Mais il se fond dans un silence que la brune a bien du mal à déterminer, visage fermé tandis qu’elle attend qu’il reprenne les hostilités. Qu’il la brise, de ces désillusions qui s’apparentent à des vérités. Et il se replace, s’allonge comme si de rien n’était, pour recommencer ; « Je dis juste qu’il n’est pas pour toi. » Elle le déteste, le goût de sa voix. De son regard, elle n’en démord, taciturne qui lui signifie pourtant bien, un « mais encore ? » Parce que cette réponse n’est absolument pas ce à quoi elle s’attendait, elle en est même presque déçue, à dire vrai. Elle s’attendait à des vrais arguments qui auraient fait échos dans ses volontés et tourments. Leurs différences, exposées, sous peine d’être, par son amie, blessée. « Ok. Et tu vois çà comment toi? » L’évidence est si limpide, mais puisqu’elle se refuse à croire ce que le monde peut penser, elle l’ignore. C’est peut-être pour ça que faute de s’exprimer, c’est sa joue, de l’intérieur, qu’elle mord. « Si tu n'as pas peur de ta destinée... je peux... » De ses iris elle balaie le ciel. De ses balivernes, elle n’en a pas peur, Haiwee, de son destin, non, elle n’en a pas peur. Elle le connaît, depuis qu’elle est née. Son peuple et son honneur. « Ca ira. » Elle crache, mauvaise, plus qu’elle ne l’a jamais été jusque-là. Parce qu’elle connaît son avis, il le lui a déjà dit, Sheng la jettera une fois qu’il l’aura eu dans son lit. « Ce que je vois ? » Puisque la question c’était ça, puisque durant l’épreuve il a cru voir une ébauche, une esquisse, un semblant d’histoire. « Dans quelques mois, » ou années, elle n’a pas le temps de le calculer, « je vais rentrer chez moi. » Elle ne sait plus qui elle tente de convaincre en disant cela. Parce que l’envie de rentrer, elle s’amenuise au fur et à mesure de ce qu’elle peut expérimenter. « J’ai bon, ça va ? » Dans tes prévisions, elle y était cette solution ?

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Elle en serait presque tremblante d’émotions, au fur et à mesure que défile cette discussion. Elle ne comprend toujours pas ce que ça peut bien lui faire, tout ça. Et sur sa dernière question, il hoche quelques secondes le visage, sans qu’Haiwee ne parvienne directement à comprendre le message. « Le truc, c’est que je ne te vois pas rentrer, » alors le carmin de ses lèvres est humidifié, jusqu’à ce qu’elle le morde, ne cachant pas cet ouragan dans les tréfonds de ses émotions, approuvant faussement sa parole, en elle ça dégringole, détestant le fait qu’il la voie comme une fille frivole. « Tu resteras ici. » Ce n’est pas qu’un peu que dans son esprit, elle rigole. Non, elle ne restera pas, ici-bas, même si sa volonté flanche parfois. Elle y retournera, et se fera répudier, parce que des règles elle en a déjà bien trop bravé. Elle se demande d’ailleurs comment elle devra le payer.

« Parce que t’as gouté à cette vie. » Et à l’aide de ses mains, forcément, elle l’applaudit. Fortement, presque aigrie. Car il est clair qu’elle trouve qu’il est un peu trop sûr de lui. Caractérielle, ce côté d’elle clairement exacerbé par l’alcool, elle détaille longuement son expression, pour s’assurer qu’il a fini de tirer ses conclusions. Avant de reprendre le pêlemêle de ses réflexions. « C’est quoi le souci ? » Le fond du problème, elle ne peut pas croire que ce soit ce que pour lui elle ressent. « Parce que je te jure que je ne vois pas vraiment. » L’intérêt de tout ça, vouloir la positionner comme pièce maitresse d’un théâtre de marionnette. En plein milieu de l’épreuve des insectes. Elle qui se veut pour tout, dès plus discrète. « Piotr, » je ne veux pas de lui, mais elle n’arrive pas à le dire parce qu’elle n’a jamais vraiment menti, « il ne veut pas de moi. » De toutes les filles du monde, pourquoi il s’emmerderait avec une novice comme elle ? Lui-même sait qu’elle n’a jamais été touchée. « Fin du débat. » Et elle récupère l’alcool parce qu’elle en a plus que besoin, pour une fois.

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« A la bonne heure… » Comme il dit oui. Et elle essaiera de faire taire une énième fois les délires de son esprit. Elle se sent ridicule de flancher pour lui. Que Piotr ait su aussi facilement le lire aujourd’hui… Le monde entier doit le voir aussi. L’espace d’une seconde, elle aimerait pouvoir fermer les yeux, oublier tout, et se retrouver à nouveau avec lui en train de patauger dans le Bayou. Se téléporter dans cet avant où rien ne lui paraissait si flou. « Tu m’en diras tant. On verra… » Alors Haiwee baisse les bras, elle jette les armes parce que son avis ne changera pas. Pour se laisse tomber, sur cette chaise longue elle aussi. Elle se mure dans un silence, elle se perd quelques secondes de trop à écouter ceux qui célèbrent encore une journée d’épreuve, elle aimerait ressentir cette légèreté qui semble s’évaporer de leurs personnes. Mais il y a bien trop de soucis qui, en elle, résonnent.

Un long soupir, un regard sur la bouteille, et toujours assise sur le transat, à côté de lui, d’une proximité qui ne les a jamais qualifiés, elle boit une gorgée, avant de laisser son épaule, à la sienne, à la force de quelques répétitions, s’entrechoquer. La Haiwee qui en un faible sourire essaie de le taquiner, de détendre cette atmosphère qu’elle peine à supporter. « Tu boudes ? » Elle exècre l’idée, si c’est réellement le cas. N’aime pas ne pas savoir, s’il le fait, le pourquoi. Piotr, il a de nombreux états d’âmes, tout un panel de réactions logiques et contraires, qui très souvent, la désespère. Mais si elle a voulu qu’il vienne avec elle, sur le bateau, dans l’équipe, c’est bel et bien parce qu’il compte, qu’elle s’en est accommodée de toute sa personnalité, qu’elle en apprécie les aspérités, et qu’elle tient à lui, malgré tout ce qu’il peut penser.

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