Je sais clairement qu’elle a reçu mon message de Saint-Valentin, j’ai fait en sorte qu’elle le reçoit, m’assurant que ce soit le bon nom et à la bonne adresse – même si ce dernier aspect fut compliqué car je n’en savais rien.

C’est mon seul doute…

A vrai dire, j’ai surtout beaucoup hésité à lui envoyer. Tout d’abord, parce que je suis un inconnu à ces yeux et ça ne doit pas être agréable, je suppose ? Pas forcément… en y réfléchissant. Et puis, je dois l’avouer qu’elle reste encore très inconnue aux miens.

Il suffirait d’une seule fois…

Je pourrais attendre de la découvrir davantage mais je sais que je n’aurais jamais le courage de l’accoster. Je ne connais que ce que j’ai pu observer d’elle. Notamment cette beauté froide qui la caractérise et me fascine.

Aujourd’hui, j’ai de nouveau cette occasion d’apprécier la beauté de la belle américaine. Je profite du calme de la bibliothèque pour écrire quelques notes alors que je la vois arriver au loin. Je rentre automatiquement dans ma chaise, de peur qu’elle me voie.

Elle ne te voit pas…
Tu n’existes pas pour elle…

Puis il y a cette voix dans ma tête qui me rappelle une chose : je ne suis qu’un humain parmi tant d’autres. Aveux bien douloureux que je me dois de digérer alors que je me redresse sur ma chaise. Mes yeux ne quittent pas l’ondulation gracieuse de ces cheveux blonds alors qu’elle s’assoit à quelques rangées de là.

Le coude posé contre le bord de la table, le menton contre la paume de la main, mes yeux ne fixent qu’elle. J’en oublie clairement ce qu’il peut vivre autour d’elle, autour de moi… Autant que mes bonnes manières… la dévisager n’a pour but que d’admirer la jeune femme, apprécier la douceur de ses traits… Si seulement, j’avais le courage d’aller la voir…

Elle est vraiment magnifique. Je sais que son prénom est Nadia, qu’elle a sûrement des origines européennes vu la beauté qu’elle dégage… On ne peut pas manquer une telle étoile dans ce vaste endroit, je suis surpris qu’elle ne se soit jamais faite accosté jusqu’ici. Pour ma part, je ne peux me lasser de la regarder. Je me demande si elle a reçu mon poème, si elle l’a aimé… j’y ai mis tout mon cœur et j’ai aimé l’écrire. Chose que je n’avais pas pu dire depuis si longtemps. J’ai aimé ce que j’ai écrit, grâce à elle…

Ma muse…

Lorsque son regard se pose sur moi, je dévie automatiquement sur mes affaires, faisant mine d’écrire. Je me rends compte que mon cœur a accéléré dangereusement dans ma poitrine, que ma respiration est devenue douloureuse par la peur soudaine. J’attends plusieurs secondes, les plus longues de ma vie, avant de pointer à nouveau le bout de mon nez. Je scrute la pièce et ne voit plus la chevelure blonde.

Où est-elle ?

Je manque un loupé dans le battement de mon cœur lorsqu’elle vient de se téléporter à ses côtés, m’offrant une surprise presque renversante. Je manque de tomber de ma chaise. « Eh… bien… je… en… fait… je… » Les premières choses qui me frappent à cet instant, c’est qu’elle est encore plus belle de près. Ses traits sont fins et doux. Et pourtant, je sens que je pourrais me piquer si j’approchais bien trop de cette jolie rose.

Le début n’est pas franchement mirobolant mais je parviens à retrouver un peu de bon sens dans mon cerveau. Je décide de me lever de ma chaise, plongeant mon regard dans le sien. « Je suis désolé… » l’afflux de gêne m’empêche de maintenir mon regard dans le sien. Je me frotte la nuque, évadant mon regard vers les rangées de bibliothèque. « Tu dois penser que je suis un fou mais je te promets… que je ne te veux pas de mal… je… je ne fais que te regarder… parce que je te trouve vraiment très belle… »

J’en oublie à quel point ce genre d’aveu est à filtrer en temps normal. Je n’ai pas l’habitude avec les filles. Est-ce un peu trop pour la première fois que je lui parle ? Pourtant, j’ai envie de lui décrire à quel point elle est belle. Et au fond, j’ai envie de savoir encore plus de choses de la muse qui hante mon esprit.

Je suis gêné par la situation, j’ai l’impression d’être un criminel qu’on vient de prendre la main dans le sac. Sauf que dans cette situation, je me rends compte que Nadia a bien vu que j’existais. Depuis quand le sait-elle ? J’ai la réponse bien rapidement après mes excuses quand elle parle de la « stalker » pendant qu’elle est ici. Elle parle comme si c’était une habitude. A vrai dire, je ne la cherche pas sur le campus à chaque fois mais… il faut dire que la bibliothèque est mon temple… et qu’elle y va souvent…

« Je ne pensais pas que tu me remarquais… »

Je me rends compte que ma défense est un peu minable. Et à vrai dire, quand elle continue, je me rends compte que mon attitude a été désagréable envers elle. Si je n’étais pas aussi peureux, je serais déjà venu la voir. Je n’ai jamais eu le courage d’aborder une fille sauf si c’est pour demander où sont les toilettes ou des banalités de ce genre.

Cette fille… elle a un caractère de feu. Plus les mots coulent de ses lèvres, plus j’admire à quel point sa confiance en elle la rend si forte.

« Je suis désolé, je n’avais pas l’intention de te déranger. »

A vrai dire, j’aurais aimé avoir ce courage de venir lui parler, car j’avais envie de la connaitre un peu plus. De connaitre bien plus que cette beauté qu’elle m’inspire. La seule façon que j’ai trouvée, ce fut par les mots…

Mon seul atout…

« A vrai dire… je l’ai … plus ou moins fait… Je t’ai envoyé un poème pour la Saint Valentin… »

Je lui dois au moins l’aveu de mon identité. Le poème, si elle l’a bien reçu, il vient de moi. Ce message venu du cœur et la preuve de l’inspiration qu’elle a fait renaitre par le simple fait de la regarder.

« Je ne sais pas si j’aurais eu le courage de venir te voir… mais je voulais t’offrir un peu de l’inspiration que tu me donnais quand je te voyais… car ça faisait si longtemps que je n’avais plus aussi bien écrit… »

Je baisse la tête.

« Je suis vraiment désolé pour le dérangement… je… je ne t’embêterais plus, je te le promets… »

Même si au fond, j’ai l’impression que je lui dis « Adieu ». Mais avec tellement de regrets. Elle a quelque chose qui m’inspire. Quand elle travaille, lit un livre, écrit, marche… il y a une beauté rafraichissante qui fait vibrer mon âme.

Je suis surpris qu’elle soit capable de redonner mon identité au complet. A vrai dire, je me rends compte que je suis nul quand je cherche à me cacher moi et mes intentions. Même si elles ne sont pas négatives envers Nadia. Non, envers la jeune femme, j’éprouve une admiration sans borne pour sa beauté et son charisme. Je ne me permets pas d’en rajouter, à vrai dire, j’ai sûrement dit ce qu’il fallait. La jeune femme acquiesce et s’éloigne. Mes épaules retombent, une part de moi est déçue de la voir s’éloigner mais qu’est-ce que je peux faire de plus ? Je suis sûrement un cinglé à ces yeux. Je me rassois à ma table et remarque qu’elle plie bagage. Elle doit sûrement s’en aller, alors je m’abandonne à mes livres, regardant l’un de ceux que j’étudiais pour en tourner quelques pages avec un ennui et un cœur lourd.

Soudainement, la jeune femme fait son apparition devant moi en m’annonçant que de cette manière, je pourrais lui parler librement. A vrai dire, elle vient de me couper de la réalité. Mes yeux ne la quittent pas une seule seconde alors qu’elle s’installe. Aucun mot ne filtre de ma bouche alors qu’elle ne reprend pas le travail. Que veut-elle ? Mon interrogation est vite résolue par sa question. La rose… le poème… j’acquiesce timidement face à cette question que je pourrais clairement développer en trois pages minimum. Mais oralement, j’ai ma fâcheuse tendance à être bien plus… synthétique. « J’ai plus de facilité à dire librement ce que je ressens en écrivant. Et… ce que j’ai écrit… c’était l’inspiration que j’avais pour toi. »

Je ne peux soutenir son regard d’un aveu, à mes yeux, c’est presque aussi fort qu’une autre personne dirait « Je t’aime » à l’autre. Sauf que je ne sais pas vraiment ce qu’il se passe en moi, envers elle. Je sais juste que mon esprit a vu son imagination renaitre lorsque je la vois, elle, son sourire, ses regards… Et la rose lui allait tellement bien. « Tu es aussi belle et piquante qu’un rose, c’était… approprié, je suppose… » je me sens nerveux en sa présence et prend un crayon pour occuper mes mains dans le but de cacher l’effet qu’elle me fait. « Je ne suis pas sûr que tu vas apprécier ma présence avec moi… je suis… ennuyeux… je ne sais pas quoi dire… à une fille de manière générale et je… je dois avouer que je ne te connais pas assez pour connaitre ce qu’il te plait. »

J’acquiesce. Piquante car son charisme laisse deviner qu’elle n’est pas une personne fragile, du moins, c’est ainsi que je le ressens. Cependant, je ne m’attendais pas à ce qu’elle pense que je me fie aux paroles des autres. Pour la simple raison que je ne fréquente pas vraiment des personnes qui la connaissent. C’était juste le ressenti que j’en avais pour elle. En tout cas, elle ne perd pas le Nord dans cette situation et se montre même sous un jour que je ne lui connaissais pas. Pour ça, il aurait fallu que je provoque cette chance que j’ai à présent, de parler avec elle.

« Je ne sais pas qui dit du mal de toi mais c’était juste l’impression que tu me donnais. Et je suis désolé, je ne voulais pas décider à ta place. »

Après tout, elle sait mieux que quiconque ce qui est bon pour elle. Je ne peux m’empêcher de lâcher un petit rire lorsqu’elle me vole mon crayon et cherche à me taquiner avec. C’est la première fois que je décroche un sourire pour la jeune femme, je suis amusé par son petit jeu et au fond, c’est plutôt drôle.

« C’est pas très gentil de te moquer… » dis-je en riant avant de me pencher vers mon sac à dos.

Je sors un autre stylo, identique à celui qu’elle tient dans les mains. Pour le coup, c’est moi qui arbore un petit air victorieux sur le visage. Une chose est sûre c’est que je suis toujours prévoyant et j’ai toujours de quoi remplacer mes affaires. Je fais virevolter le stylo dans ma main avant de répondre à la jeune femme :

« Raté ! » dis-je alors que je pose mes avant-bras sur mes cuisses et torturer mon nouveau stylo. « Un sacrifice qui sera honoré pour ce pauvre stylo…. » Même si au fond, j’aimerais bien être à sa place. Aveu que je ne formulerais jamais de ma pauvre vie…