Ses doigts terminent d'arranger ses épais cheveux noirs, légèrement satisfait de l'apparence qu'il possède. Un dernier regard dans le miroir lui suffit à se dire que c'est assez bien pour le rendez-vous qu'il a. Pas un date, pas un rendez-vous d'affaire. Quelque chose de simple, juste l'envie de rencontrer l'autrice de ce poème, cette lettre. Il en reçoit beaucoup, souvent. Mais de filles basées ailleurs, plus loin, des filles qui n'attirent pas sa curiosité. Serafina, c'est autre chose, c'était mignon, pas voulu selon elle. Quelque chose qui n'annonçait rien, elle ne lui demandait d'ailleurs rien. Il arrange son pull pour enfin quitter son appartement et rejoindre sa voiture. Le lieu de rendez vous qu'elle a établi. Il l'a un peu forcé au fond. À un feu rouge, il profite pour relire la lettre, s'en amuse plus qu'autre chose sans y voir quoi que ce soit de malsain derrière tout ça. Peut être qu'elle ne sait même pas qui il est, pas forcément connu de ce côté de la planète. Une fois garé, il se rend dans le café, poussant la porte avant de farfouiller la salle du regard. Et il tombe sur la brune qui l'attend, s'approche d'elle en étirant ses lèvres dans un léger sourire. Elle est jolie, plus que sur sa photo. D'un pas léger, assuré, il vient tirer la chaise en face d'elle. « Bonjour, vous attendez depuis longtemps. » Aussitôt ses yeux observent sa montre, affichant une légère grimace. « Désolé, je suis un peu en retard, il y avait du monde sur la route. Vous n'avez rien commandé encore ? » Un léger sourire qu'il adresse à la demoiselle. « Prenez ce qu'il vous fait plaisir. »

Il s'installe en face de la brune bien content de voir qu'elle ne compte pas lui poser un lapin. Il est relativement calme quand elle, elle semble agitée par il ne sait quoi. « Ah ? Vous venez souvent ici alors ? » Peut être que le lieu est choisi au préalable pour que, justement, elle se sente en sécurité. Il se tourne vers le serveur, commande la boisson de Sierra, puis la sienne. Macchiato Caramel. Un petit pêché mignon depuis qu'il a posé les pieds à Boston. Bien qu'il trouve que la vie américaine ne lui convient pas et passe plus de temps à Chinatown, à chercher ce petit bout de pays qui manque à son cœur. Il ne le dit pas, ne le montre pas. Mais c'est le Corée qui lui manque. L'espoir que les choses s'apaisent, se tassent, qu'il puisse repartir assez rapidement. Rien ne le retient ici si ce ne sont ces pilules de somnifères qui trônent sur sa table de chevet. L'aident à trouver le sommeil quand il est allongé dans le noir à fixer le plafond. Le manque d'une présence à ses côtés, de pouvoir veiller sur quelqu'un qui semble ne plus jamais exister que dans ses rêves. Il pousse un léger soupir avant de s'appuyer sur la table, les yeux rivés sur Sierra qui lui fait face. C'est étrange de se dire que la demoiselle a envoyé la lettre par erreur. Qu'il n'aurait pas du la recevoir. Pas rencontrer cette fille plutôt jolie. Il se demande si elle sait qui il est, ce qu'il est. Les scandales de Corée sont rarement ébruités de l'autre côté de la planète. Sauf si on sait où chercher. « Alors, Serafina. Que faites vous dans la vie ? » Il faut bien commencer quelque part non ? « Je suis quand même un peu content que vous ayez fait cette... erreur. Ça me permet de rencontrer du monde à Boston ! » Au fond, c'est vrai. Il ne connaît pas quand monde le coréen. N'arrive pas à trop s'investir ici.

Il explique pas la raison qui l'a poussé à vouloir rencontrer la demoiselle. Normalement, il ne répond pas. Il ne fait pas ça. L'homme se demande même si elle le connaît un peu ou si c'est simplement un coup de tête. Une façon pour elle de profiter de la vie. Il soupire doucement, installé en face d'elle à l'observer parler. Un sourire en coin se dessine sur ses lèvres. « Ah... Pas très calme comme endroit si ? » La célébrité pas friande des endroits publiques bien qu'à Boston, peu de gens en viennent à le reconnaître. Il enroule ses doigts autour de la tasse une fois posée face à lui, observe la mousse de lait flotter à la surface. L'odeur qui vient taquiner ses narines est douce, sucrée. Et il reporte son attention sur Sierra, essaie de la connaître. « Vous dansez ? C'est à dire ? » Ça l'intrigue. Les danseuses de la nuit ne sont généralement pas des ballerines. Mais est ce que ça le dérange au fond ? Non, il s'en fiche. Le jeune homme n'est pas tout blanc non plus. Loin d'être un ange comme ce qu'on veut bien faire croire. La surface, toujours la surface. Il ne peut s'empêcher de lâcher un léger rire amusé alors qu'elle semble encore ne pas vouloir assumer cette lettre. La maudit sans doute intérieurement. Il lève les mains et hoche la tête. « Bien, n'en parlons plus alors. » Elle ne semble pas forcément à l'aise. Il se demande si elle a accepté par politesse ou simplement parce qu'elle voulait s'assurer qu'il viendrait. Il s'accoude à la table, ajuste sa position sur la chaise alors que la conversation se retourne sur lui. « Oui. Enfin, j'y suis depuis un an maintenant. » Une année entière où il n'a remis les pieds à Seoul que deux fois. Et chaque fois, ce sont ses tripes qui s'agitent et se tordent quand il y retourne. Ville aimée devenue le cauchemar de celui qui la chérissait le plus. « Enfin, je crois que je m’acclimaterais jamais à cette ville et la vie américaine. » Sûrement parce que ce n'est pas une volonté de sa part d'être ici. Lui, il aime la vie à Séoul. Il aime sa vie coréenne. Fait parfois des choses que les américains semblent ne pas comprendre. « Enfin, je n'y resterais pas toute ma vie de toute manière. » La détermination à rentrer en Corée un jour.

Moue songeuse mais qui approuve, dessine les traits du jeune homme. Il connaît un peu mais sûrement pas comme elle, ce monde de la nuit. Ses doigts pianotent sur la tasse face à lui. « Vous êtes stripteaseuse ? » Il ne juge pas, ose la question peut être risquée. Qu'est ce qui est différent entre eux au final ? Ils divertissent les gens de manière différente mais ils divertissent malgré tout. L'homme qui pourrait tout avoir d'un claquement de doigt, le bonheur à porté de main mais au fond, il n'y a rien qui le rend heureux. Pas même ses sœurs qui semblent pourtant s'acharner à faire de sa vie un moment meilleur. S'il est venu ici, ce n'est pas pour vivre le rêve américain mais pour oublier. Oublier combien son métier a foutu sa vie privée en l'air. Qu'il était heureux et que maintenant il ne l'est plus. Peut être que loin des projecteurs coréens, à faire croire qu'il sera l'éternel célibataire disponible pour ses fans, il arrivera à retrouver un semblant de bonheur. Il finit par étaler un léger sourire sur son visage. « Je n'attends pas grand chose d'ici de toute manière. » Un an qu'il est là et il n'a même pas quitté Boston pour autre chose que les affaires. C'est tout juste s'il connaît le parc en bas de chez lui. Il avale une gorgée du café, retient une grimace parce qu'il trouve que c'est un peu trop sucré. « On verra bien. Je me laisse à peu près cinq ans avant de retourner vivre en Corée du Sud. Ou alors en Chine. L'un ou l'autre, peu importe. » Pas avant de s'assurer que ses sœurs sont à l'abri de tout. Qu'elles sont bien. Il sait déjà que la plus grande des trois aura un bel avenir. Il reste un peu inquiet pour Suha, peut être qu'il la protège trop. « Et si j'ai envie de visiter des trucs bien à Boston, ce serait quoi ? Parce que je dois avouer que je connais surtout -et uniquement- Chinatwon. » Et qu'il ne cherche pas vraiment à fouiller ailleurs.

Il est qui pour juger ? Lui qui ose mentir sur des choses qui ne devraient pas être grave. À faire croire constamment que tout va bien dans sa vie. Qu'il n'est là que pour le travail, pour les opportunités que les USA lui offrent alors qu'il peine énormément à s'intégrer. Pas que son faciès soit un problème mais les coutumes dont il n'a pas l'habitude. « Je vous avoue que je ne suis jamais allée dans un endroit comme celui où vous travaillez... » Ressemble à un gosse quand il dit ça. Pas qu'il en ai honte mais sa notoriété l'empêche d'être vu dans ce genre d'endroit. D'ailleurs, il n'a jamais eu l'idée d'y mettre les pieds. Ne comprend certainement pas l'intérêt pour les hommes à aller mater des nanas qui s'effeuille. Des fantasmes sûrement. Il pince légèrement les lèvres, passe une main sur son menton en réfléchissant un peu. « C'est un autre monde, il faut l'avouer. » Autre chose que ce qu'il vit ici. La plupart du temps enfermé dans son appartement avec le vue vertigineuse sur Boston. Une ville qu'il ne trouve pas spécialement jolie ou attirante. Il note les indications de la jolie brune. « J'espère que vous me servirez de guide alors. Vous semblez mieux connaître que moi. » Et puis, elle deviendrait peut être un contact permanent sur Boston. Autre chose que le travail.