Aujourd'hui, c'est la soirée de vérité. Je sais qu'on en a besoin et je ne peux plus faire l'autruche. Je ne peux plus penser des choses, tenter de les faire comprendre à mon meilleur ami sans vraiment le faire. La demi mesure ce n'est pas ce pour quoi je suis connue. Et même si cette soirée question réponse risque de me faire mal, je sais qu'elle est indispensable et inévitable pour la survie de notre amitié et pour l'avancée de notre duo. Je ne peux plus ignorer tout ce qu'il se passe dans ma vie et encore moins imaginer les réponses à toutes mes questions. Dans un tailleur noir, je les cheveux attachés dans une queue de cheval haute, je tourne en rond jusqu'à ce que la sonnerie du four attire mon attention. Aujourd'hui, je nous ai fais sausage and mash avec de la gravy. Un plat en provenance de notre pays, de là où on a vu le jour et où on s'est rencontré. Ce n'est pas un retour en arrière juste un doux rappel de nos origines. Je sors les saucisses du four et pose le plat sur le plan de travail en marbre. J'ouvre le tiroir et attrape une fourchette pour piquer un bout de saucisse et la couper en deux. Tout m'a l'air d'être cuit. Je souffle quelques secondes sur la fourchette avant de la porter à ma bouche pour vérifier. C'est parfait. Je ne pensais pas y arriver toute seule mais c'est très bon et je suis contente de cela. Sourire aux lèvres, j'éteins le four et y replace le plat pour qu'il ne perde pas toute sa chaleur. Je ferai les assiettes rapidement lorsque l'on passera à table, la purée attendant sagement d'être placée sur les assiettes, de même pour la gravy. Jeremiah ne devrait pas tarder de toute façon. Je ramasse quelques affaires qui trainent et monte balancer le tout dans ma chambre, comme une adolescente. Lorsque j'entends frapper à la porte, je descends rapidement faisant claquer mes talons dans les escaliers et filant vers la porte, plus rapide qu'Otis pourtant alerté par les bruits de frappe à la porte. J'ouvre cette dernière et souris. Hey. Comment vas-tu ? Je me décale pour le laisser entrer et lorsqu'il est à ma hauteur, j'embrasse tendrement sa joue. Otis arrive et accueille Jeremiah à sa façon, avec beaucoup de joie. Je ferme la porte après lui et si les flashbacks de notre dernière conversation ici me reviennent, je les efface rapidement. Un nouveau départ. A fresh start. Reposer les bases, se comprendre, s'entendre mais surtout s'écouter. Tu veux boire quelque chose ? Que je demande rapidement, filant vers la cuisine pour sortir la bouteille de champomy du frigo. Ma nouvelle drogue, en quelque sorte. Je ne peux pas boire d'alcool alors je me contente de ce substitue pour enfants. C'est mieux que rien, moi je vous le dis.

Si j'ai été touché par les roses envoyées par Ella à la Saint-Valentin, son petit envoi anonyme a aussi eut le don de m'énerver, pour la bonne et simple raison qu'il m'a fait tout remettre en cause à nouveau. Je n'ai pas apprécié qu'elle me dise devoir réfléchir à ses sentiments, sous-entendant qu'elle en avait, à travers de pauvres messages et une rose non signée distribuée par le fleuriste le jour de la Saint-Valentin n'est pas beaucoup mieux. Je ne peux pas lui en vouloir de ne pas avoir abordé le sujet mercredi dernier, alors que nous marchions tous les deux sur des oeufs pour garder la conversation bancale au possible, mais si elle souhaitait me parler, Ella pouvait me le faire savoir plutôt que de passer par un intermédiaire. La lueur d'espoir qui s'est aussitôt allumée à la réception de cette rose suffit à me faire savoir que ce mois et demi de distance ne m'a pas permis d'avancer. Au mieux, j'ai même fait un pas en arrière, et suis resté figé dans cette position après avoir reçu sa petite explication pour la signification de cette rose, qui n'est pas celle que je me suis imaginé. Ella est arrivée avec son sceau d'eau pour éteindre la brindille qui peinait encore à prendre feu, et si son discours avait pour but de me faire du bien, elle a échoué lamentablement. J'ai beau m'être fait une raison, je n'arrive pas encore à accepter son choix et prétendre que retrouver le nous "pre-décembre" me suffit.
Malgré l'envie pressante d'obtenir des réponses, j'ai fait le choix de ne pas la voir avant fin de semaine afin de me concentrer sur le boulot, sous lequel je croule récemment. L'issue de la conversation risque d'être difficile à digérer, je préfère me préparer au pire afin de ne pouvoir être surpris qu'agréablement. Ma tête, c'est chez Williams qu'elle doit être, pas chez Marriott, raison pour laquelle je n'ai pas souhaité la rencontrer avant la fin de semaine. Pitoyable, quand il y a encore quelques mois, je bossais dans le lit, sa tête sur mon épaule. J'essaye de ne pas trop réfléchir à ce qui va être dit au cours de cette conversation, n'ayant aucune idée des points qu'elle souhaite aborder ; j'ai quant-à-moi dit tout ce que j'avais à dire début janvier déjà et mon avis est toujours aussi tranché. Elle a fait son choix, j'ai fait celui de me retirer, fin. Grâce à l'aide précieuse de Haiwee, je parviens à finir ma journée en avance sur le programme initial et m'autorise donc un petit cinq kilomètres de course pour me vider de toute énergie négative, avant de me rendre à la douche pour me préparer à la rejoindre. Un pantalon de costume bleu anthracite, une chemise beige et ma veste sur le bras, je me rends au Copley en me forçant à éteindre mon cerveau jusqu'à ce qu'on entre dans le vif du sujet. Inutile de me jouer la future conversation quand je n'ai aucune idée de ce qu'elle va me dire. J'ai l'interdiction formelle d'espérer quoi que ce soit. J'arrive au Copley cinq minutes avant notre heure de rendez-vous, sonne à sa suite ce qui n'a déjà rien de naturel. En temps normal, j'y serais juste entré. « Hey. Ça va et toi ? » Je lui fais rapidement la bise, presse son avant bras avant de m'agenouiller pour caresser Otis, beaucoup plus enthousiaste que nous deux réunis. « Salut gamin. Oh oui, ça fait longtemps. » Il se laisse tomber sur le dos, les quatre pattes en l'air pour que je lui caresse le ventre, et je relève les yeux vers Ella lorsqu'elle me propose quoi boire. « Je veux bien un Whiskey. » Pas de champagne, on a rien à fêter. Je fini par me redresser, pose ma veste sur une des chaises avant d'aller prendre place dans le fauteuil avec Otis qui vient se poser immédiatement sur mes genoux. Note à moi-même ; le bleu foncé ne se marie pas si bien avec un chien qui, en plus de perdre ses poils, bave, mais je ne la chasse pas pour autant.

Ne plus pouvoir agir auprès de Jeremiah comme je le souhaite me braque de plus en plus. Je ne sais plus quoi dire, quoi faire et, surtout, ce qu'il vaut mieux éviter de faire. Je préfère me confondre en demi mot, en significations bidons et bancales que d'accepter tout ce qu'il se passe et ne se passe pas dans ma vie. Mon esprit divague toujours plus, cherchant à comprendre ce qui lui arrive, en vain. Et cette rose rouge, bien qu'elle montre l'éternité de notre relation, il y a plus derrière elle que je ne l'ai avoué. Seulement, face à un Jem en colère, je n'ai rien voulu dire, de peur de l'énerver un peu plus. J'aimerais lui dire que je tiens à lui plus qu'il ne le croit et pas seulement qu'en tant qu'amis. Mes nombreuses conversations avec Kate m'ont bien fait comprendre que si je l'imagine distant, c'est qu'il a trouvé quelqu'un d'autre. Et si, en ne disant rien, c'était aussi bien lui que moi que j'essayais de protéger ? Je n'en sais rien. Tout ce que je sais aussi c'est que cette rose rouge, si ce n'était que l'éternité qu'elle signifiait, elle aurait été envoyée avec une jolie carte. Je voulais qu'il comprenne de lui-même, en quelque sorte. La peur m'a fait minimiser la chose et je comprends que ce soir, la conversation risque d'être difficile. Il va falloir que je m'ouvre à cent pour cent et que je ne garde rien pour moi. C'est à nue que je vais me retrouver, je le sens d'ici. Mais j'ai signé pour cela.
Jem dans la suite, je souris légèrement, l'accueille comme il se doit même si tout est étrange. Mercredi dernier, on a volontairement marché sur des œufs, tentés d'oublier le mois passé à ne pas se voir réellement, ne pas vraiment discuter. J'ai envie de lui parler toute la journée, de lui dire que j'ai pris la décision de laisser ma place de vice président dès que le mandat sera terminé et de ne pas me présenter. J'aimerais lui parler des cours que je donne, de la satisfaction que je tire de voir ces abrutis réussir et me surprendre. J'aimerais lui proposer d'intervenir dans mes classes, pour que les étudiants aient un autre point de vue, un autre exemple réel de la communication dans une grande entreprise. L'hôtellerie et le monde de la course. Deux sphères bien différentes et, en même temps, tellement de ressemblance. Et je rêve aussi de lui annoncer que les bruits de couloirs mettent en avant que Sutton, la chargée des relations presses - ma supérieure hiérarchique -, va bientôt quitter le navire. Ça pourrait paniquer n'importe quelle organisation mais moi, c'est mon ticket pour passer d'assistante à chargée du pôle. Mais avant de parler de mes petits bonheurs professionnels, c'est notre vie personnelle qu'il faut aborder, à notre façon. Otis qui lui fait la fête, la réflexion de Jeremiah et je souris légèrement. Il est hors de question que l'on tombe dans la facilité du moment comme la semaine dernière pourtant, diable que c'est facile et tentant. Ça va, oui… Je suis contente que tu sois là. Que je souffle, un regard attendri vers la scène sous mes yeux. L'envie de whisky de Jem, je la partage aussi mais je suis toujours interdite d'alcool et ce pendant encore un petit moment. Je me dirige vers le bar et sors un verre, verse le liquide doré dans le verre et lui tends. Tu me fais des infidélités toi maintenant ? Que je demande en glissant le visage sur Otis, grattant son crâne quelques secondes. C'est toujours à mes côtés qu'il est, n'hésitant pas à grogner sur quiconque s'approche de moi. Mais avec l'anglais, je n'existe plus. Je vais me chercher une petite bouteille d'eau pétillante - mes bulles pour toujours - et m'assois sur le fauteuil près des garçons. Bientôt la présentation de la voiture alors.. Pressé ? Que je demande, buvant une gorgée de ma boisson, poussant doucement le vase des roses qu'il m'a envoyé pour la Saint-Valentin. Avec ce que j'ai reçu, j'ai fait deux vases. Un mélange de tout et de tout le monde pour la table de la salle à manger - dont je ne me sers que très rarement - et un vase avec ses roses que je compte bien sécher et garder aussi longtemps que je le souhaiterai. Je crois que les questions resteront en suspens le temps de manger, histoire de ne pas plomber l'ambiance et d'entacher le repas préparé avec amour. Parce que de l'amour, il y en a, qu'on le veuille ou non, que je l'accepte ou non. Je suis tombée sous son charme il y a des années et mon coeur, libéré de la cage dans laquelle je l'ai collé il y a treize ans de cela, a décidé de se synchroniser avec celui de Jeremiah. L'unisson de nos coeurs, un jour peut-être.  

Si je suis celui qui a demandé à Ella un peu de temps et d’espace pour réfléchir et accepter les derniers rebondissements, j’ai traduit notre éloignement par un choix clair de sa part de renoncer à un possible nous. J’apprécie qu’elle ait respecté ma demande et n’ait pas cherché à me forcer la main, mais lorsque je lui ai demandé, c’est parce que j’avais déjà d’une certaine façon fait mon deuil. Si ma meilleure amie avait un quart des sentiments que j’éprouve pour elle à mon égard, elle n’aurait pas eu besoin de plus d’une nuit pour le réaliser, hors elle a mis des jours à me recontacter après notre conversation. Je suis donc parti du principe que son choix était fait, qu’elle avait retrouvé ses esprits et fait du tri dans son cœur, en m’excluant (d’un point de vue romantique) de ce dernier. Et il y a beau n’y avoir là aucune surprise, je suis tout de même parvenu à être pour la millième fois déçu et ai eu besoin de temps pour l’accepter. Je ne suis pas certain d’avoir atteint ce stade - je suis même assuré du contraire - mais comme elle, j’ai, aujourd’hui, besoin de mettre les choses à plat afin de sauver notre amitié. Plus le temps passe, plus mon esprit me mène sur des pistes qui me donnent la nausée et moins je me vois la retrouver un jour, hors je suis le seul à me tenir entre un nous. Pas celui que je voulais, mais celui qu’on a toujours été et qui me manque terriblement.
A peine arrivé dans la suite, Otis m'accueille chaleureusement et j’essaye de me détendre en me concentrant sur sa bouille et ses effusions. Je souris à Ella qui me dit être contente de me voir, préférant ne pas lui dire que je le suis aussi. Je crains bien trop l’issue de la conversation pour assurer que ma présence au Copley me rend heureux, même si je le suis de la voir. « Merci. »  Dis-je lorsqu’elle revient, un verre de Whisky à la main, avant d’embrasser à son tour Otis. La bouteille d’eau pétillante qu’elle se prend me signale qu’elle suit toujours son traitement, question que je n’ai pas osé lui poser depuis des semaines de peur de nous mener sur un sujet délicat à travers des sms. « Plus stressé que pressé pour l’instant. » Il y a encore une tonne de choses à préparer et si, par miracle, la voiture est, cette année, prête en temps et en heure, ça n’enlève rien à la charge de travail avant sa présentation officielle. Nous sommes toujours en négociation sur certains sponsors et les communiqués de presse s'enchaînent à une vitesse folle, au point que certains ne passent même plus entre mes doigts avant d’être publiés. « Je vais rentrer une dizaine de jours pour être présent pour le lancement, j’ai mon vol le 28. » Mais parler de Williams, ou de Marriott, n’est pas vraiment ce pourquoi je suis là et j’avoue avoir peur de me lancer dans une conversation bancale et qu’au final, ni l’un ni l’autre n’ai dit ce qu’il avait à dire à la fin de la soirée. « Et toi, le boulot ? » Je lui retourne la question, un peu plus vaste, car ses responsabilités ne s’arrêtent pas à Marriott.
Après quelques minutes et un échange de banalités (qui n’en sont pas vraiment, nous avons juste plus important à aborder à l’heure actuelle), Ella me signale que le repas est prêt  et nous passons à table. « Sache que j’aurais été très déçu si tu avais raté un sausage & mash. » Dis-je avec un sourire, quand j’ai presque terminé. « C’était très bon, merci pour l’invitation. » Il n’y a rien à redire - si ce n’est qu’il est impossible de trouver de la bonne gravy dans ce pays - mais c’est le plat le plus simple de l’existence à cuisiner, même pour Ella. Quoi que, il y a quelques mois, ma meilleure amie aurait été capable de faire brûler les saucisses et sa suite avec.

S’il y a une chose que j’espère de ce soir c’est que l’on se dise clairement les choses, qu’on s’explique réellement et qu’une fois qu’il quittera ma suite pour rentrer chez lui ou aller boire un coup avec Dimitri, qu’on sache exactement où nous en sommes tous les deux et ce que l’on veut, au moins en partie. Je sais bien qu’on ne pourra pas discuter de tout et qu’on ne s’entendra peut-être pas sur tout mais les sujets les plus importants seront abordés, par lui ou par moi. Je sais qu’on ne fera pas à nouveau l’erreur de marcher sur des œufs tous les deux. Nous valons mieux que cela, tellement mieux. Et je ne compte pas le laisser quitter le Copley sans que nous retrouvions un certain pourcentage de ce ‘nous’ que nous avons mis dix ans à construire. Le refus de laisser tout éclater pour une relation est clair et net. C’est du bon stress, je n’ai aucun doute là dessus. C’est la première fois que tu gères la pré-saison d’aussi loin mais tu sais ce que tu fais. Que je souffle doucement, un sourire sur les lèvres. Ce n’est pas que j’essaye de le mousser ou de l’amadouer mais je sais de quoi mon meilleur ami est capable et de gérer à distance, il l’est. Il aime ce qu’il fait, il est passionné et ça fait beaucoup dans notre métier. Et quand j’apprends qu’il rentre à la fin du mois, mon coeur se serre doucement. On avait plus ou moins parlé de rentrer ensemble à l’époque, quand on ne savait pas quoi faire pour le nouvel an. Mais là, je me doute bien que ce n’est plus au goût du jour. Oh, c’est cool. Tu embrasseras ta famille pour moi ? Que je demande en buvant une gorgée de mon eau gazeuse. Tu vas pouvoir voir que tu gères, c’est sympa. Que je lance avec un sourire sur le visage. Et j’aimerais beaucoup qu’il se voit avec mes yeux. Il verrait comme je suis fière et à quel point je n’ai aucun doute qu’il va gérer ce lancement. Il y a une retranscription ou je vais devoir attendre les retours presse ? Ça m’intéresse, qu’il le croit ou non. Ça va. La Spartan a bien fonctionné, on a récolté pas mal. L’université me plaît toujours autant. Pour ne pas dire plus. Et puis Marriott va bien. Dimitri reprend du poil de la bête donc je n’ai plus besoin de step up pour ses fonctions et les miennes, c’est agréable. Plus que ça même. Dieu merci qu’il aille mieux parce qu’à moins de dormir au bureau, je ne suis pas sûre que j’aurais réussi à gérer plus longtemps toute seule. Mon petit frère bossait toujours, bien entendu, mais ses moments de vide étaient plus nombreux que souhaités. Jem… Je ne savais pas faire cuire des pâtes il y a deux mois de cela. Que je lance en riant légèrement, laissant le reste de mon assiette dans un coin, mes yeux se posant sur lui. De rien… au moins tu vois que je maîtrise la purée en plus des lasagnes. Et on passe du temps ensemble. Plus à se regarder et discuter de banalités qu’autre chose. Je pousse mon assiette sur le côté - la table est assez longue - et quand il a fini, je lance On va peut-être évité de faire le remake de mercredi ? Je ris légèrement mais c’est plus le stress qu’autre chose. Je ne sais même pas par où commencer. Une main dans mes cheveux, je ferme les yeux trente secondes et il y a quelque chose qui me vient. Pourquoi t’as été hyper froid quand je t’ai parlé d’Eden l’autre jour ? Que je souffle rapidement avant de dire Je sais que ce n’est pas le sujet le plus important mais je n’ai pas envie de briser la glace en étant au milieu du lac gelé. Je risquerai de me noyer. Alors, on va s’éloigner de l’épicentre de notre rencontre et lancer des cailloux pour voir si la glace se brise ou survit à tout cela.

« Moi, oui. Les autres c’est pas dit. » Dis-je avec un sourire, faisant référence à mon équipe de communication et marketing sur qui je n’ai plus l'œil constamment. Je leur fais confiance, bossant depuis des années avec les mêmes personnes, mais ne plus avoir constamment le contrôle, ne fusse qu’en passant derrière eux pour voir où il en sont, est différent. A présent, je dois simplement patienter pour obtenir le dernier jet. J’annonce à Ella mon départ à Londres le weekend prochain et lui adresse un sourire ; je sais que nous avions parlé de se rendre ensemble en Angleterre mais pour être honnête, je pensais plutôt à un aller-retour de quelques jours en janvier ou février et non au lancement de saison où je n’aurai pas une minute à moi. Même si tout allait pour le mieux entre nous, je ne lui aurais pas proposé de m’accompagner cette fois-ci car c’est à Williams-Racing que sera 100% de ma tête et de mon temps. « Je le ferai, oui. » J’ai envie d’ajouter qu’on pourra l’appeler pour qu’elle le fasse elle-même, mais je vais attendre de connaître l’issue de cette conversation avant d’avancer des propos auxquels je n’aurais peut-être pas envie de me tenir. Je ne sais pas pourquoi je suis si pessimiste. Peut-être parce que je lui ai fait comprendre qu’il y avait un choix à faire et que je suis persuadé que ce dernier ne va pas dans ma direction. « Normalement on sera live sur le site. Présentation de la voiture et puis Q&A avec les pilotes, un peu comme McLaren si tu as regardé. » Mais je doute qu’elle s'intéresse à la Formule1 au point de regarder les lancements de chaque écuries. « Tu envisages toujours d’arrêter ou pas ? » Je demande lorsqu’elle me parle de l’université, puisque lors de notre dernière conversation, elle m’a assuré qu’elle se consacrerait à 100% à Marriott l’année prochaine, mais les choses ont pu changer entre-temps. Pour le peu que nous avons communiqué, je n’en saurais rien. « C’est rassurant pour Dim. Je t’avoue que j’ai cru qu’il allait mettre des mois à s’en remettre… » Ce n’est pas sa première déception amoureuse et ça ne sera malheureusement peut-être pas la dernière, mais j’ai bien vu que cette fois-ci, Thélio l’a blessé au plus profond de son être. Mon ami faisait peine à voir et je ne m’attendais pas à le voir reprendre du poil de la bête si rapidement ! Peut-être que Carter y est aussi pour quelque chose, car savoir qu’il ne risque plus de perdre Thaïs est bien plus important que tout autre chose. « C’est vrai, j’oubliais ce détail. » Dis-je, amusé. Faux, je n’ai pas oublié son absence totale d’expérience en cuisine, mais c’est si simple à mes yeux que je n’ai pas pensé une seconde qu’elle puisse se planter sur un met aussi facile à réaliser.
Je recule mon assiette sur le côté et bois une gorgée d’eau, hochant la tête lorsqu’elle me dit que nous n’allons pas rejouer la conversation de mercredi. Si ça ne tenait qu’à moi, il n’y aurait même pas eu ce repas avant d’entrer dans le vif du sujet, même si prendre rapidement des nouvelles l’un de l’autre fait aussi du bien. Je dois me retenir de rouler des yeux lorsqu’elle commence par me parler d’Eden et défini ainsi ses priorités d’entrée de jeu. Je pensais qu’on avait des sujets plus personnels à aborder qu’un gamin qui ne me concerne pas, mais à nouveau, je me suis trompé. « Magnifique métaphore. » Je commente, légèrement tendu avant de me redresser sur ma chaise. « Tu te le demandes vraiment ? » Mon ton n’est pas agressif, juste las. Il fut un temps on se comprenait sans même avoir à parler ! Et si ce temps remonte à quelques mois à peine, j’ai l’impression qu’il est à des années lumière. « Peut-être parce que cela veut dire que son oncle t’appelle au beau milieu de la nuit avec pour excuse qu’un bébé, qui ne sait pas encore parler, te réclame. » Peut-être parce que cela veut dire qu’elle continue de passer ses journées et ses nuits accrochée à son téléphone à parler avec une personne censée faire partie de son passé. Soit elle ne m’a pas écouté, la dernière fois, soit elle n’en a absolument rien à faire et je crois que nous sommes sur la deuxième solution.

Ça me fait bizarre, tout ça. Ces moments à discuter de la pluie et du beau, de nos vies sans entrer dans les détails. Rester en surface ne me plaît pas et ne me convient clairement pas. Pourtant, c’est ce à quoi je suis confrontée pour le moment et je crois que nous allons tous les deux attendre que le repas passe avant de se lancer dans le vif du sujet. Oh, vraiment ? C’est cool ! Que je souffle avec un sourire, pensant à bien faire une croix sur le calendrier et vider le mien de tout rendez-vous pendant l’heure qui sera consacré à Williams Racing. J’ai pas tout regardé. Je t’avoue que lorsque Lando et Daniel se sont mis à se tacler sur leur âge, ça m’a mise mal à l’aise et j’ai changé de chaînes. Je ne sais pas combien il y a d’années de différences entre ces deux-là mais pour sûr, la dynamique Lando-Carlos est bien loin de celle entre l’anglais et l’australien. Au moins, pas de changement de pilotes chez Williams et ça évite des soucis de ce genre. Oui. J’adore ce que je fais mais il faut que je me remette à cent pour cent dans Marriott et il se peut que je devienne la responsable du pôle d’ici l’été alors... Et si je continue à être partout - mais surtout nulle part - à la fois, ça ne va pas coller. Je peux me permettre de m’absenter six heures par semaine pour l’université, de passer des heures à corriger des copies parce que je ne suis que l’assistante de Sutton et que je m’occupe essentiellement des retombées médiatiques sur les Marriott en tant qu’êtres humains et pas la compagnie. Et puisque mes frères se comportent bien, je n’ai pas des tonnes de boulot à faire. Je ne pensais pas non plus. Et peut-être que c’est une façade, un jeu d’acteur… Mais il sait qu’on est là pour lui. Que ce soit moi, Eliott, Jeremiah et ses amis. Cleolya passe souvent le voir et ça l’aide aussi. Il a peut-être perdu son petit ami, l’homme de sa vie qui sait, mais il nous a toujours nous.
Et une fois le repas terminé, pas encore digéré, je commence sur un sujet que j’ai besoin de clarifier. J’ai besoin de savoir ce qu’il s’est passé dans sa tête pour qu’il soit si froid par messages. Oui ? Que je demande, une légère intonation montrant le questionnement dans lequel je suis depuis quelques jours. Et quand je l’entends m’expliquer sa réaction, je pince les lèvres. Ah. Oui. Bah non, en fait. Si je vois le mal partout, je vois aussi que c’est pareil de son côté. Eden était avec moi Jem. Il dormait dans la nursery et s’est réveillé en pleine nuit... Que je dis rapidement. Je ne comprends pas sa réaction, pour être honnête. Il a mis une bonne heure à se rendormir, me parlant. Enfin, balbutiant, baragouinant et tout ce qu’un bébé de presque un an fait. Que je conclus pour expliquer ce qu’il s’est réellement passé ce soir-là. Rien de ce qu’il s’est mis en tête. Et face à ma première question et sa réaction, je sais que ça va être long de tout faire, de tout dire. Je t’ai écouté la dernière fois, tu sais. Je t’ai écouté et entendu. Et je sais que c’est difficile à croire mais je fais ce qu’il faut pour y arriver. Je sais bien qu’il ne me croira pas entièrement, trop sur la défensive. C’est un sujet important alors je dis Si je le vois, c’est pour Eden. Si je lui parle, c'est pour Eden. Il va venir à un cours de langues des signes du petit mercredi prochain. Je ne sais pas s’il sait que je parle cette langue, ça ne m’arrive pas souvent, sauf quand je suis avec Katie ou sur Washington. Il y a aussi l’anniversaire d’Eden mais je pense que ça lui semblera logique que je le fête avec Will, Charlie et Wesley le jour même. Les festivités du week-end avec pleins d’invités, ce ne sera pas pour moi. En tout cas, j'espère qu'il sait qu'Eden n'est pas notre excuse mais bien une réalité. Et si je mets de la distance entre lui et moi, c’est parce que je le veux. Tu me l’as demandé, certes, mais je pourrais continuer à n’en faire qu’à ma tête. Seulement, je sais où je veux aller. Je sais qui je veux dans ma vie et quelle vie je veux vivre. Et cette personne, c’est bien toi, Jeremiah Jude Hanwell-Williams.

Brièvement, je lui explique le programme de Williams Racing pour le lancement, si nos plans ne changent pas d’ici là. Les gars ont commencé à tester la voiture à Silverstone et c’est là dessus que se porte toute notre concentration, même si nous sommes aussi conscient que les fans ont de plus en plus le besoin de se sentir proches de nos pilotes. On a, en quelque sorte, gagné un nouveau public et celui-ci ne doit pas être délaissé car le merch se vend comme des petits pains - merci George - et fait monter en popularité l’écurie de manière générale. J’espère donc que tout sera prêt dans les temps afin de ne laisser aucune place à l’improvisation. Je me contente de sourire lorsque Ella me parle des petits tacles entre pilotes, sans réagir pour ne pas faire tourner cette conversation autour de la Formule1, à laquelle elle ne s'intéresse que pour Willams et son sponsor, aux dernières nouvelles. C’est mignon qu’elle essaye de comprendre mon monde, mais on a plus important à discuter ce soir que le lancement de la saison 2021. Pour l’instant, notre saison, à nous, s’est arrêtée dès le début de l’année. « Ah bon ? Sutton change de poste ? » Je la questionne, n’ayant pas encore entendu parlé de ces nouveaux plans pour sa carrière. Rien d’étonnant, vu le peu de mots que nous nous sommes échangés, mais ça m'intéresse de savoir où elle va et les responsabilités qui l’attendent. « Peut-être… mais il est bien entouré et a assez de personnes à qui s'accrocher. » Dis-je avec un maigre sourire. Je n’ai jamais vu Dimitri aussi heureux que lorsqu’il était avec Thelio mais j’imagine qu’avec le temps, l’être humain peut s’habituer à tout, y compris au manque. J’espère qu’il retrouvera vite le sourire, un vrai sourire et non celui de façade qu’il nous sert pour l’instant, mais je n’ai pas trop de doute là dessus. En plus de ses proches, il a une petite fille merveilleuse, qui mérite tous les sourires du monde.
Une fois le repas terminé et les assiettes mises de côté, je pose mes avant bras sur la table et l’observe, alors que chacun de mes muscles se crispent lorsque ma meilleure amie entame la conversation. Je ne sais pas trop par où elle allait commencer, pour la bonne raison que je ne peux pas deviner les choses qu’Ella a à me dire, mais je n’ai pas pensé que Eden serait abordé. Une partie de moi a déjà envie de prendre la fuite, mais je prends sur moi et lui répond honnêtement, bien que je ne devrais même pas avoir à le dire pour qu’elle le devine. Je pose sur elle un regard surpris lorsqu’elle me dit que le gamin était avec elle, cette nuit là, possibilité que je n’ai pas envisagé une seule seconde car ses messages me semblaient clairs. Ok, je me suis énervé pour rien. Je n’ai pas vraiment envie de lui présenter des excuses car je ne suis pas en connaissance de son agenda avec Eden, mais je dois le faire. Ou pas, puisqu’elle reprend la parole sans me laisser le temps de réagir. Je ne suis pas certain de savoir où elle veut en venir lorsqu’elle me dit “faire ce qu’il faut pour y arriver” (arriver où?!), il va falloir être un peu plus explicite que ça. Elle y vient seule et je hoche la tête, mâchoire contractée. J’ai envie de lui dire que je ne suis pas maître de son agenda, qu’elle doit le faire parce que c’est ce qu’elle désire et non parce que je lui ai demandé. Je pourrais ajouter que je n’en ai rien à faire des cours auxquels il l’accompagne mais je ne bronche pas, afin de la laisser à bout de son explication. J’ignorais qu’Eden avait un problème d’audition et doit apprendre cette langue pour communiquer mais c’est un nouveau point que j’esquive pour l’instant, n’étant pas venu pour lui parler de l’enfant d’un autre. Lorsque ma meilleure amie termine, je l’observe quelques secondes de plus pour choisir mes mots et que ceux-ci ne sortent pas de travers. « J’ai mal compris pour Eden, désolé. » On va commencer par là. J’ai envie de la questionner sur la fréquence de ses messages - car non, Eden ne justifie pas qu’elle passe sa journée à communiquer avec son ex petit-ami, quoi qu’elle en dise - mais je ne sais même pas comment tourner cette question. Ça ne me regarde pas, elle est assez grande pour faire ses choix et n’a surtout aucun compte à me rendre. « Tant que tu es certaine que tu le fais pour toi et que c’est ce que tu veux vraiment. » S’éloigner de lui, je veux dire, car je n'en tire aucune conclusion hâtive. Tant que tu es certaine de ne pas replonger, mais ça je me contente de le penser.

C’est Jeremiah qui m’a introduite à la Formule Un et je dois dire qu’avant cette année, je n’avais pas forcément prêté plus d’attention que cela à ce monde. L’écurie Williams, je la connais, je m’y suis toujours intéressée mais le reste ? Pas vraiment. Jusqu’à cette année. Jusqu’à ces derniers mois où je suis tombée dedans comme Obélix est tombé dans la marmite de potion magique. Un peu plus intéressée pour Jeremiah que pour autre chose. C’est son monde et si nos mondes doivent fusionner à un moment ou à un autre, je ne peux pas avoir des années de retard. Pas alors que je lui parle de Marriott toute la sainte journée et des différents soucis que nous avons avec nos principaux concurrents. Les rumeurs courent qu’elle veut quitter le poste oui. Que je souffle rapidement. Je ne devrais pas me réjouir de cela parce que ça veut simplement dire qu’elle va nous quitter pour l’ennemi numéro un ou pour une chaîne d’hôtel plus luxueuse que ce que Marriott peut faire et, forcément, je sais qu’ils gagneront beaucoup avec elle. Mais ça ne veut pas pour autant dire que nous allons perdre quoi que ce soit. Tant que je n’ai pas sa démission sur le bureau des RH, je n’y croirais pas mais bon... Je me prépare au cas où. Je me prépare à prendre ce rôle qui est le mien. Être assistante m’a permis de prendre du temps pour moi, de faire d’autres choses, de me prouver des tas de choses mais ce n’est pas ce que je veux faire. Mon temps, je veux le consacrer essentiellement à Marriott et les heures de travail, je les attends avec impatience. Non pas que je fasse le minimum syndical mais je suis obligée de me couper en trois pour tout gérer. Un sourire dans sa direction au sujet de Dimitri et puis le repas passe assez rapidement. Peut-être trop rapidement, je ne sais pas trop mais la purée ne descend plus au bout d’un moment à cause de la boule que j’ai dans le ventre. Il y a tellement de choses à aborder et bien que certaines questions me brûlent les lèvres, je ne veux pas y penser et les poser dès le début de cette soirée à s’expliquer, à mettre les choses à plat. Jeremiah me manque chaque jour que Dieu fait et je dois avouer que c’était bien plus facile de gérer le manque de sa personne lorsqu’il était à l’autre bout du globe que là. Seulement, je dois faire avec. J’acquiesce doucement quand il dit qu’il est désolé et lui adresse un sourire. Je n’en attendais pas autant et je me fiche bien qu’il soit désolé ou non mais je voulais mettre les choses au clair pour qu’on ne parle pas sur de mauvaises bases. Parce que c’est pour cela qu’il est là aussi, non ? Tout mettre à plat. Bien sûr que je le fais parce que je le veux vraiment Jem. Tu m’as déjà vu faire quelque chose pour faire plaisir à quelqu’un ? Alors, oui, il me l’a demandé mais est-ce que ça va plus loin que ça ? Non. Même mon propre père, je ne lui ai pas donné ce qu’il voulait : une fille qui arrête ses crises et qui travaille pour l’entreprise en parallèle de ses études. Non, moi j’ai monté mon dossier derrière son dos et cinq jours avant mon départ, je l’ai prévenu que je rentrais chez moi, en Angleterre, alors que j’ai vécu quatorze ans aux États-Unis. J’ai toujours été égo-centrée et plus du genre à pousser dans un sens, le sens contraire de ce que l’on veut pour moi, juste pour prouver que j’ai raison et que les autres ont tort. Un de mes plus gros défauts. Mais pas le plus gros. Quand t’as quitté le Copley, la maison était prête ? Que je demande en baissant les yeux sur mes mains quelques secondes. Et ces dernières, je les glisse sur mes cuisses, hors de sa vue. C’est pas un interrogatoire tu sais. Même si on en a presque l’impression. Je suis toute ouïe à tes mots et questions tu sais. Que je dis rapidement. C’est une discussion, pas un monologue. Pourtant, je suis assez douée pour ceux-ci.

En temps normal, Ella serait informée au quotidien (pratiquement) de l’avancée de la pré-saison et réaliser que je ne lui en ai pas du tout parlé est étrange. Normal, aussi, vu la situation actuelle. Ne pas pouvoir me tourner vers ma meilleure amie après une longue journée me manque énormément mais je ne parviens pour autant pas vraiment à regretter ces distances que je nous ai imposées. J’en avais vraiment besoin. En ai peut-être encore besoin aujourd’hui. « Je comprends mais tu as raison de t’y préparer. » Elle occupe un poste important, ce serait stupide de ne pas penser à “l’après” si la rumeur court qu’elle s’apprête à quitter le navire. « Ça te fait plaisir ? » Je demande, pour savoir où Ella se situe dans tout ça. Elle parlait de se consacrer à 200% à Marriott l’année prochaine alors j’imagine que récupérer ce poste coïnciderait parfaitement avec ses plans, mais Sutton reste un élément important de l’équipe.
Nous laissons de côté les conversations sur nos carrières respectives pour en venir à ce qui nous réunit aujourd’hui, et tous ces points qui doivent être éludés. On ne peut pas continuer à marcher sur des œufs et s’éloigner, parce qu’on finira par ne pas réussir à se retrouver. C’est en tout cas le sentiment que j’ai, à mesure que les jours s’écoulent. Si je suis à l’initiative de cette distance, je n’ai aucune idée de comment retourner vers elle en laissant derrière nous ces dernières semaines. Je ne m’y sens pas prêt, parce que je suis toujours autant en colère contre la situation, de manière générale, autant que contre nous. Sa question reste en suspens et je grimace. Ella n’a jamais caché son égoïsme légendaire, mais de là à dire qu’elle ne fait jamais rien pour faire plaisir aux autres ? C’est triste, en plus d’être faux. Je ne prends pas la peine de la contredire afin de ne pas partir sur un autre débat, et me contente de rester stoïque en espérant qu’elle dit vrai. Le problème de tout cela est que je ne pense pas qu’elle me mente volontairement. Je suis persuadé qu’elle croit dur comme fer tout ce qu’elle raconte mais qu’elle se ment à elle-même, mais je peux lui laisser le bénéfice du doute, à condition de me protéger. « Pas totalement. » Je réponds de but en blanc, n’ayant pas l’intention de lui mentir. Elle est venue visiter celle-ci il y a plus d’une semaine et deux pièces ne sont même pas encore terminées, je pense que ça répond à la question, même si j’aurais emménagé quelques jours plus tard avec ou sans ces pièces. « Je pensais partir mercredi, mais tu n’étais pas à Boston donc j’en ai profité pour bouger et éviter une nouvelle conversation. » Aussi simple que cela. J’ai eu besoin de fuir avant d'étouffer, de mettre le plus vite possible des distances entre nous sans une nouvelle conversation mélodramatique à la clé. J’inspire et bois une gorgée de Whisky, passant ma langue sur mes lèvres en pleine réflexion. « Est-ce que tu as pensé, même une seule seconde, à te battre pour lui ? » Pire a-t-elle essayé, pour se prendre un mur et revenir la queue entre les jambes ? Je ne sais même pas pourquoi je lui demande, pas certain de vouloir obtenir une réponse, mais c’est plus le meilleur ami qui parle, là. Je ne souhaite pas savoir si on a la moindre chance, juste de comprendre ce qui se passe dans sa tête parce que dernièrement, j’ai l’impression de faire face à une girouette qui n’a aucune idée de ce qu’elle veut. Et cette personne, ce n’est pas ma meilleure amie.