Elle est appuyée contre la rambarde du bateau, à observer les vagues dans cette nuit maintenant entamée. Et si à Boston elle ne dormait pas beaucoup faute du bruit de la ville se répercutant contre les fenêtres du bâtiment destiné aux étudiants. Ici, pour le manque de sommeil, ce n’est pas différent, seulement ça ne vient pas du bruit, mais de la vie qui l’attend, tout simplement. Dans sa main, traîne cette bouteille qu’au bar elle a subtilisé, en même temps que le petit groupe c’est enjaillé pour cette soirée. C’est irréfutable, Haiwee a changé. Ne sait pas vraiment à quel moment cela s’est produit, mais c’est arrivé, petit à petit. Elle croit même, que ça a germé, que ça a débuté, aux alentours de Noël dernier, elle ne parvient même pas à réprimer un sourire à cette pensée.

Et voilà quelques semaines déjà que le Summer Camp a commencé, que son univers s’est accéléré. Comme hors du temps et de la réalité. Ne réalisant pas forcément que le retour à la normalité va piquer. Rien qu’à l’instant où ses pieds retoucheront le sol bostonien, elle réalisera qu’elle a trop joué avec son destin. Mais ce soir, après avoir avalé un tas d’insectes plus tôt, elle ne niera pas que stopper les méandres de son esprit lui fait du bien. Alors à la bouteille elle boit une gorgée, toujours que peu certaine d’aimer, de l’alcool, l’effet, et se retourne vers le petit groupe s’étant déjà dispatché. Sur l’un des transats se trouve celui qui ne lui a pas rendu la tache facile, aujourd’hui. Et même si son caractère c’est étoffé, étayé, elle n’en reste pas moins encline à la confrontation, Piotr, si facilement bourreau de ses émotions. Alors elle s’approche et lui balance sans hésiter, l’alcool lui donnant possiblement la témérité, au milieu du tumulte de ses pensées, « C’était quoi ton délire aujourd’hui ? » à vouloir chercher la petite bête plutôt que de ce concentrer sur le fait de la manger.


Hj ; Je sais, ce nom de ship dans le titre, il est magnifique

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Alors qu’elle vient juste d’arriver à son hauteur et délaissé sur lui une bouteille pour partager, il commence à geindre, « A…Attention mon pied. » Mais pour une fois, Haiwee, l’écouter se plaindre, elle ne le fera pas. Elle est trop obnubilée par un détail avec lequel durant l’épreuve, il l’a titillée. Détail qui provoque en son âme immaculée bien des tracas, et d’ordres intimes qu’aux yeux du monde, étaler, elle ne veut pas. Et c’est exactement ce qu’il a fait, sans s’en rendre compte certainement, mais il a avoué pour elle une chose avec laquelle elle est en combat constant. Il en a même fait un spectacle pour les gens.

Et la bouteille, il la pose sur le côté, elle le regarde toujours de haut tandis que lui paraît se délecter d’un instant de répit, d’un calme avant la tempête, avant de l’attaquer. Les doigts battant une rythmique imaginée. Prélude d’un glas prêt à sonner. « C’est un secret pour personne. » A l’intérieur de sa tête, les mots résonnent. Bien sûr, elle comprend ce qu’il entend. Parce qu’il ne faut pas être un génie pour faire le rapport entre les paroles de la fin d’après midi et celles qu’il vient d’énoncer ici. De fait, Haiwee en déglutit. Un long soupir s’échappant de ses lèvres entrouvertes pour lui laisser le temps de réfléchir, de savoir – à peu près – quoi répondre, quoi lui dire. Et l’amérindienne se décide à seulement hausser les épaules avec nonchalance, elle fait le choix de feindre l’ignorance. « J’vois toujours pas de quoi tu parles. » Ce n’est qu’un minuscule détail, trois fois rien, une chose qu’elle peut effacer, aussi facilement que ce que c’est arrivé. Ce n’est pas indélébile, c’est griffonné à la craie. C’est… un tout petit secret. Pour. Personne. Qu’à l’apprécier un peu trop, le capitaine de l’équipe jaune, Haiwee doit simplement passer pour une conne.

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Elle s’en entichée, de Piotr, lui a donné son amitié, sans condition, en l’acceptant tel qu’il est et malgré les états d’âme qu’il laisse éclater, en toutes occasions. Mais peut-être que c’est l’alcool, possible que ce soit le contexte, elle ne comprend pas, comment lui il peut la jauger de cette manière-là. « T’essaye de convaincre qui ? » Il y a quelque chose qui se tord, dans son corps. Elle s’en veut déjà assez d’avoir flanchée. D’être intéressée. Alors si réponse véritable à sa question il y a, c’est elle qu’elle tente de convaincre, n’est-ce pas ? Se dire que ce n’est rien, qu’un tout petit béguin.

Mais l’accusation continue, il expose sans savoir combien elle est perdue. « T’es à fond sur son insta. C'est ce qu’on m’a dit » Regard assassin, elle en a du mal à supporter le sien. Qu’est-ce que ça peut faire, de toutes façons ? Ce n’est pas ce qu’ils sont tous les jeunes de cette génération ? Connectés. Elle se met simplement à la page, pour exister dans cette société. Et tandis qu’il s’assoit comme Haiwee le fait chaque fois, il reprend ; « Bon. » Comme s’il allait amorcer une conclusion. Elle en retient même sa respiration. « Haiwee. Toi et lui… Ce mec y’a rien qui l’intéresse. Ça se voit que c’est un abruti fini. » Et contre toute attente, la première réaction de la brune sera de tendre sa paume vers la bouteille qu’elle lui a confiée et qu’il a délaissé. Retire le bouchon, elle la porte à ses lèvres, rapidement, en boit une gorgée, à la recherche de l’amusement. De cette sensation de légèreté qu’elle ressentait précédemment. Et croisant les bras contre elle, elle lui répond « Depuis quand tu fais ça ? » Elle croyait justement que c’était ce qui les avait rapprochés en un temps premier. Qu’ils étaient semblables sur ce point, que des regards extérieurs, ils n’en ont pas besoin. « Juger les gens. » Haiwee, elle ne le supporte pas, c’est un principe qu’elle ne comprend pas. « Tu le connais pas. » Et elle se vend, juste un peu, en disant cela.

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Depuis qu’elle le connaît, ces quelques mois qui ont filé avec une rapidité, elle s’est heurtée à pas mal de traits de sa personnalité, et elle se dit d’avouer que ce soir, ce qu’il lui révèle a le don de la perturber. « Et c’est pas dans mes intentions. » Soit, et le visage de Haiwee ne laissera passer aucune émotion. Ce n’est pas important, pour elle, que Sheng fasse partie des connaissances du garçon. « Ce que je sais me suffit » Il prononce, étrangement aigri, en cherchant à récupérer la bouteille, mais elle ne bouge pas d’un centimètre, elle. « On est amis. » C’est un fait, irréfutable, immuable, qui n’est pas près de changer. « Je veux juste ne pas avoir à te ramasser à la petite cuillère une fois qu'il t'aura... » Et les gestes accompagnent ses pensées. Miment l’acte auquel il peut songer.

Elle en passe sa langue sur ses dents, partiellement dégoutée. Le pire, c’est qu’elle ne saurait pas dire pourquoi, à la vérité. Parce que dans le ton de sa voix, il y a cette évidence qu’elle connaît déjà. Celle qu’elle met de côté durant ces moments où elle envisage, pour lui, d’être répudiée. Mise devant le fait, c’est plus difficile à gérer que lorsque l’opposition ne se fait que dans sa tête. « Ou souffrir. » Il agrippe finalement l’alcool tandis qu’elle se laisse surprendre par la finalité de ses dires. « Ce qui est déjà le cas. » Les paupières instinctivement plissées, quand elle répond derechef sans se contrôler « Mais je ne souffre pas ! » A peine, un tout petit peu, lorsqu’elle se laisse submerger par ce sentiment pernicieux. Comme l’autre soir, lorsqu’elle est allée le rejoindre, tard. Elle en a le droit, elle ne fait de mal à personne en agissant comme ça. « Puis, » elle se reprend comme si elle pouvait, à ses propos, changer quelque chose réellement, « y a rien. » Si ce n’est qu’un petit jeu taquin.

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A la finalité de ses mots, de son doigt, il va triturer sa paupière, et la Haiwee, pour le coup, ça la désespère. Aussi simple à deviner qu’un livre ouvert. « Et la marmotte ? » Rien, aussi. Ce n’est pas non plus comme si, elle se voyait passer sa vie avec lui. Elle sait ce qui l’attend, lorsqu’elle retournera chez ses parents, elle fait juste… preuve de faiblesse par moment. « Je te préviens. C’est tout. » Et c’est tout à ton honneur, n’est-ce pas ? D’essayer, si délicatement, de protéger son petit cœur. Même si ça attise son aigreur. La met devant le fait qu’il serait, assurément, une erreur.

Et tandis qu’elle se mure dans un silence de réflexion, qu’elle cogite, trop toujours, au sujet de ses émotions, du vacarme de ses pulsions, lui boit quelques gorgées de la boisson, avant de reprendre, toujours campé sur ses positions. « Et toi ? Tu sais qui il est ? » A peu près. Elle a décidé d’apprendre à le connaître sans se soucier du reste. Naïve, peut-être. « Non ? » Elle jurerait que son corps est parcouru d’un frisson. Qu’elle n’aurait pas dû forcer la confrontation. Qu’elle a de moins en moins de choses pour lui plaire, cette conversation. « Tu cherches quoi ? » Parce que la Haiwee, elle ne se berce pas d’illusion, elle sait bien qu’elle ne serait pas son premier choix, ni même le second, qu’il est maigre son espoir d’entretenir avec lui une relation. « A me rabaisser ? » A lui faire comprendre que parce qu’elle n’est qu’une paumée élevée dans une forêt, elle ne pourrait pas… mériter de se retrouver avec un héritier ? Ce n’est pas son concept, de l’amitié. Mais forcée par sa curiosité, elle ne se retient pas de lui demander. « Mais vas-y, dis-moi, » puisqu’il a la science infuse ce soir, « ce que tu sais de lui et que je pourrais ignorer. » Bien des choses, à dire vrai, même si de prime abord, c’était l’une de ses volontés.

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