ft. @Albus Jasinski |
Les murs rehaussés des tags de cette culture qui fait la réputation de cette localité, je les ai arpentés brièvement histoire de ne pas trop m’attarder dans les recoins peu recommandés. D’ordinaire je sais où foutre les pieds mais ici tout m’est étranger et si les quelques sensations de déjà-vu liées à mon passé ne m’apportent aucun réconfort, ce n’est parce qu’elles ne sont qu’illusoires, éphémères, d’un gout suranné. Les gangs véhiculent ainsi leur propagande et ne se cachent même pas des autorités, dealent à même leur nez, sous les feux des voitures qui n’ont rien de banalisées. Il y a un quartier un peu plus loin de prostituées d’après les mises en garde du couple chez qui Burns et moi avons loués deux chambres le temps du séjour. Mais ce n’est que par curiosité que je m’y suis égaré, histoire de contempler la beauté de leur commerce, la tête baissée et le regard biaisé lorsqu’il a fallu traverser ce fameux quartier.
Un menu totalement différent de ce qui se propose à Boston et j’en suis le premier surpris mais profondément soulagé parce qu’il n’aurait jamais été question de gouter à la gastronomie de cette piètre qualité. Âme qui erre vers ce secteur réputé français, un établissement dont la façade rappelle à un saloon sorti tout droit d’un bon vieux far West, j’ai ressenti subitement cet inexplicable besoin d’aller me repentir de ce que je venais de traverser. Alors le moral en berne, mes pas m’ont conduit vers cette église dont la vieille chez qui nous squattons n’a jamais cessé de parler. La seule dans le coin qui peut à toute heure vous sauvez des vices de cette société et je comprends pourquoi maintenant elle tient pour ce prêcheur un immense respect. Il en faut du courage et de la volonté pour œuvrer à coté d’un bordel mais c’est aussi un geste très intéressé parce qu’ici, il y aura toujours une clientèle pour venir se confesser. Et puisque nous parlons de sauver les brebis égarées, il n’est pas surprenant d’y croiser un prédateur à l’intérieur, la silhouette de Jasinski assis sur l’un des bancs à silencieusement contempler l’architecture comme s’il y puisait une quelconque force. Pourtant peu fan de ces lieux, je m’y suis risqué, arpentant l’allée centrale la tête engoncée dans les épaules pour aller m’assoir à côté, lui glissant après m’être installé : « Tu t’es trompé, la sortie des écoles c’est dehors. »
Bless me Father for I have sinned. |
@Dutch B. Cooper
ft. @Albus Jasinski |
Tête engoncée dans ce réceptacle à tragédies, je ne me suis pas fait prier contrairement à ce Dieu refoulé avec qui ils tentent tous vainement de communier pour les braver d’un regard biaisé. Il y a de tout ici, du fils rebelle à la bobonne qui regrette les dernières paroles échangées avec la voisine médisante du quartier, commérages mesquins dont elle reprendra dès le lendemain le chemin avant de revenir ici. Et ainsi va la vie. « J’ai plutôt misé sur les bonnes sœurs. Les écoles c’est surfait. » Un sourire incrédule se peaufine à mesure que j’entends comprendre sa répartie et l’imagine déjà avec cette quinquagénaire qui rallume pour la nuit un à un les cierges, relevant sa soutane par l’arrière pour lui donner de quoi revoir son vœu de chasteté. « Je te les laisse volontiers » parce que je les préfère de loin lorsqu’elles sont beaucoup moins fripées, plus fraiches, de première qualité et lorsque ce costume n’est qu’une frivolité, qu'un apparat destiné à m'exciter lors de jeux osés. « Le prêtre a presque terminé sa journée, il n’aura pas assez de temps pour te confesser. »
« Pas grave » , ce n’était pas la raison de ma venue et les doigts joints, le dos courbé, je me suis pris au jeu pour me fondre aux autres avec subtilité, faisant mine de prier un saint auquel je n’entends rien. « Je fais collection. » Un péché de plus ou de moins ne fera pas plus pencher la balance qu’elle ne l’est déjà, depuis longtemps lourdement en ma défaveur et qu’importe les paroles prêchées dans ce caisson, rien ne saurait remédier à çà. Marchand de morts qui se délecte des malheurs des uns dans son propre intérêt, qui profite de la noirceur du cœur humain pour satisfaire le sien. « T’es déjà passé ? » Qu’on puisse oui ou non se replier vers des atmosphères moins chargées, vers des cieux plus cléments où les gorges puisent dans les verres une absinthe finement distillée. Mais alors que je croyais avoir tout vu jusque là de ce pays et de ses sordides coutumes, l’une des nonnes se met à chanter un vieux cantique auquel les voix de certains pèlerins ici présents résonnent, me foutant le bourdon, le grand frisson, comme chassé par les sermons qu’ils psalmodient. Ceux dont l’âme ne veut se repentir doivent partir…
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@Dutch B. Cooper
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