Énième journée de travail. Le bandana blanc collé sur les cheveux, à gratter encore les traces du service de ce midi. Et le gosse qui baille à s'en décrocher la mâchoire, à croire que ça fera passer le temps bien plus vite. Il s'étire et remue comme s'il échauffait son corps avant une séance de yoga ou d’entraînement intense. Et c'est parti pour lancer les plats qui commencent à défiler. L'esprit qui vagabonde alors que les gestes sont mécaniques. Habituels. Il ne regarde même plus vraiment où il va ni ce qu'il fait. Toujours enfermé dans cette cuisine, la solitude qui est sa seule amie, sa seule compagnie. Le brouhaha du restaurant, les braillements en chinois de sa mère, la musique qui vient compléter le tout. Et le tintement des accessoires de cuisine qui anime ses gestes. Il se tourne rapidement, pose des bols sur le comptoir avant que ses iris se brassent la salle. Elle est pleine. Et il remarque alors la petite brune qui travaille dans la pâtisserie à côté du restaurant. Chaque fois, il la croise dans la ruelle, alors qu'ils sortent les poubelles. À croire que le destin cherche à les rapprocher. Lui pourtant, n'arrive pas à délier sa langue. À toujours ne se contenter que de la saluer, de n'oser aller plus loin dans la conversation. Et la dernière fois, elle s'est échappée et a laissé ce bijou dans son sillage. Il l'a tenu entre ses doigts, longtemps. À se demander comment il arriverait à faire face à elle, en lui expliquant pourquoi il possède le bijou. Il pince les lèvres, s'en retourne à sa cuisine en essayant de l'occulter. Sa mère s'occupe du service. Et ce n'est qu'à la fermeture qu'il remarque qu'elle est toujours là. Il réussit à faire partir sa mère, se retrouvant seul. Et c'est avec un courage tremblant qu'il s'approche de la table qu'elle n'a pas quitté, inclinant la tête. « Bonsoir... Euh... On va fermer. Enfin, ça me gêne pas que vous restiez... ! » Pince les lèvres, à se demander pourquoi il a dit ça.

Les filles, ce n'est vraiment pas son fort. Le cuisinier qui tremble comme une feuille, s'incline toujours trop et s'excuse pour des choses qui n'existent pas. C'est son quotidien. Les clientes qui lui lancent des petits sourires à travers le trou du mur entre la salle et la cuisine du restaurant. Et lui, qui se détourne et rougit bêtement. À se dire que tout ça n'est pas réel. Alors, se retrouver seul avec la vendeuse de la pâtisserie d'à côté, c'est une épreuve qu'il n'est pas sûr de pouvoir gérer. Il déglutit doucement, nerveux, pas certain qu'il y a est un formation pour ça. Il pensait simplement la mettre dehors gentiment et au lieu de ça, ses lèvres ont décidé de l'inviter à rester. Il pince les lèvres, secoue la tête. « Ah. Non non, je vais le faire. Euh... Attendez là hein ! » Puis, il s'échappe en cuisine, la rangeant à la vitesse de l'éclair. Il ne doit pas la faire attendre trop longtemps. Une fois terminé, il se change et revient vers elle, fouillant dans la poche de son jean. « Mh... Je crois que j'ai quelque chose à vous... » Fouille ses poches encore et encore avant de sortir un collier, brillant sous la faible lueur des lumières du restaurant. Il lui tend. « Je l'ai trouvé près des poubelles il y a deux jours, je n'ai pas eu le temps de vous le rendre. » Il doit être précieux ce bijou. Il a aimé l'observer, se dire qu'un jour peut être il pourrait faire un aussi joli cadeau à une femme qui l'aimera. Encore fallait-il qu'il s'accepte.

Il sourit doucement, observe la demoiselle apprécier qu'il ait retrouvé son collier. Lui, il est heureux de lui avoir rendu, ne voyant pas trop ce qu'il aurait pu en faire s'il ne lui avait pas appartenu. « Ah ! Je suis content que ce soit le vôtre ! Je pensais ne jamais trouver son propriétaire ! » Qu'il lance un peu joyeusement. Contaminé par la joie de la jolie demoiselle. Puis, il hausse les sourcils, devient rouge écarlate et ne bouge pas d'un millimètre. Il se demande pourquoi elle veut absolument que ce soit lui qui l'aide. Peut être parce qu'il ne reste plus qu'eux deux dans la salle. Il déglutit nerveusement, s'approche d'elle. Et d'une main fébrile, il attrape les bouts de la chaîne avant de les joindre. Un peu difficilement. Elle sent bon la demoiselle. Il se recule une fois fait. « Il vous va bien. Le collier... » Se racle doucement la gorge avant de se demander ce qu'il doit faire maintenant. Gosse timide qui gesticule sur place.