Depuis la tempête, t'essayes de reprendre le boulot du mieux possible, de combler les pertes que tu as subies du mieux possible. Franchement, ta compta est compliquée en ce moment. Tu te dégages un minuscule salaire de rien du tout et il te reste peu de place pour pouvoir te faire plaisir. T'as beau être un bosseur, t'aimes quand même t'offrir une petite parenthèse de douceur de temps en temps. Bah ouais, histoire de tenir le coup moralement. T'as pas une machine, et tu le sais, t'en as déjà fait les frais par le passé.

Du coup, t'as une folle envie de sucre et chocolat pour décompresser. Au Japon, t'aimais déjà aller dans les cafés pour pouvoir jouer de la guitare pour amuser la galerie et te sortir la tête de tes emmerdes. Une fois arrivé ici... t'avais pas vraiment abandonné cette habitude. T'avais ton étui de guitare sur le dos, ton gobelet de latte macchiato d'un côté, deux muffins sur une assiette de l'autre, et tu cherchais un spot pour poser tes miches fatiguées. Clairement, t'avais pas la mine la plus fraîche du monde vu que tu passais tes nuits à essayer de trouver un moyen de faire en sortie que ton budget se casse pas la gueule. T'avais fait un énorme sacrifice aujourd'hui en dépensant ce que tu estimais être une fortune pour t'injecter du sucre et du gras dans le sang.

Et là, y a mon regard qu'est attiré par quelqu'un qui a une tête de déterrée encore pire que la mienne. Je me fige, je hausse un sourcil en l'observant et je me demande sincèrement ce qui peut se passer pour qu'on ait l'impression qu'elle porte la galaxie entière sur ses épaules. Je veux bien que la vie soit merdique, m'enfin là... Bref. Ma curiosité m'amène en mode automatique vers elle, et je peux pas m'empêcher de regarder ce qu'elle est en train de dessiner en me penchant un peu au-dessus de son épaule. Elle semble pas me calculer, et j'avoue que je suis un peu surprise quand elle rature le truc d'un coup. Je souffle un : "Eh beh... c'est dommage c'était pourtant pas trop moche." Je viens choper un des deux muffins pour le poser sur son défunt dessin avant d'aller m'installer en face d'elle.

A vrai dire j'y connais rien en dessin. Moi tu me demandes de dessiner un bonhomme, je t'aligne 5 bâtons avec un rond et basta. Bon, j'exagère, mais c'est pas mon domaine de prédilection quoi. Je me débarrasse de mon étui, le calant contre ma chaise. Je tape l'incruste avec un naturel qui en désarmerait plus d'un, et je croque dans mon muffin en posant mon gobelet sur la table. "Faut pas te mettre dans des états comme ça... tu peux en faire d'autres des dessins." Ouais, je me doute que c'est pas à cause de ça qu'elle est mal. J'ai juste l'art et la manière d'ouvrir ma bouche au moment le moins opportun. "Tu devrais essayer le muffin, ça fait oublier que la vie est merdique l'espace de quelques secondes."

∙∙ adoubons ton cœur

ft∙ @Chrissy Porwell ∙∙

BABAO ‒

A ce moment-là, où elle commence à me gueuler dessus... je sais pas trop ce qui m'a pris. Je l'ai juste observé avec un air fasciné en mangeant mon muffin avec un détachement inédit. J'écoutais ce qu'elle me disait en me demandant ce qui pouvait bien faire qu'elle en avait à ce point gros sur la patate. Ecoute ma grande, si t'as envie de te défouler sur un inconnu, fais. Perso, ça me dérange pas plus que ça. Par contre y la pression qu'augmente ici, et je commence à jeter des regards en coin face aux personnes qui se retournent devant cette scène bruyante.

T'en vois même qui sont prêts à se lever pour venir t'enfoncer la tronche dans la table avant de te foutre dehors. Bon. Là, c'est une question de survie. Tu la laisses finir, tu enfournes le gros bout de muffin qu'il te reste. Ca te donne des airs de poisson fugu, les joues bien gonflées. Puis tu te lèves, tu te penches par-dessus la table, et tu chopes le muffin que t'as posé sur la planche à dessin. D'un geste radical, tu lui enfonces dans la bouche au moment où elle l'ouvrait pour parler avant de placer ton index libre devant ta bouche que t'es en train de vider. Tu lui intimes silencieusement de se taire et tu finis par dire : "Le muffin apporte le calme." Tu te rassieds en soupirant et fronce les sourcils avant de t'exclamer faussement offusqué : "Franchement... j'y crois pas que tu me traites comme ça. On s'est pas vu depuis deux semaines, et maintenant qu'on se voit tu me fais subir tes humeurs ? Si j'avais su je t'aurais pas offert de muffin, Kim."

Je laisse un blanc pas suffisamment long pour qu'elle puisse rétorquer : "J'étais occupé, ok ? Je pouvais pas forcément me rendre dispo tout de suite. Mais maintenant je suis là. C'est quoi qui te travaille ?" Concrètement... mon astuce avait plutôt bien marchée puisque les regards commençaient à nous lâcher tout doucement. Je pose mes avant-bras sur la table et je la regarde d'un air sérieux avant de parler d'une voix plus basse : "On se connait pas, que tu m'en mettes plein la gueule c'est ok. J'ai l'art et la manière de me mêler de ce qui me regarde pas, mais ça fait pas partie de mes principes de passer à côté de quelqu'un qui va mal et de le laisser seul à ruminer des trucs qui serviront certainement à rien d'autre qu'à détruire une estime déjà visiblement bien attaquée." Je manque un peu d'air à la fin de ma phrase... et je reprends mon souffle avant de m'adosser nonchalamment : "La vache, j'aurais du rajouter un break quelque part au lieu de me prendre pour Shakespeare..." Je la fixe et je hausse un sourcil : "Alors le muffin ?"

∙∙ adoubons ton cœur

ft∙ @Chrissy Porwell ∙∙

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