28.08.2021 | @D. Jewell Kaine | Je tape frénétiquement du pied sur le sol, impatiente, ce qui énerve mon voisin d’allée. Je le vois aux regards renfrognés qu’il me lance à intervalles réguliers. Rien à foutre ! Il pouvait continuer avec ses regards, il pouvait même m’insulter, mentalement ou de vive voix que je n’arrêterais pas. Parce que je n’avais qu’une hâte, que cet avion se pose. Le Summer Camp était terminé, j’avais passé de superbes vacances, vécu des moments que je n’oublierais jamais, fait des rencontres exceptionnelles, et pourtant, je n’éprouvais aucune tristesse à rentrer à Boston. Parce qu’à Boston, quelqu’un m’attendait. Quelqu’un… N’importe quoi ! La personne la plus chère à mon cœur, ma moitié, mon double. Quatre années loin de l’autre, à se voir qu’à quelques rares occasions, quand d’autres décidaient pour nous où et quand. Et désormais, c’était fini. On allait vivre ensemble, ici à Boston, tout les deux. On pourrait se voir, se parler, sans aucun appareil entre nous. On pourrait se toucher, se rassurer, se chamailler aussi, très certainement, mais aussi veiller l’un sur l’autre. Comme Papa l’aurait voulu. Mon regard se perd de l'autre côté du hublot, au-dessus des nuages. Est ce que c’était lui qui s’était chargé de nous réunir ? Je cherche probablement des signes là où il n'y en a pas, mais c’était plus fort que moi. Parce qu'il n'y avait rien de plus rassurant que de se dire qu'il veillait encore sur moi. Sur nous.

Le vol est de courte durée. Heureusement parce que mon voisin avait définitivement commencé à perdre patience, me mettant des petites balayettes de temps à autre, ce qui aurait vite conduit à un drame. Je ne traine pas pour récupérer mes affaires, et me glisse entre les gens pour sortir au plus vite. Ce qui ne sert à rien puisque l'on se retrouve tous au même endroit pour attendre nos valises. Comme si l'univers me punissait, la mienne fait en plus partie des dernières. Je bougonne un peu mais récupère ma valise et trace dans les couloirs de l'aéroport. Il a intérêt à être là. Le doute n'est pas permis, et pourtant… Bien que je ne doutais pas qu'il puisse ne pas être là, mais plutôt que tout ceci n'ait été qu'un rêve, une illusion, une histoire dans mon esprit. Impossible. Il n'y avait aucune raison pour que ça ne se passe pas comme prévu ! Aucune. Parce qu'il était là ! Je lâche ma valise et cours pour lui sauter dans les bras en l'apercevant, sans prêter là moindre attention aux gens autour de nous. Je venais de retrouver mon jumeau. Je venais de retrouver ma famille. « Hey ! » C'est tout ce que j'arrive à prononcer, la voix tremblante, les yeux humides.

La nuit avait été courte, une bonne partie de la nuit passé à veiller sur Lana, trouver une façon pour elle d’évacuer sa rage, sa tristesse qui ne ferait que grandir au fil des jours. Devoir la laisser quand elle se sentait prête, non sans une petite boule au ventre, vu dans l’état où elle était. Ce n’étais pas à moi de le dire à Aaron, j’ignorais même si je pouvais lui envoyer un message, le prévenir de la nuit que j’avais passé avec sa sœur et peut être le soutenir lui aussi ? Merde j’avais aucune foutus idée de comment pouvait réagir mon frère face à la perte d’un proche. Ça m’a tracassé sur le chemin du retour, j’ai tourné et retourné dans mon lit avant que mes yeux daigne se fermer, quelques heures, trois, quatre tout au plus. L’esprit embué par l’inquiétude, me rappelant douloureusement la perte de Papa mêlé tout ça à l’excitation de pouvoir enfin retrouver Elvira. Douche que je prends pour me réveiller les muscles, main qui passe sur le miroir pour essuyer la bué, espéré que les cernes ne soient pas trop présentes. Bon peut mieux faire. Tenue choisis et près à partir, je ne regarde même pas l’heure je me contente juste de rouler jusqu’à l’aéroport.

Sur place, les yeux qui se perd sur le tableau des arrivés, si l’avion est en retard je fais un scandale, réaliser que j’avais encore une heure devant moi avant que ce dernier vienne se poser. Je soupire, m’installant dans la salle d’attente, remuant sur mon siège toutes les cinq minutes, me lever pour aller boire un café, revenir m’assoir, faire des allers retours entre la fenêtre et le siège. Finir par se poser, tête posée dans la main, fermer les yeux quelques seconde, se réveiller en sursaut quand on annonce l’arrivée du vol que j’attends. Je me lève, reste quelque minute à la fenêtre, regarde l'Avion atterrir, grand sourire sur les lèvres avant de partir d’un pas rapide vers la porte. Trépigner d’impatience, souffler en grognant qu’elle devait bien prendre tout son temps et la voir enfin apparaitre, le sourire aux lèvres, le cœur qui palpite l’imiter dans sa course et l’attraper au vol. L’impression d’être enfin entier. Je prends son visage entre mes mains, la regarde quelque instant le sourire con sur les lèvres, les larmes au bord des yeux “Ne me fais pas pleurer ou je te pince” je dépose un baiser sur son front “Putain tu m’as trop manqué !” rajoutais je en la serrant de nouveau dans mes bras “On est enfin là tous les deux” murmurais-je doucement. La peur que notre lien soit brisé s’envolais, parce qu’à cet instant précis je savais que j’avais récupéré ma double.

@D. Jewell Kaine |Tout redevient soudainement réel. Tout son être, disparu depuis bien trop longtemps de mon environnement. Son parfum, sa voix, sa façon de me serrer contre lui, ces choses que je n'avais jamais oublié, et que pourtant, que je semblais redécouvrir, après presque quatre ans. Il y avait bien eu quelques rares occasions, des week-ends par-ci, par-là, mais ce n'était rien à côté de tout ce temps que l'on nous avait volé, à côté de tout ce temps qu'on aurait dû partager tous les deux, toutes ces choses que l'on aurait dû vivre ensemble. La seule famille de sang qu'il me restait, constamment loin de moi, comme si tout devait être brisé, comme si une malédiction pesait sur notre sang. D'abord notre père, puis notre mère, et enfin nous deux. Tous séparés les uns des autres, sans aucune possibilité de se retrouver. Pendant longtemps, j'ai cru que c'était ce qui nous attendait, mais aujourd'hui, cette crainte s'envole. Mon double venait de m'être rendu, et il ne partirait plus. Pas comme il l'avait fait jusque-là en tout cas.

Ses mains attrapent mon visage, m’obligeant à le regarder. Je lève les yeux, prends une grande inspiration. Ne pas pleurer, ne pas pleurer. « C’est pas ma faute si t’es trop émotif ! » Je lui tire la langue, use de la taquinerie pour contrôler mes propres émotions, retenir mes propres larmes. Mais ça ne suffit pas. Un baiser sur mon front, ses bras qui se resserrent à nouveau autour de moi, et je sens les premières larmes rouler sur mes joues. C’était à prévoir bien sûr. Je me recule, essuie rapidement mes larmes, en prenant de grandes inspirations. « Comme c’est moi qui pleure, j’ai le droit de te pincer ? » Je ris doucement alors que j’essuie une dernière fois mes joues. « Tu m’as manqué aussi. » Bien trop, et trop longtemps.

Effort sur mes pointes de pieds pour gagner quelques centimètres et déposer un baiser sur sa joue avant de m’éloigner pour récupérer ma valise, salement abandonnée au milieu du chemin. Ce ne sont que quelques mètres à parcourir, mais ils me permettent déjà d’apaiser mon rythme cardiaque et mes émotions. « On y va ? » Sourire alors que je croise son regard. Après tout, on n'allait pas rester ici toute la journée. « On peut s’arrêter acheter à manger avant de rentrer ? Je meurs de faim ! A moins que tu m’ais préparer quelque chose à la maison ? » Je le regarde avec de grands yeux pleins d’espoir, même si je ne suis pas certaine qu’il ait tenté quoique ce soit du genre. Au contraire, il serait plus du genre à mettre le feu à la cuisine.