Je vois bien ta colère, le fait que ça t'énerve. Ce que tu prends comme mensonge, c'est juste une façon pour moi de me protéger, de ne pas avoir à affronter tout ça. « Je ne te mens pas, je peux juste pas tout te dire. » Parce qu'il nous tient entre ses phalanges, il recèle sa vie à lui et je ne pourrais pas me permettre le moindre faux pas, ce serait une responsabilité trop lourde à porter. Alors, je dois me contenter d'un fardeau supplémentaire pour ne pas tout perdre. Mon regard se baisse, tu as profité cet été quand moi je me suis contentée de sombrer un peu plus dans les enfers. Passer mes journées et mes nuits sans nourriture, à emplir mes veines de drogue, mon corps d'autres corps à l'occasion, pour oublier l'emprise de son paternel et son absence. C'est la seule façon que j'ai trouvé pour m'échapper de ce monde, de cette réalité trop difficile à encaisser. « J'ai fait comme les filles, tout simplement. Les Souls ne sont plus et je dois garder une certaine influence. » Survivre dans notre monde, ce n'est pas rose et j'ai dû me débrouiller en votre absence.

J'entrevois les failles, les démons qui pointent entre tes traits impassibles. Tu détestes être rejetée, mise à l'écart des confidences, te sentant trahie quelque part. Mais je me dois de préserver ce qui tient encore debout, ne pas prendre de risques supplémentaires pour ceux qui restent. On reste affaiblis pour l'heure, avec une réputation à maintenir. Les canines devront être déployées pour laisser le reste de la meute à l'écart, ce n'est pas de blanc dont on a besoin de se parer, mais bien de se laisser engloutir par le bassin des enfers. Quitte à s'oublier. Je veux me persuader que y'a cette partie de moi qui se préserve, un endroit où personne ne pourra me toucher. Si ce n'est lui. Si ce n'est ceux qui comptent réellement. « Non. » Billes juvéniles qui se relèvent sur les plus expérimentées. Tu te passeras de leçons de morale à mon égard, car la morale est restée au vestiaire de notre monde. Ce n'est pas en la tenant qu'on survit ici bas mais simplement en défendant son intérêt, en déployant des stratégies. Trop occupés à survivre pour se soucier des conséquences, des béances qui viennent hurler dans la blancheur exsangue de nos nuits. « Il le devra oui. » Parce que je ne peux pas faire autrement pour le préserver. Pour nous préserver tous. J'aurais aimé trouver une solution plus paisible, une fin plus entendable, mais les films n'existent pas ici. On ne possède qu'une réalité parfois trop amère pour être endurée.