Les fleurs sont dans leur vase, après avoir été soigneusement ouvertes et arrangées, conformément aux instructions du fleuriste. Le coeur qui bat la chamade, Beth sait de qui elle voudrait qu’elles soient mais c’est aussi qu’elles ne seront pas d’elle. Le mot qui les accompagnait est dans sa main, fébrile et si il n’est pas encore ouvert, c’est qu’elle n’a pas le courage de ruiner le fantasme dans lequel elle s’enferme depuis que le fleuriste lui a tendu ce bouquet composé de roses rouges et blanches. Elle ne veut pas savoir que c’est l’un de ses amis ou de ses frères et soeurs qui s’est dit que cela lui ferait du bien recevoir un peu d’amour. Elle soupire, se laisse tomber sur le canapé et jette un œil à la pendule sur le mur d’en face. Le bar de Lucian n’est pas encore ouvert. Peut-être peut-elle débarquer chez lui pour ouvrir le mot et ne pas être toute seule ? Elle soupire. Encore. Parce qu’il y a trop d’émotions qui se bousculent dans sa poitrine, trop de questions dans sa tête et qu’elle en crève de savoir qu’elle ne découvrira pas l’écriture de son docteur préférée sur cette carte. Elle secoue la tête, abandonne la carte sur le canapé puis essaie de se faire son petit-déjeuner, revenant deux, trois, quatre fois à cette carte qu’elle finit par déchirer à moitié là, au milieu du salon. C’est bien l’écriture de sa belle qu’elle devine et son cerveau semble avoir un court-circuit, parce qu’elle ne comprend pas. Ce que ça veut dire, ce que ça ne veut pas dire. Elle reste interdite au milieu du salon et ne finit par bouger que parce que son alarme incendie vient de se déclarer : ses œufs sont brûlés. Elle se précipite à l’intérieur, éteint le feu, jette la poêle dans l’évier, y fait couler de l’eau et dans un même mouvement sans prendre le temps d’y réfléchir, elle attrape son manteau, sort, et marche aussi vite qu’elle le peut, trottine même et arrive, essoufflée et le genou capricieux jusqu’à l’immeuble dans lequel se trouve l’appartement de Victoria. Elle n’a pas le temps de réfléchir à ce qu’elle fait que quelqu’un sort de l’immeuble. Elle s’insère dans l’interstice de la porte et essaye de récupérer son souffle mais ce n’est finalement peut-être pas le trajet à vitesse accélérée qui lui coupe le souffle. Une fois arrivée devant la porte de l’appartement, elle sonne, à plusieurs reprises, avant d’avoir le temps de réfléchir, tandis que les lettres de son message se dessine devant elle : “Always, V.”

Si Victoria avait reçu ses roses ce matin, l'ambulancière s'était contentée de les mettre dans un vase sans lire les petites cartes qui les accompagnaient, préférant le faire lorsqu'elle serait seule. La jeune femme s'était attelée à préparer un petit-déjeuner / brunch de roi à Aurora qui fêtait aujourd'hui son anniversaire et avait choisi de le célébrer avec elle. De sortie hier soir, elles avaient passé une soirée de folie que son corps lui faisait payé aujourd'hui. Cela faisait longtemps que Vic ne s'était pas autant déchainé sur la piste de danse et ses muscles étaient aujourd'hui douloureux comme si elle avait couru un marathon la veille. Au delà de ça, le mal de crâne était lui aussi bien présent et la brune ignorait si son estomac avait besoin de nourriture ou au contraire de remettre une bonne fois. Elle fit en sorte de passer au dessus de cette petite gueule de bois pour offrir à son amie, et "ex", sa bonne humeur et un peu d'enthousiasme pour ce jour spécial. Être en sa présence lui permettait aussi de se concentrer sur son anniversaire plutôt que sur la fête que tous les amoureux célébraient aujourd'hui, ce qui était exactement ce dont Vic avait besoin. Elle profita de la douche de la blonde pour lire ses petites cartes, peinant à ravaler ses larmes devant le petit mot de Beth qui sonnait comme des adieux. Bien qu'à l'initiative de leur rupture, et d'une certaine façon heureuse de la voir prête à tourner la page après huit mois de séparation, son cœur saignait devant ces mots. Par dessus l'évier de la cuisine, elle se passa de l'eau fraîche sur le visage pour se forcer à se ressaisir, avant qu'Aurora ne la rejoigne à nouveau au salon.
C'est devant la télévision qu'elles se trouvaient lorsqu'on sonna avec une certaine urgence à la porte, du moins c'est la déduction que la jeune femme tira vu les six-sept fois où la sonnette retentit dans l'appartement. « Je reviens. » Assura-t-elle à Rora, avant de se diriger vers la porte d'entrée. Cela ne pouvait être que pour Eben vu le peu de contacts qui connaissaient sa nouvelle adresse, la personne risquait d'être déçu que le brun soit aux abonnés absents. S'arrêtant pour plaquer un sourire sur ses lèvres, Victoria ouvrit en grand la porte, sa mâchoire tombant au sol lorsqu'elle découvrit l'identité de son visiteur. « Beth ? » Elle demanda, comme si ses yeux pouvaient la tromper, penchant la tête sur le côté en la détaillant alors que son cœur se mit à battre la chamade. « Qu'est-ce que ? » Vic ne fut même pas capable de terminer sa phrase, réalisant à ce moment précis à quel point son ex fiancée semblait tourmentée.

Always. Six lettres qui bousculent complètement les résolutions que Eleanor s’était faites. Aujourd’hui était censé être la dernière fois qu’elle était triste pour elle, hier la dernière fois qu’elle espérait un ultime revirement de situation. Lorsqu’elle a écrit la carte, Lizzie a choisi chacun des mots avec précaution, réfléchissant à leur signification plus qu’elle ne l’avait jamais fait auparavant. Elle a demandé cinq cartes différentes au fleuriste tant aucune ne convenait. Elle a dit au revoir, se brisant le coeur pour la millième fois au moins depuis le départ de la belle mais surtout pour ce qu’elle espérait être la dernière fois. Pourtant, elle est là, devant sa porte, pleine d’espoir. Elle tâche de faire taire les pensées qui envahissent son esprit et se concentre plutôt sur les bruits de pas qu’elle aimerait entendre - il ne manquerait plus que Victoria soit absente. Espérer est la dernière chose qu’elle doit faire. Elle se force à se souvenir des mots qu’elle a employé pour lui dire au revoir, des discussions qu’elles ont eu avant et après son départ pour la Bolivie. Elle se répète chacune des petites preuves qui misent bout à bout confirme que Victoria ne l’aime plus, elle fait comme elle peut taire son palpitant pour laisser place à la fierté tant et si bien qu’elle sait encore moins ce qu’elle fait là quand la porte s’ouvre pour dévoiler le visage de Victoria.
Sa jambe droite va de l’avant mais elle se fige rapidement, sa jambe gauche bien ancré au sol, beaucoup plus raisonnable. Elizabeth cligne des yeux doucement, comme pour se donner un peu de répit et cherche quoi dire, quoi faire, ce qu’elle fait là. Ses émotions se mélangent et en cet instant, elle aime Victoria autant qu’elle la déteste. Elle veut la remercier pour ses fleurs pour son mot mais aussi lui demander à quoi elle joue, ce qu’elle veut dire par là. Elle veut lui dire que ça la laisse indifférente, même si cela n’a aucun sens quand elle est bien là devant sa porte et lui dire aussi combien ça lui fait mal. Combien ça lui fait du bien aussi, de se dire qu’elle n’est peut-être pas si folle. Et comme toujours quand il s’agissait de Miss Lahey, c’est le coeur d’Elizabeth qui prend le dessus et non sa tête. Avant même que Vic ne termine sa phrase, sans trop savoir si c’est vraiment elle qui l’interrompt ou Vic qui met du temps à trouver ses mots, elle anéantie la distance qui les sépare, glisse un “pour toujours” en écho à son mot et vient poser ses lèvres en même temps qu’une main glisse dans la nuque de la jeune femme, se perdant dans des petits chevaux tandis que la seconde presse la chute de rein de Vic pour la rapprocher d’elle. Et pour la première fois depuis le mois de juin, le poids sur sa poitrine se fait plus léger, disparaît presque, le temps que dure ce baiser.

Les rires d’Aurora, ces petits moments de complicité à se remémorer la soirée de la veille, et toutes celles qu’elles ont déjà partagé dans le passé, ont le don de mettre du baume au cœur de Victoria en ce jour sacré, pour les amoureux. S’il n’y avait pas ces postes dégoulinant d’amour partout sur meetsa, ces décors rouge et rose dans chaque magasin de la ville, peut-être que la jeune femme parviendrait à passer outre la représentation de cette journée, qui n’en est somme toute qu’une de plus loin de sa bien-aimée. Seulement tout est mis en place pour lui rappeler qu’elle a mis un terme à la plus belle relation qu’elle aie jamais connue et Victoria a le cœur si lourd que chaque respiration semble être un effort, qui ne lui est plus naturel. Elle tente d’oublier Beth, se concentre sur l’anniversaire de son amie et à mesure que la journée avance, elle parvient à se prendre au jeu et sourire beaucoup plus souvent. Sincèrement reconnaissante d’avoir Aurora à ses côtés, Vic se focalise plutôt sur la relation qu’elle entretient avec la jeune femme et qui semble, dernièrement, prendre un nouveau virage. Pas si évident, peut-être pas authentique, mais doucement, son cœur s’apaise en sa présence et la plaie béante semble plus supportable. A la fois une tornade et un rayon de soleil, Rora est un peu son Jacob Black, même si dans sa version de l’histoire, Vic est celle qui a exclu Edward de sa vie. Dans sa version de l’histoire, Edward fait face à une porte blindée qu’il n’est plus autorisé à franchir.
Lorsqu’on sonne à la porte, Beth est à cent-mille lieux des pensées de Vic, qui s’est laissée aller et passe une journée correcte, totalement absorbée dans Now you see me. Un film win-win, qui, en plus de la passionner, ne contient aucune scène romantique, en dehors peut-être des quelques premières scènes quand deux des héros se retrouvent. L’ayant déjà vu plusieurs fois, Vic encourage son amie à continuer sans elle - ce n’est pas pour quelques minutes loupées, d’autant plus que ce moment n’est pas le plus intéressant - et se dirige vers la porte pour découvrir son ex fiancée. L’ancienne chirurgienne, bien que toujours en possession de sa licence médicale, n’a pas le temps de finir sa phrase, de trouver ses mots et donner un sens à la présence de Beth sur le pallier, que déjà les lèvres de sa fiancée capturent les siennes. Always. Prise au dépourvu, son coeur rate un battement et la jeune femme se fige un centième de seconde avant que ses paumes trouvent machinalement leur place sur les joues de la skieuse et qu’elle lui rende son baiser. Son cœur s’affole, ses joues bouillonnent et Vic perd toute capacité à raisonner et s’éloigner d’elle, ce qu’elle devrait pourtant faire. Elle ne répond plus qu’au manque qui la dévore depuis des mois et se colle un peu plus à la brune alors que les larmes lui montent aux yeux. Always. Vic sait pertinemment qu’elle n’aurait jamais dû écrire ces mots qui peuvent porter à confusion et vont à l’encontre de tout ce qu’elle essaye de lui faire comprendre depuis leur rupture ; qu’elle ne l’aime plus. Pourtant, en ce jour unique, elle a souhaité lui faire savoir qu’une part d’elle serait toujours dans son cœur et a peut-être réduit à néant tous ces mois à chercher à avancer sans l’autre. Elle finit par s’écarter haletante, les mains toujours sur les joues de son ex-fiancée, et les larmes qui roulent sur les siennes sans aucun moyen de les ravaler cette fois.  « Je suis désolée Beth. » Pour ces huit derniers mois, pour toutes les fois où elle s’est montrée cruelle, pour le mal qu’elle lui a fait et par-dessus tout, aujourd’hui, pour ces roses et le message mal-interprété.

Si elle sent la jeune femme interdite se figer, Beth ne se décolle pas pour autant de son visage. Ses mains viennent de retrouver leur place, et c’est sans parler de ses lèvres parfaitement calées contre celles de son ex-fiancée. Elle respire à nouveau et à l’instant, où ses poumons se bloquent réalisant que Vic ne bouge pas, cette dernière vient plaquer ses mains contre le visage de la skieuse et répond, enfin, au baiser. Beth respire à nouveau, mais n’y pense même pas tant elle se perd dans cet échange. Elle n’en a jamais vraiment douté, d’autant moins qu’elle s’est accrochée à cette histoire comme à une bouteille d’oxygène mais maintenant qu’elles se retrouvent, même pour quelques secondes, Elizabeth sait que cela valait la peine d’attendre, de ne pas écouter tout ceux - Victoria la première - qui lui enjoignaient de passer à autre chose, de l’oublier. Elle la serre un peu plus fort contre elle, ses larmes ne mêlant petit à petit à celles de sa bien-aimée qui viennent mouiller ses propres joues. Elle approfondit le baiser, comme pour mieux lui faire comprendre combien elle lui a manqué, combien elle l’aime encore, combien elle ne veut pas passer à autre chose malgré le message qu’elle lui a envoyé. Vic a-t-elle seulement reçu ses fleurs ? Beth n’en a pas la moindre idée mais c’est bien la dernière chose à laquelle elle pense alors qu’elle sent déjà sa belle se détacher d’elle. Si ses lèvres lui manquent déjà, Liz est étrangement confiante et se contente de lui sourire. Elles se sont retrouvées. Cela a pris trop de temps, trop de larmes, trop de tout, en fait mais ce n’est pas ce qui compte. Pas maintenant, pas tout de suite. A son tour, Elizabeth prend le visage de la chirurgienne dans ses mains, essuyant de ses pouces les larmes qui viennent baigner ses joues. Elle déglutit doucement et secoue doucement la tête en l’entendant. La gorge nouée par l’émotion, elle s’efforce de se concentrer pour lui dire : “Je te pardonne, mon amour. Je te pardonne tout.” Peut-être pas à la seconde, peut-être pas tout, tout de suite, mais elle lui promet par ses mots qu’elle la pardonnera. Beth sait qu’elle a sa fierté, qu’elles devront beaucoup parler, beaucoup s’expliquer mais elle sait qu’elle la pardonnera. Elle n’a jamais aimé comme elle aime celle qui se trouve dans ses bras et sait qu’elle n’aimera jamais plus comme elle. Qu’elle n’aimera jamais plus après elle. Elizabeth a toujours trouvé particulièrement idiotes ses grandes phrases, quand on voit tant de couples qui se déchirent au quotidien alors qu’ils s’aimaient comme personne mais c’était avant Vic, avant d’aimer si fort que l’idée de la perdre lui avait retourné l’estomac plusieurs fois. Mais c’est derrière elles maintenant. Elle se retrouvent enfin, et Liz n’attend pas de réponse de la jeune femme avant de venir recapturer ses lèvres, quelques secondes. Elle lui a trop manqué. Elles parleront entre deux baisers, c’est ainsi, c’est décidé. “Je t’aime Vic. Ca va aller, je te le promets.” souffle-t-elle avant de venir déposer des baisers sur ses joues, puis sur ses yeux, comme pour essayer de les faire arrêter de pleurer. Voir Victoria dans cet état lui brise au moins autant le coeur qu’il lui apporte du réconfort : elle n’était pas folle. Ce n’était pas fini. Ce n’est pas fini. “Tu m’as tellement manquée.” dit-elle, sans essuyer ses propres larmes tant elle refuse de relâcher la jeune femme, ses mains toujours occupées à caresser ses joues.

D’un simple baiser, Victoria sait qu’elle envoie valser ces huit derniers mois durant lesquels elle a cherché à faire comprendre à Beth que les sentiments qu’elle a à son égard ne sont plus ce qu’ils étaient. Seulement lorsque ses lèvres se posent sur les siennes, c’est son corps et son cœur qui réagissent et non sa tête. Elle oublie totalement les raisons qui l’ont poussées à s’éloigner d’elle, dans un premier temps, et fond dans ses bras parce que pour la première fois depuis juillet, elle se sent vivante. Complète. Dans cette danse que se livrent leurs langues, la réalité se rappelle à Vic dont les joues s'inondent de larmes avant de trouver la force de s’éloigner de Beth et lui présenter ses excuses. La mâchoire contractée pour retenir ses larmes, Vic agite négativement la tête lorsque sa fiancée cherche à sécher ses joues, parce qu’elle ne mérite pas son réconfort. Et soudainement, le sol s’ouvre sous ses pieds. La jeune femme cligne des yeux à plusieurs reprises et ne peut retenir un sanglot en réalisant qu’elle a envoyé le message opposé à celui qu’elle cherchait à lui transmettre. Son cœur se brise en réalisant que malgré tout ce qui a pu se passer, tout le mal qu’elle a pu lui faire et les horreurs qu’elle lui a dites, Beth serait prête à tout lui pardonner. Ce sourire sur les lèvres de la skieuse l'anéantit complètement. Elle lève ses mains pour se cacher le visage mais la brune face à elle est plus rapide et capture une nouvelle fois ses lèvres, sans que Vic ne réagisse cette fois. Comment est-elle censée se sortir de là, à présent, sans la détruire une nouvelle fois ? L’espace d’un instant, elle envisage de se laisser aller plutôt que de provoquer une nouvelle chute brutale, peut-être fatale, à Beth, mais elle se rappelle bien vite du pourquoi. De ce qui les a séparé, pour commencer, de son erreur, des menaces jusqu’à la fin de la carrière de la skieuse.  « C’est pas ce que je voulais dire, Beth. » Elle marmonne entre deux sanglots, glisse ses mains le longs des bras de la jeune femme jusqu’à les délier, afin qu’ils ne soient plus autour de son corps tremblant, et recule d’un pas. De la distance. Elle doit absolument en mettre entre elles avant de fondre sur ses lèvres à nouveau et oublier ce pourquoi elle a tout envoyé en l'air l'été dernier. « Je suis désolée pour le mal que j’ai pu te faire, pour la manière dont je t’ai parlé récemment et pour ces roses. » Parvient-elle à dire, d’une seule traite, avant d’essuyer ses propres joues. Vic inspire et expire calmement. Elle pourrait lui dire qu’Aurora est actuellement dans le salon, afin de réduire tout espoir qu’il reste à Beth, mais elle n’a plus la force d’attiser sa haine, même si son amour fait bien plus mal.  « Je voulais que tu saches que tu auras toujours une place dans mon coeur, mais rien n’a changé Elizabeth. Je suis horrible, je suis désolée. Je n’aurais jamais dû répondre à ce baiser. » Mais elle l'a fait, parce que chaque jour sans la femme de sa vie à ses côtés est un supplice. Que pendant quelques secondes, Vic a oublié qu'elles n'avaient aucune chance malgré tout l'amour qu'elle lui porte.

Beth a passé tellement de temps à espérer que ce moment, qu’elle a l’impression de rêver. Quelque chose en elle, tout tout tout au fond d’elle, lui dit de se méfier, de faire attention mais tout ce que l’athlète voit, c’est la femme de sa vie en face d’elle, enfin prête à revenir vers elle, enfin prête à mettre tout ça derrière elle. Il y la mystère de ce qu’il s’est passé, de ce qui l’a poussé à agir ainsi mais en toute transparence, cela ne compte pas en cet instant. Tout ce qui compte, c’est qu’elles peuvent enfin s’aimer à nouveau; peut-être pas reprendre où elles en étaient mais au fond, Elizabeth se moque bien qu’elles soient fiancées ou sur le point de se marier tant qu’elles sont ensemble. C’était un plus, un moyen de faire comprendre à Vic qu’elle n’avait aucun doute sur leur avenir mais elles peuvent se marier dans six mois, dans un an ou dans dix, cela n’a strictement aucune importance, tant qu’elles sont ensemble. Voir Vic comme ça lui brise le coeur mais la rassure aussi : c’est une bonne chose qu’elle se sente aussi coupable, qu’elle soit aussi mal de ce qu’elle a fait. Elle ne répétera pas les erreurs du passé et elles pourront enfin repartir sur de bonnes bases. Du moins, Elizabeth en est-elle persuadée jusqu’à ce que Vic, cherchant la corrige, l’éloigne d’elle. Beth la regarde, sans comprendre - sans vouloir comprendre - et ne lâche pas sa bien-aimée du regard, pas même d’un clignement d’oeil comme si elle s’apprêtait à disparaître. Elle déglutit doucement quand Vic lui énumère la liste des choses dont elle est désolée mais une part d’elle, la plus grande pour être honnête, ne peut s’empêcher de se dire qu’elle s’excuse simplement à nouveau, qu’elle a besoin de savoir que la skieuse lui pardonne vraiment, qu’elle est vraiment prête à faire table rase sur ses neuf derniers mois, même s’ils ont été un cauchemar, même si n’a jamais autant souffert dans sa vie. Liz ne réagit pas, ne bouge pas d’un iota et attends la suite : la salvation ou le couperet final. C’est malheureusement la deuxième sentence qui tombe et Beth a immédiatement l’impression d’être projetée en dehors d’elle-même. Elle regarde la scène, scrute le regard de Victoria mais se voit surtout vaciller et fait un pas sur le côté pour pouvoir prendre appui sur le mur. Les chocs, les coups, elle sait les encaisser. C’est ce à quoi elle s’est entraînée depuis aussi longtemps qu’on s’en souvienne : pour devenir le meilleur, il faut serrer les dents face à la douleur - des muscles endoloris, généralement pas du coeur en lambeaux - et continuer. Mais là… là, elle ne sait plus comment faire. Parce qu’au-delà de la peine que ça lui cause, du fait qu’elle se sente particulièrement idiote, elle ne peut surtout s’empêcher de se demander qui est cette femme en face d’elle qui a pris l’allure de son ancienne fiancée. Si l’on était dans un dessin animé, cela n’aurait pas été Vic face à elle, mais la vilaine sorcière qui aurait pris son apparence. Mais il s’agit de la vraie vie et après avoir pris quelques secondes pour digérer ce qu’il venait de se passer, Liz se redresse. “Quel coeur exactement Victoria hein ? Celui de celle que j’ai demandé en mariage ou celui de celle qui se trouve en face de moi ?” Si son ton se veut agressif, il est surtout entrecoupé de sanglots, témoignant plus de sa peine que de sa colère. “Parce que je ne sais pas si c’est maintenant que tu joues un rôle ou si c’était quand on était ensemble mais tu n’es clairement plus la femme que j’aime.” Elle secoue la tête, essuie ses larmes dans sa manche et renifle un peu salement. “Rends service à tout le monde, Lahey. Retourne en Colombie. On était mieux sans toi, ici.” Elle se dirige ensuite vers l’ascenseur, ne se gênant pas pour bousculer son ancienne promise d’un coup d’épaule au passage et appuie frénétiquement sur le bouton “appel”, en espérant qu’il ne se fasse pas trop longtemps prier. Elle préfèrerait prendre l’escalier mais vu son état, ça serait la chute assurée.

Jamais Victoria n’aurait dû envoyer ces deux roses symboliques. Peu importe l’amour qu’elle porte à son ex fiancée, ce n’est pas le message que l’ambulancière souhaitait envoyer à travers celles-ci, hors elle connaît assez Elizabeth pour savoir la manière dont elle allait traduire son geste. Peut-être qu'inconsciemment, Vic savait exactement où tout ceci les mènerait et voulait la preuve qu’elle ne l’avait pas complètement perdue, aussi tordu que ce soit. Seulement Beth ignorait tout, des menaces à leur exécutions, et jamais Vic ne serait capable de vivre à ses côtés et la regarder tous les jours dans le blanc des yeux en sachant ce qu’elle lui avait enlevé. Beth avait eu à faire une croix définitive sur sa carrière, la chose la plus précieuse à ses yeux, après leur couple peut-être. C’était bête de la priver d’elles au-delà de toute cette peine mais la brune refusait de lui mentir autant que de lui révéler ce qui les avait réellement séparées. Un jour viendrait où la peine deviendrait supportable. Beth finirait par rencontrer quelqu’un et entrevoir des jours plus heureux et si l’idée lui brise le cœur, il la réconforte aussi. Victoria a appris, au cours de sa courte vie, que l’être humain est capable de se remettre de tout, même des pires drames. Secouée d’un sanglot, Vic observe le regard de Beth changer lorsqu’elle comprend ses mots, et son corps qui se rattrape avec peine au mur. Ses sourcils se froncent lorsque son ex fiancée lui demande de quel cœur elle parle, avant de croiser les bras contre sa poitrine comme pour protéger ce dernier. Vic a envie de lui dire que son cœur n’a pas changé, seulement ses sentiments, mais dans l’immédiat, elle n’a pas la force de remuer le couteau dans la plaie en lui mentant à nouveau. S’il y a bien une chose qu’elle ne cessera jamais de faire, c’est bien l’aimer.  « Je ne joue pas, Beth. » A quel point la prend-t-elle pour une sorcière, à penser que tout ceci était manigancé et planifié d’avance ? Victoria sait qu’elle lui a donné toutes les raisons d’avoir une opinion si basse de sa personne mais ça ne l’empêche pas d’en souffrir. Il y a tant de choses qu’elle rêve de lui dire mais Victoria sait qu’elle sera obligée de lui mentir ou tout lui avouer si elle tient à ce que son ex fiancée la comprenne. Elle ne souhaite pas lui répéter une nouvelle fois que ses sentiments ont changé, pas plus qu’elle ne peut lui avouer à quel point elle l’aime, à quel point elle lui manque au quotidien. Sa vie n’a plus de sens depuis qu’elle a sorti la skieuse de celle-ci mais au moins Vic peut s’endormir le soir en sachant qu’il ne lui arrivera plus rien par sa faute.
Un instant, lorsque Beth la bouscule, Vic reste de marbre, comme figée sur place, avant de suivre son ex petite-amie du regard. « C’était en Bolivie. » La corrige-t-elle, son regard toujours rempli de larmes mais à présent glacial. Elle a envie d’ajouter qu’elle lui pardonne son erreur, n’ayant pas reçu de carte postale, mais s'abstient. Aussi blessée soit-elle, ça ne justifie pas qu’elle tire à balle sur la jeune femme qu’elle a déjà détruit en grande partie. « Navrée de t’apprendre que la ville ne t’appartient pas, McCarthy, mais libre à toi de m’ignorer ou mettre les voiles. » Si Vic est parvenue à éviter son ex mari pendant six années, il n’y a aucune raison que Elizabeth ne parvienne pas à en faire de même avec elle. Vic recule de quelques pas pour entrer à nouveau dans l’appartement, ses yeux toujours sur la femme qu’elle aime, regrettant presque que Aurora ne les aie pas intterompue. Le message serait peut-être mieux passé que tous ceux qu’elle a essayé de lui envoyer jusqu’ici.  « Mes sentiments ne changent pas le fait que je serai toujours là pour toi. » Dit-elle finalement, trouvant un moyen de formuler cette phrase sans qu’elle soit voilée d’un mensonge.

Elizabeth n’a même pas la force de répliquer quand Victoria lui dit qu’elle ne joue pas. Elle sait pourtant qu’elle devrait s’énerver, la mettre face à toutes ses contradictions à commencer par les roses qu’elle lui a envoyé pour la Saint-Valentin et la façon dont elle a répondu à son baiser mais elle n’en a pas la force. Elle ne peut pas lui dire une nouvelle fois que ça n’a pas de sens, qu’elle ne comprend pas, parce que Victoria ne lui fournira jamais aucune explication qui puisse donner un sens à ce qu’elles étaient et ce qu’elles ne sont plus. Beth s’est accrochée une dernière fois à ce semblant d’espoir qui restait et si elle serait bien capable de supplier la chirurgienne à genoux de la reprendre, elle sent bien qu’un déclic commence à se faire dans son cerveau, que le cheminement est commencé et qu’un jour, aussi lointain soit-il, elle finira par accepter. Cela ne signifie pas qu’elle en sera moins peiné, qu’elle oubliera cette femme qui lui aura causé tant de larmes; Liz se connaît bien trop pour envisager que cela soit possible mais en toute honnêteté, si elle se dit parfois que cela serait plus facile si c’était le cas, la jeune femme sait que c’est bien la dernière fois qu’elle veut. Parce que si deux ans et demi à l’échelle d’une vie, ce n’est rien, elle sait qu’elle ne se sentira plus jamais aussi complète et heureuse que lorsque Victoria était la personne qui occupait le plus de place dans son quotidien - et pas uniquement dans son esprit, comme actuellement.
Liz - il n’y a plus de Beth - se fige une seconde quand son ancienne promise la corrige sur l’endroit où elle se trouvait. Est-ce que cela a vraiment de l’importance ? Est-ce vraiment cela qu’elle retient de cette conversation ? Qu’Elizabeth se trompe sur l’endroit où elle a passé les six mois qui ont suivi leur rupture quand elle n’en a de toute façon jamais été informée ? “Eh ben voilà, comme ça tu découvriras la Colombie.” souffle-t-elle, même pas sûre d’être réellement audible. Les sons restent bloquées dans sa gorge ou semble d’ailleurs remonter la quasi-intégralité de son estomac. Toujours en train d’appuyer frénétiquement sur le bouton appel de l’ascenseur, elle secoue la tête lorsqu’elle lui propose de mettre les voiles et tourne la tête, juste pour être certaine de voir son visage en répliquant : “Mettre les voiles, c’est ta spécialité, pas la mienne.” Mais Vic n’a pas tort. La ville ne lui appartient pas et Liz devrait bien se faire au fait qu’elle risque parfois de l’y croiser désormais. Il ne reste plus qu’à espérer que leurs amis communs ne célébreront pas trop d’événements qui requièrent la présence des deux jeunes femmes ou en tout cas qu’il y ait assez d’invités à ce type d’événements pour qu’elles se croisent le moins possible. Et par pitié, surtout pas un mariage…
L’ancienne skieuse passe ses mains sur son visage, tant pour essuyer ses larmes que parce qu’elle a besoin de quelques secondes sans sentir le regard de son ex-fiancée sur elle. C’est vain, malheureusement et lorsque Vic ouvre à nouveau la bouche, Liz relève la tête : “Arrête Vic !” Elle n’a même pas le temps de réfléchir aux mots qu’ils sortent déjà de sa bouche. “Arrête de mentir ! Tu te rends compte de ce que tu dis ? Tu seras toujours là pour moi ? C’est pour ça que tu t’es cassée six mois en Col-- en Bolivie au pire moment de ma vie, sans répondre à aucun de mes appels ou messages ? C’est ça que tu appelles être là pour moi ?” Liz prend une grande inspiration, n’essaie même pas d’avancer vers Vic, qu’elle ne lâche pourtant pas du regard. “Dans deux minutes, tu sors les violons et me dis que je suis ta meilleure amie c’est ça ?” Il n’est même plus question du fait qu’elle ne l’aime plus - ou ne l’a jamais aimé - mais comment peut-elle tenir des propos pareils après être parti à l’autre bout du monde au moment où Liz avait le plus besoin d’elle ?

Vic ne parvient pas à savoir comment elles ont pu en arriver là par de simples roses, qu'elle envoyait de bon cœur, sans aucune envie de mettre le feu au poudre. Elle réalise à présent, avec cette conversation, que c’était une énorme erreur de jugement, qu’elle aurait pu prévoir tout seule si elle n’avait pas agit sous le coup d’une impulsion en passant chez la fleuriste pour commander les roses de ses proches. Note à elle-même ; n’en envoyer à personne l’année prochaine, peu importe ceux dont le sourire s’est élargi en les recevant. C’est bien la première fois que Victoria se prêtait au jeu, autre que pour la femme qu’elle aime, et le résultat est totu sauf brillant. Celui-ci n’enlève bien sûr pas le sourire d’Eben, ou encore de Rora, à la réception des leurs, mais c’est celui de Beth qu’elle aurait aimé voir, sans que celle-ci ne comprenne son message de travers.
Le ton monte beaucoup trop vite, les piques volent et Vic ne peut s’empêcher de rouler des yeux en entendant son ex-fiancée lui marmonner d’aller découvrir la Colombie. Elle voudrait lui dire que cette attitude ne lui va pas du tout, qu’elle lui reproche d’avoir changé ces derniers mois alors qu’elle en a fait tout autant, mais elle s’abstient. A quoi bon, si ce n’est la blesser avec des lames de rasoir en utilisant que des mots ? “Mettre les voiles, c’est ta spécialité, pas la mienne.” Vic hoche la tête, se triture les doigts mais garde le silence, attendant simplement que la jeune femme disparaisse de son champs de vision, lorsque l’ascenseur lui parviendra (enfin). Elle pourrait, elle, rentrer dans l’appartement et fermer la porte mais elle en est bien incapable, alors que son coeur la supplie de couvrir la distance entre elles et prendre Beth dans ses bras. Pas pour renouer, parce que Vic ne le peut pas, mais pour la consoler et lui faire savoir que ce ne sont pas que des mots. Les mains enfouies dans les manches de son pull, l’ancienne chirurgienne vient croiser les bras contre sa poitrine lorsque Beth lui dit d’arrêter, et l’observe bouche bée. Elle voudrait tellement crier plus fort qu’elle, lui faire comprendre que si elle n’a pas été blessée physiquement, elle a souffert au moins autant qu’elle cette dernière année, mais la jeune femme semble avoir été figée dans le temps. Comme Anna, lorsque la glace vient geler son cœur avant qu’Elsa la délivre avec un baiser d’amour pur et sincère. Son baiser, à elle, ne viendra pas. C’est même lui le coupable de toute cette scène qui se déroule sous ses yeux - parce qu’à ce stade, Vic a l’impression de regarder le tout de l’extérieur. Ce n’est pas possible que cette conversation ait lieu entre Elizabeth McCarthy et Victoria Lahey. Elle perd la capacité de bouger, de parler, et observe juste celle qui devrait être sa femme, les yeux remplis de larmes. « Comment j’aurais pu être là pour toi alors que tout est ma faute, hein ? Dis-moi comment j’aurais pu t’aider alors que je venais de briser nos rêves ! » Celui de se marier, de vieillir ensemble, mais aussi ceux de la championne olympique. La question sort sans même qu’elle s’en rende compte et Vic recule d’un pas, comme si les mètres entre elles n’étaient plus suffisants. S’il y a bien une chose dont elle est certaine, c’est qu’elle n’a pas le droit de laisser parler son cœur à nouveau. « On est pas amies et on ne le sera jamais. » Ca ne veut pas dire qu’elle sera là, si Beth a un jour besoin qu’elle le soit, bien que convaincue qu'elle ne devrait plus interférer dans la vie de son ex fiancée. « Je suis désolée de m'être laissé emporter, Beth. » Elle souffle finalement, dans un murmure, avant de rentrer dans l’appartement et fermer la porte derrière elle pour ne pas affronter la peine qu’elle vient à nouveau de lui infliger.