28 mai 2021, 17h

; le cœur est agité, angoissé à l'idée seule de rentrer dans l'appartement désormais vide ce soir. habituée à une présence constante, celle du fruit de ses entrailles, adolescente entêtée, refuse d'accepter la vérité dévoilée. "ton père est en ville." - "c'est pas mon père, j'ai pas de père !" la conversation avait été stérile, incapable de faire entendre raison à la gamine qui a préféré prendre la fuite. chez sa tante. elle soupire, passe une main dans ses longueurs brunes, jette un œil à l'heure, se décidant enfin à amorcer la fermeture. et alors qu'elle navigue dans la boutique, commence à rentrer les fleurs de la devanture jusque l'arrière pièce, une silhouette la fait sursauter, lorsqu'elle lève le nez, reconnaît sa cadette. instinctivement, elle regarde derrière elle. mais elle est seule. « hey » le ton est neutre, quoique toujours empreint d'une certaine douceur, alors qu'elle baisse les yeux sur les orchidées qu'elle tient entre ses bras. « tu m'aides et je te paie le café ? »

28 mai 2021, 17h

; la bordure des lèvres se soulève, à lire la lassitude dans les traits de la plus jeune quand pourtant, elle ne rechigne pas à venir l'aider à ranger sa boutique. elle dépose les orchidées dans un coin, observe par-dessus son épaule pour glisser ses yeux sur la silhouette de sooji, curiosité venue s'installer sur ses traits. elle veut bien essayer de te parler. elle soupire, se redresse, retourne chercher les dernières fleurs de la devanture dans un silence presque lourd. « j'suis dépassée par tout ça. je m'étais jamais attendu.. enfin je m'attendais plus à me retrouver dans cette situation. » elle dépose le bouquet sur un meuble, avant de se passer les tempes douloureusement. « j'en ai toujours pas parlé à noa. et je sais qu'il faut que je le fasse aussi. » au moins pour éviter les mauvaises surprises. ou l'avertir que sa fille ne veut probablement pas le voir. est-ce que lui voudra seulement la voir ? elle soupire, attrape deux tasses derrière le comptoir pour préparer un café à sa soeur. « tu veux que je ramène quelque chose ? » active la machine, sans remarquer qu'on les observe, en retrait, sur le trottoir opposé à la boutique.

et elle redoute déjà, de lire cette même rancoeur qui habitait son regard au moment même où elle avait prononcé son prénom. noa. l'acceptation n'était pas là, et elle s'y était attendu, hyejin, connaissant suffisamment sa fille pour avoir lu dans ses yeux la rancoeur chaque fois qu'elle disait ne pas avoir besoin de père. et si elle a toujours été fière de la voir si indépendante, elle sait qu'au fond, elle en a aussi souffert. « d'elle ? il est parti avec ses parents sans savoir quelle serait ma décision finale. et disons que le sujet n'a pas été abordé quand je l'ai croisé. boston a beau être une grande ville, si un jour il nous croise... » hyejin avec une adolescente, le calcul sera vite fait. « je préfère que les choses soient claires. » elle soupire, s'installe sur une des chaises du comptoir de la boutique, tendant à sa cadette la tasse encore fumante de caféine tandis qu'elle activait la seconde. un sourcil haussé, elle écoute la question de sa soeur, songeuse. « hm.. si tout ça s'était passé plus tôt, j'aurai probablement été inquiète. » qui ne le serait pas ? sa soeur, sa princesse. elle l'a toujours couvée et chérie, qu'importe combien savait-elle se montrer autonome et mature malgré son jeune âge. « mais aujourd'hui.. vous êtes deux adultes, consentants, conscients de vos actes et de vos sentiments. je serais culottée d'avoir quoique ce soit à en dire quand j'ai choisi d'avoir un enfant à 15 ans. » en terme de décisions allant à l'encontre des normes, elle en tient une sacré couche. elle récupère sa propre tasse, la portant à ses lèvres avant de conclure : « tout ce qui m'importe, c'est que tu sois heureuse et épanouie, sooji. tout le reste est futile. » et c'était valable pour tout le reste de leur famille. « tu l'aimes ? » question posée plus bas, comme si elle ne voulait pas la brusquer.

la suite n'est qu'incertitude et doute, à ne pas savoir la marche à suivre, les pas à faire, comment se sortir de cette situation hasardeuse et complexe. et elle préfère oublier, pour l'instant, jinny. s'occuper d'abord - toujours en priorité - de sa famille. sa fille. sa soeur. et elle rejette sa propre histoire pour se concentrer sur celle de la cadette, hochement de tête de l'aînée aux propos portés par sooji. « je sais. mais c'est mon avis. si une femme peut choisir d'être mère à l'adolescence, une autre peut choisir de tomber amoureuse d'un homme plus âgé. » les clichés de la société faisaient plus de mal que de bien, au fond. hyejin, elle est heureuse d'être mère. et si sooji est bien avec hanzhe, c'est tout ce qui compte pour elle. « le plus important, c'est vous deux, puisque vous êtes les principaux concernés. les autres ne doivent pas influer sur ça. » et elle sait que c'est compliqué, qu'il est père, que sa fille doit avoir du mal à accepter tout ça. mais un jour, elle l'espère, elle comprendra. et elle rit, hyejin, à voir sa soeur se braquer dès qu'on parle d'amour, carapace fièrement dressée pour se protéger de la notion trop intense, minimise en ajoutant le "bien" derrière. elle se contente de hocher la tête, de tendre les doigts pour les poser sur l'épaule de sa petite sœur, étreinte légère. « prends le temps et le rythme qu'il te faut, sooji. c'est le plus important. » il valait mieux ça, plutôt que de se précipiter dans une situation et un état d'esprit ne lui convenant pas. la porte s'ouvrant dans son dos attire l'attention de la fleuriste, découvrant un homme dans l'entrée de la boutique. « bonjour ? » reportant son attention sur sa sœur, elle lui fait signe de ne pas bouger, se redressant de son siège pour se diriger vers le client. bien que théoriquement fermé, elle était en faute, n'ayant pas encore verrouillé la porte. après tout, elle n'allait pas le jeter dehors. « je peux vous aid.. » les mots meurent, lorsque le regard tombe sur une arme. se relève sur le regard froid. « la caisse, s'il-vous-plaît. » instinctivement, la silhouette se décale pour se dresser devant sa soeur.

protégée sous une épaisse carapace d'apparences, elle lit, hyejin, elle lit et surtout elle saisit les inquiétudes de la petite soeur, hochement de tête et lèvres qui se pincent à la correction apportée par celle-ci. « d'apprécier. » qu'elle répète, comme une approbation muette, accompagnée d'un hochement de tête presque indistinct. « c'est dans la nature de l'homme de porter un jugement sur tout ce qui l'entoure. à nous de voir si on décide d'écouter ou non. » hyejin, il y a quinze ans, elle avait choisi d'ignorer. soutient silencieux d'une aînée constamment présente pour la plus jeune, à vouloir guider comme elle le peut, ou, le cas échéant, la conseiller au moins un peu. discussion interrompue par la présence au coeur de la boutique, canon braqué sur la fleuriste, quand c'est le corps qui fait barrage devant sooji. la tension est perceptible dans chacun des muscles de l'homme, accélérant les battement de coeur de la brune, le ton teinté d'horreur de sooji derrière elle, la voir bouger dans la périphérie de sa vision. « pas besoin de crier, je vais vous donner ce que vous voulez. » et elle tremble, sa voix, également, la main qui exécute un mouvement vers l'arrière, à l'intention de sa soeur. « sooji, va chercher la clé de la caisse dans l'arrière boutique, s'il te plaît. » moyen détourné de mettre la petite soeur en sûreté, à distance de potentielles balles perdues si l'homme devait céder à ses nerfs. elle se recule en direction du comptoir, sans relâcher le contact visuel avec l'inconnu. plus vite. elle expire, baisse les yeux sur la caisse sous ses yeux. « j'irais.. bien plus vite si vous n'aviez pas votre arme braquée entre mes deux yeux » lèvres serrées, doigts tremblants, regard jeté vers l'arrière pour s'assurer que sooji se trouve bien derrière les murs.