Un message de Taylor, une journée de boulot qui commençait à peser et je prends donc sa demande comme un échappatoire, mon échappatoire. Karl est rapidement contacté et nous filons vers l’adresse que la brune me donne par messages. Ça change du quartier de la dernière fois et je comprends rapidement - ou fais le raccourci de la facilité et du jugement - qu’il s’agit de la maison de son futur ride or die. Je préviens Karl qu’il peut vaquer à ses occupations parce qu’il n’aura pas à me conduire à la maison tout de suite et sors de l’habitacle. Juchée sur mes talons hauts Gianvito Rossi, ma robe joue avec le vent - ou l’inverse - et rapidement, mon index s’écrase contre la sonnette de la villa devant laquelle je me trouve. Je me demande s’il y a une piscine là dedans et m’imagine les longues soirées d’été à se pavaner au bord de la piscine. Je crois que c’est quelque chose qui va me manquer chez Jeremiah et j’espère qu’entre l’air de jeu pour enfant et le patio, il compte creuser une piscine juste pour moi. Et sa fille. Et Eden. Oui; bon, je rêve, j’ai bien compris. De rien ? Que je souffle avec un sourire, écrasant mes lèvres carmins sur sa joue. Était-elle sérieuse quand elle parlait de peindre sa chambre - ou je ne sais quelle autre pièce de cette villa ? N’y a-t-il pas d’autres personnes plus compétentes qu’une chirurgienne et une femme d’affaire pour faire ça ? Genre quelqu’un qu’on paye, à laquelle on sourit et… Voilà ? Doucement, je peux pas courir avec ça. Que je lance en glissant mes yeux vers la paire de chaussures à 700 dollars qui montre mes orteils à la jeune demoiselle. Par contre… T’étais sérieuse pour la peinture ? Non parce que je ne suis clairement pas habillée pour. Ma robe Alessandra Rich n’a aucune envie de rencontrer de la peinture et ma manucure de finir de la couleur des murs.

M’inviter pour peindre me semblait être une jolie blague, une excuse bidon pour boire un thé bien frais en se prélassant sous le soleil. Ou alors le genre d’excuse à la con que l’on donne quand on a un petit ami un peu trop invasif. Une manière de dire “ramènes ta fraise que l’on bitch sur celui qui partage ma vie” sans le dire clairement. Mais, visiblement, j’avais faux sur toute la ligne et ça m’inquiète un peu. Elle veut vraiment que je peigne dans cette tenue ? Avec ma robe à 700 dollars et les chaussures au même prix. Bon, ce n’est pas grand chose pour moi - surement l’une des tenues les moins coûteuses de ma garde robe - mais tout de même. Je la regarde et fronce les sourcils, forçant un sourire. Il faut que l’on change nos codes de discussions... J’emboite son pas et la suis dans ses quartiers. Est-ce qu’elle est une princesse qui a besoin d’être sauvée ? Je ris à ses mots et lance Non mais Taylor, je ne sais pas peindre. Et on ne va pas se voiler la façon, il est hors de question que je mette de la peinture sur mes mains ou - pire - dans mes cheveux. Abîmer ma robe bleue à pois blancs et mes chaussures blanches est bien le cadet de mes soucis, je ne peux pas le nier. Au pire, elles partiront à la poubelle, ce n’est pas bien grave. Mais mes cheveux ? Non non. Pas après les heures passées au coiffeur en début de semaine. Eh Raiponce, fais pousser tes cheveux pour te sortir de ton donjon. Que je dis rapidement alors que l’on arrive enfin dans sa chambre. Je pose mon sac à main chanel blanc sur la table de nuit et me laisse tomber de manière théâtrale sur le lit. Tu crois vraiment qu’on va s’en sortir ? Que je demande, tournant le visage vers la demoiselle. Pas que je ne crois pas en elle. Mais je suis meilleure inspectrice des travaux finis qu’autre chose.

C’est clairement moi qui n’ai pas voulu croire en sa petite blague qui n’en était pas une. Quelle idée j’ai eu d’accepter, sérieusement ? Je le regrette déjà mais maintenant que je suis là, il n’y a aucun moyen que je fasse demi-tour. Je vais l’aider comme je peux mais il faut qu’elle sache le fond de tout ça : je ne sais pas peindre. Alors, sa chambre risque de ressembler à un bordel sans nom après mon passage et il se peut qu’elle ait besoin de personnes dont c’est le job pour rattraper les coups de pinceaux. Un détail qui risque de te couter cher. Que je souffle en continuant de la suivre. Elle a ralentit le rythme mais les choses sont claires : Taylor n’a pas de temps à perdre et elle va vraiment finir par me tuer. Et mon côté théâtral ressort puissance cent mille quand je me laisse tomber sur le lit, fermant les yeux quelques secondes. Je ne suis pas essoufflée, j’ai un bon rythme et du souffle mais je n’ai vraiment aucune envie de peindre. Alors, je tente le tout pour le tout. Peut-être qu’en lui mettant en tête qu’on ne va jamais s’en sortir, elle se dira que j’ai raison et que deux femmes qui n’ont jamais tenu autre chose qu’un pinceau pour se maquiller ne peuvent pas le faire. Je laisserai bien mon féminisme et mon girl power me dire le contraire mais là, non. Après tout, c’est une princesse dans son donjon alors autant jouer sur le thème jusqu’au bout, non ? Bon, visiblement, c’est un non. J’arque un sourcil quand elle me parle de strip-tease et me balance une tenue sur le lit, à côté de moi. J’ai plutôt l’habitude de les regarder les strip-tease. Que je bougonne en me redressant, m’abaissant pour retirer mes escarpins blancs et soupire Je ne peux même pas te dire de te retourner parce que t’as vu l’intérieur de mon utérus. Alors, des sous vêtements presque transparents dont la dentelle joue avec le tissu, ce n’est rien. Tu peux juste fermer à clé ? Parce que si ça ne me gêne pas que tu me vois presque nue, si ton fiancé arrive, c’est un autre sujet de conversation. Et je n’ai aucune envie qu’un autre homme que celui qui partage ma vie et mes nuits me voit dans cette tenue. Et quand elle le fait, je me change, retire ma robe et enfile la tenue qu’elle m’a filé. T’as des chaussettes ? Aucune envie de peindre les pieds nus, je dis ça, je dis rien. Aucune envie de peindre tout court.

Aucun doute là dessus mais pas sûre que mon petit ami apprécie vraiment qu’un autre homme que lui me voit dans cette tenue. Ces voilages blancs qui couvrent et dévoilent ma peau en même temps. Il y en a des billets dans cette tenue là aussi, on ne va pas se mentir. Les petits bleus sur mon ventre donnent un certain style à cette tenue et je ne reste pas longtemps à moitié nue, me rhabillant rapidement avec ce qu’elle m’a donné. Je ne me regarde même pas dans un miroir, c’est pour dire. Qui n’apprécierait pas, en même temps ? Que je lance, un léger rire qui sort de mes lèvres. Je ne sais pas si Jem est un grand fervant admirateur de cette pratique mais il n’a jamais dit non. Parce que moi, j’adore. Mais avec deux hommes. Une femme… Ça me tente bien moins pour la simple et bonne - ou mauvaise - raison que ma jalousie est plus forte que tout. Je m’enlève les images du threesome avec mon ex petit ami et mon petit ami actuel et me reconcentre sur la demoiselle. Je pourrais toujours lui présenter un plan à quatre. Que je lance en riant légèrement. Non. Je déconne. C’est mort. Si elle voulait se taper un anglais beau comme un Dieu et avec un accent à faire pleurer les anges - de beauté, merci - c’était plus tôt qu’il fallait se réveiller. Maintenant, c’est écrit “Ella” sur chaque milimètre de la peau de mon bel anglais. Je réclame des chaussettes - histoire de recouvrir mes orteils - et attrape un élastique pour attacher mes boucles en hauteur. Je regrette terriblement d’avoir abandonné si tôt. Merci. soufflé et j’enfile les chaussettes de la brune. Mon dieu, quel look immonde je dois avoir. Je la regarde et grimace légèrement. Non mais, vraiment, j’ai fait l’effort de me transformer en peintre mais… L’habit ne fait pas le moine. Il ne faut vraiment pas qu’elle me donne un pinceau. J’attrape mon téléphone et pianote dessus rapidement. Je peux faire venir l’équipe qui est au Copley et on peut manger du popcorn en les observant. Ça me semble plus rentable. Sur le gain de temps et le résultat.

J’ai toujours été plus qu’ouverte et confiante en ma sexualité. Les plans à trois, jongler d’un homme à une femme, je sais ce qui me plait et ne me plait pas. Et si les relations à plusieurs m’ont toujours tenté plus que de raisons - j’étais le numéro d’un couple jusqu’à l’an dernier - je sais aussi que ma jalousie me jouerait des tours si je venais à proposer un nouveau plan à trois - ou plus - avec Jeremiah. Parce que tout a changé. Jeremiah n’est plus mon meileur ami avec lequel je prends énormément de plaisir mais bien mon petit ami. Et ça, ça change beaucoup de choses, moi je vous le dis. Enfin, tous ces mots sont balancés pour rigoler, pour détendre un peu l’atmosphère et - surement - pour me donner de quoi papoter plutôt que de peindre ces murs. J’ai l’impression qu’on va repeindre la Muraille de Chine tellement ça me semble insurmontable. Alors, je cherche comment me sortir de ça, de ce bordel dans lequel je me suis foutue volontairement, ne la prenant pas au sérieux. Toujours prendre les gens au sérieux Ella, par pitié. L’erreur est apprise et de la meilleure façon qui existe. Parce qu’elle me chipe mon téléphone et me met un pinceau en mains. Je la regarde, mon regard de chien battu de sorti. La mine triste, presque défaite, je la regarde et espère que mon charme fera son effet mais j’en oublie une chose : Taylor a vu mes parties intimes mais pas pour s’amuser alors, la magie n’opèrera pas. Mais je peux payer. Je suis leur boss. Alors qu’il peigne ici en trente minutes ou au Copley... Je regarde mon téléphone, un peu plus loin et ne bouge pas, au milieu de la pièce. Tu pouvais pas lui dire que tu faisais des lasagnes parfaites ? Un truc un peu plus simple, enfin qui me semble plus simple. Pourtant l’année dernière, je n’étais même pas capable de faire cuire des pâtes. Les plaques chauffantes de ma suite n’étaient même pas branchées, c’est pour dire. Mais on peind comment, au juste ? De haut en bas, de droite à gauche, en rond ? J’en sais rien moi. Et la couleur, ça donne quoi ? Et la qualité ? Mais ça, je ne le dis pas, je verrai bien au premier coup de pinceau. C’est bien pour que tu gardes la face avec Trent. Que je dis rapidement. Et juste pour cela. Parce que sinon, je sauterais par dessus le lit pour récupérer mon téléphone et faire venir deux ou trois gars au plus vite.