'abandonnera jamais la sensation de liberté que l’alcool te procure, aussi éphémère ou illusoire soit elle.
Au lieu de cette promesse que tu ne prononcera jamais, tu préfères rester allongé là ou tu t'étais réveillé ce jour-là, à regarder ce que tes yeux ont trouvé à ton réveil. Un plafond jauni par les fumés de cigarettes peut être? Des courbes que t’avais marquées la nuit dernière avec tes dents, tes ongles ou la rugosité de ta barbe? Un sol qui n’est pas le tien et dont tu étudies les rainures. Ou encore le noir d’une chambre aux fenêtres obstrué, empéchant les rayons du soleil de lécher ta peau a moitié nue. Refroidi, une fois les derniers effets chaleureux de la boisson commencent à quitter ton sang.
Tu soupire après un temps. Parfois ça dure 10 minutes, parfois tu replonges dans le sommeil. Peu importe combien de temps tu passes à fixer ce détail, cet objet ou cette personne, tant que le mouvement de la pièce finit par s'arrêter et que la douleur de ton cerveau soit relégué au second plan.
Là, il est temps de se lever.
Se réveiller et commencer sa journée… ou rentrer chez soi et finir sa nuit.
“Matt...” grogne la voix à côté de toi
Mike, corriges tu mentalement. Mais tu t’en fous, ce n’est pas comme si un échange de noms était indispensable.
Les soirées de confréries sont celles qui te marquent le plus. Tu n’as plus 20 ans, tu n’es plus aussi jeune, tu n’as plus la même flexibilité, et t’as beau t'enorgueillir d’avoir des muscles de fer, ton dos est celui d’un vieux de 50 ans. Les affres d’heures passées devant ton ordinateur, sur une chaise de bureau, les épaules voûtées, les yeux fixés sur ton écran.
Ce qui explique aussi tes lunettes au cadre tendance. Un achat obligatoire d'après toi, pour compléter le look nerd chic que t’adore cultiver.
Tu vérifies que t’as tout sur toi. Les clés de ta chambré. Ton téléphone. Les lunettes devant tes yeux. Et inconsciemment tu vérifie que t’as bien remis tes sous vêtements ce soir. Avant de te mettre en route sur ce terrain miné jonché de corps qu’est la confrérie de… de quoi déjà? Tu ne te souviens plus quel fête t’as rejoint hier. Ca ne t'empêche pas de faire attention ou tu poses les pieds, enjambant des étudiants qui ont connu le même sort que toi et qui doivent être encore entrain de se remettre. Ou bien qui sont beaucoup plus chanceux que toi et qui ont 5 ans de moins que toi … Minimum.
Maintenant que t'es complètement réveillé, tes sens commencent à capter ce qui t'entoure. Principalement l'odeur acre d'une After party qui a continué jusqu'au petit matin. Une pause que tu prends de temps à autre de ta thèse. Bon d'accord avouons le… une des nombreuses pauses que tu prends.
Ce n'est pas pour rien que ça prends autant de temps de trouver le parfait matériaux pour les prothèses nanométriques dont tu espères faire l'impression 3D. Ce n'est pas pour rien que ça te prends 3 ans de plus que ce que t'avais prévu. Que t'as pas vu ta famille depuis deux ans. Et que ton responsable de laboratoire commence à te mettre la pression.
C'est pas comme si t'avais tout le temps été ce fêtard qu'on arrête pas de voir à toutes les soirées de confréries. T'étais même l'inverse pendant ton master à Oxford. Rat de laboratoire le nez tout le temps fourré dans un livre ou un eBook. Les yeux rougit par une nuit blanche passé à étudier des chiffres ou des formules chimiques, non pas à danser ou à faire des parties de bière pong comme la nuit que tu viens de passer. Et encore pire plus jeune, quand au lycée t'avais un nombre limité d'amis, personnes sur lesquels tu comptais et qui essayait de te faire découvrir la vie, même si tu ne voulais pas toujours sortir de ta coquille.
Pourquoi étais tu si réservé ? Qui sait … une relation qui s'est mal terminée? peut-être. Des parents beaucoup trop protecteurs? certainement. Ton amour propre blessé quand t'étais beaucoup trop jeune? oui.